Mariage de mineures: dix motifs pour justifier l'exception qui fait la règle

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Revue de presseKiosque360. Une étude réalisée par le CNDH et le FNUAP montre que les magistrats ont de plus en plus tendance à autoriser le mariage de mineures. Cette revue de presse, tirée de l'hebdomadaire Al Watan, revient sur les dix motifs les plus souvent invoqués par les magistrats pour justifier leur décision.

Le 14/12/2022 à 18h58

Les magistrats ont tendance à devenir un peu trop laxistes lorsqu' il s’agit de mariage de mineures. Le nombre des demandes qui leur sont soumises et se voient acceptées est considéré comme anormalement élevé. Au point que cette exception prévue par la Moudawana est devenue, au fil du temps, une règle bien installée, commente l’hebdomadaire Al Watan dans son édition actuellement en kiosque.

Une étude réalisée par le CNDH, en collaboration avec le Fonds des Nations unies pour la population, s'est penchée sur un corpus de 150 jugements et décisions rendus par la justice et a relevé les dix principaux motifs invoqués par les magistrats pour justifier l’approbation des demandes de mariage de mineures. Il s’agit, en premier lieu, de la prise en considération des us, mœurs et traditions. Dans de nombreux jugements, les magistrats ont appuyé leur décision sur les coutumes locales de certaines régions où le mariage des filles se fait à un âge précoce. 

Le deuxième motif invoqué par les juges est la protection de la fille orpheline. Dans ce cas, ce sont les conditions sociales de la famille de la fille qui sont mises en avant. En l’absence de l’un des parents, décédé, le juge n’hésite pas à autoriser le mariage, surtout si la jeune fille s’approche de la maturité légale.

Les liens familiaux avec le mari sont également considérés comme une raison valable pour donner suite à la demande de mariage d’une mineure. Le juge estime, dans ce cas, qu’il est dans l’intérêt de la jeune fille d’épouser un proche. Autre motif pris en compte par les magistrats, la déscolarisation des filles. Les auteurs de l’étude ont, en effet, observé une tendance générale chez les juges à refuser les demandes de mariage de filles qui poursuivent encore leur scolarité. Ce qui a paradoxalement eu pour effet d'encourager les parents à retirer les filles de l’école pour pouvoir les marier, note Al Watan.

Autre argument devant lequel les magistrats n'hésitent pas à donner leur accord: les conditions économiques et la perspective de l’amélioration du niveau de vie de la jeune fille. Si le magistrat estime que la jeune fille, une fois mariée, pourra accéder à de meilleures conditions de vie, surtout lorsqu’elle est issue d’un milieu précaire et défavorisé, il donne automatiquement un avis favorable.

L’atteinte de l’âge réel du mariage, estimé à 16 ans, est également un motif sur lequel les magistrats basent leur décision. En réalité, les tribunaux de famille établissent plutôt l’âge réel du mariage entre 16 et 17 ans, âge qui peut même descendre, dans certains cas, jusqu’à 15 ans, notamment dans le cas où, et c’est un autre motif, le magistrat estime que la fille est suffisamment mûre et capable d’assumer les responsabilités du mariage.

D’autres considérations sont prises en compte par les magistrats lors de la prise de décision. L'hebdomadaire cite notamment la volonté d’éviter le mariage illégal et les relations sexuelles hors mariage, ainsi que la tendance à marier l’enfant violée à son violeur. Dans ces cas, le juge donne également son feu vert au mariage. Faut-il préciser que, selon la même étude, l’écrasante majorité des juges chargés d’autoriser ou rejeter une demande de mariage de mineure sont des hommes?

Par Amyne Asmlal
Le 14/12/2022 à 18h58