Migration des élèves du privé vers le public: la grande évasion?

Exsangues, de nombreux ménages font le choix du passage du privé vers le public. Photo d'illustration.

Exsangues, de nombreux ménages font le choix du passage du privé vers le public. Photo d'illustration. . DR

Parents d’élèves, écoles privées comme département de tutelle le confirment: la rentrée 2020-2021 est marquée par un important mouvement des élèves du privé vers l’enseignement public. Voici pourquoi.

Le 02/09/2020 à 13h31

Le phénomène n’est pas nouveau et, avant, le ministère de l’Education nationale en faisait même un motif de fierté. Il s’agit de la migration des élèves du secteur privé vers le public. Auparavant, le phénomène s’expliquait essentiellement par la médiocrité des «prestations» de certaines écoles privées, destinées à une classe moyenne, dont les membres appartiennent aux catégories socio-professionnelles B, voire B-, qui se battent au quotidien pour offrir la meilleure éducation possible à leur progéniture, et, surtout, un cadre où un minimum d’épanouissement leur est garanti. Mais de guerre lasse, et à qualité égale, certains optaient pour le public. 

Mais depuis le mois de mars dernier, le coronavirus est passé par là et à ce facteur qualité s’en est ajouté un autre, celui-ci d’ordre financier: les difficultés matérielles auxquelles de nombreux ménages sont aujourd’hui confrontés. Les multiples bras de fer entre les directions d’écoles privées et des parents d’élèves autour des frais de scolarité du troisième trimestre de l’année dernière n’ont rien arrangé à ce qui s’assimile désormais à une désaffection massive. Le refus des établissements d’enseignement privé de consentir à des efforts en matière de réduction de ces frais de scolarité a fini de convaincre une grande partie de ceux qui persistaient encore à croire que «le privé, ça reste mieux».

Un malaise profondRésultat: une forme de désengagement s’est mise en place en plein milieu de l’année scolaire précédente. On s’en souvient, de multiples procès ont été intentés par des parents d’élèves, sous pression. C’était soit pour avoir ce véritable Graal qu’est le certificat de départ, permettant à un élève donné de quitter un établissement (privé) pour un autre, public en l’occurrence. Ou alors pour amener la direction d’une école publique à admettre un enfant auparavant admis dans un établissement privé.

En cette rentrée, la tendance se confirme, et de plus belle. Exsangues, de nombreux ménages font le choix du passage du privé vers le public. Contacté, le ministre de l’Education nationale, Saaïd Amzazi, reconnaît l’existence de ce phénomène.

Le processus des inscriptions étant toujours en cours, et malgré nos différentes sollicitations envers les Académies régionales relevant du ministère de l’Education nationale, il a été impossible d’avoir des statistiques à même de donner la mesure du phénomène. Mais un seul indicateur suffit à en saisir l’importance. Nous vous l’apprenions le 27 août dernier: dans la seule Agadir, quelque 2.403 demandes de transfert du privé vers le public ont été formulées via une plateforme électronique mise en place par un comité provincial dédié. Et tout porte à croire qu’à Agadir comme partout ailleurs, la tendance est allée crescendo depuis. «Même si c’est loin d’être massif», nuance le ministre.

Le département de tutelle est actuellement en train de recenser les élèves du privé qui devront poursuivre leurs études dans le public à partir de cette rentrée, nous informe-t-on. Un bilan définitif sera être disponible d’ici le 7 septembre, soit à la date officielle de reprise des cours.

Contactées, de nombreuses écoles privées disent, sous couvert d’anonymat, ressentir la tendance. Mais certaines mettent ce phénomène dans la balance du bras de fer précité qui oppose les associations de parents d’élèves aux directions d’écoles privées. «Des parents, sans en avoir véritablement l’intention, n’hésitent pas à brandir la menace de retirer leurs enfants pour avoir des réductions ou des annulations des frais non encore honorées l’année dernière», explique cette directrice d’école.

Le non-sens de l’enseignement privé…à distanceCoordinateur national de l’Union des parents d’élèves des établissements d’enseignement privé au Maroc, Mohamed N’hili s’inscrit en faux contre une telle explication: «de nombreux parents disent en avoir assez des véritables pressions qu’ils subissent de la part de certains établissements privés. A commencer par de nouveaux contrats qu’ils les somment de signer et qui veulent que tout parent doive désormais s’acquitter des frais de scolarité, en toute circonstance. Nous ne parlons pas de ces écoles qui refusent, par exemple, toute réinscription d’un enfant donné si les frais de l’année dernière ne sont pas soldés». Mieux encore, certains parents se voient refuser le certificat de départ permettant d’inscrire leurs enfants dans d’autres écoles, qu’elles soient publiques ou privées.

A cela s’ajoute une raison bien pratique: la confusion autour de la rentrée de cette année et la piste de l’enseignement à distance privilégiée par les pouvoirs publics en ces temps de coronavirus. «Un parent donné se coupe un bras pour inscrire son enfant dans le privé parce que celui-ci opère en horaire continu, lui permettant ainsi de se concentrer sur son travail, et parce qu’il offre des services et commodités qui n’existent pas dans le public. En l’absence de ces facilités, et la qualité de l’enseignement étant en définitive la même, continuer à payer relève du non-sens», explique Mohamed N’hili.

Et maintenant on va où?Reste que les contraintes liées à ces transferts sont nombreuses. Et la question est de savoir si le public est capable aujourd’hui, comme à terme, d’accueillir les nouveaux flux émanant du privé. Le ministre de tutelle se fait rassurant, et affirme que «l’éducation étant un droit inaliénable, l’Etat fera le nécessaire pour accueillir tous les enfants en âge de scolarité, d’où qu’ils viennent». «Nous demandons à ce titre aux établissements privés d’accorder les certificats de départ à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent», indique-t-il. Cela étant, le phénomène reste mineur, et «il est loin d’être massif», insiste le ministre. Les prochains jours nous en diront un peu plus.

Par Tarik Qattab
Le 02/09/2020 à 13h31

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J'ai enseigné dans une école privée. Je ne suis pas resté longtemps. Les patrons de l'école n'ont rien à cirer du niveau de motivations des jeunes. Ils ne s’intéressent qu'au début du mois ou du trimestre pour encaisser. Il existe de bonnes écoles privées, mais les parents, pour que leurs enfants ne se mélangent pas avec les enfants du peuple, ils vont là où les prix sont très très élevés. Les moyens permettent de recruter les meilleurs enseignants. L'égalité devant l'accès au savoir n'est pas pour demain.

Bonjour,je ne comprend pas la phrase suivante:catégorie socio-professionnelle B voirB- est ce une stigmatisation ou bien c'est un terme courant utilisé dans la presse pour parler des gens à faibles revenus ? Simple question qui suscite une simple réponse. Bien à vous

Très heureuse de cette nouvelle et j'encourage tout parents d'élèves a faire de même ayons confiance dans l'enseignement publique de son côté le gouvernement doit faire son travail c a dire redonner un souffle a cette institution qu'est l'éducation par la qualité d'enseignement au profit des futurs citoyens marocains.les écoles ainsi que le mode d'enseignements doit être soutenu améliorer en continu !! Arrêté de soutenir les écoles privé

L'enseignement privé permet de décharger l'état vis à vis de sa responsabilité pour éduquer nos enfants. Ce sont des taxes supplémentaires que les parents doivent payer s'ils veulent que leurs enfants étudient dans de bonnes conditions. Il faut donc faire la pression pour améliorer les conditions des écoles publiques.

L’industrialisation de l’enseignement au Maroc a pris des proportions anarchiques qu’un grand nombre de prétendus establishments scolaires ont poussé partout comme des champignons. On se demande bien comment la majorité sont arrivés à répondre aux critères, normalement strictes, d’obtention des autorisations nécessaires pour offrir ce service essentiel. Depuis presque vingt ans, on a assisté à une sorte de ruée vers l’or impliquant des opportunistes de tout genre qui se sont lancés dans l’enseignement privé. Une tendance forte sui rappelle la frénésie des télé-boutiques des années 90. Cependant, le ministère de tutelle est à blâmer; tant celui-ci est devenu une simple arène de combats idéologiques et politiques. La situation actuelle présente une occasion unique de changer de cap!

Il a fallu l'arrivée du Corona pourque les parents d'élèves puissent réaliser que l'enseignement privé est privé de beaucoup de choses.Privé de pédagogie ,de psychologie ,etc.C'estla course aux notes élevées .Du bourrage quoi.On gave lespauvres élèves comme des oies . Entre temps le ministère s'est débarrassé des établissements scolaires.(vente , démolition , fermeture) oh mon Dieu !!!

vivement une exode massive des établissements de l'enseignement privé vers les établissements de l'enseignement public,ça apprendra au cupide lobby de l'enseignement privé que nous parents d'élèves nous ne sommes pas des vaches à traire

s en est fini! comme dit l adage de la darija (tah el houk ou lka khetah) les etablissements d enseignement privé l ont cherché. c est la grande migration vers l enseignement public qui certainement retrouvera ses galons d antan.

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