Les libertés individuelles au Maroc, au cœur d’une guerre des clans

ChroniqueSi le débat n’a pas perdu de sa vigueur dès qu’il est question de libertés individuelles, la nouveauté se trouve plutôt du côté des forces vives qui ont rallié ce combat, principalement francophones et issues de la diaspora marocaine.

Le 19/03/2023 à 13h15

Un manifeste élaboré par un collectif de personnalités marocaines en faveur des libertés individuelles au Maroc a mis le feu aux poudres sur les réseaux sociaux. Bien que le but de ce manifeste, qui entend ouvrir la voie à une réforme repose sur la notion de justice et d’égalité entre les sexes, les propositions qui y ont été faites ont déchaîné les passions.

Le programme s’annonce chargé car on y traite tant la liberté de culte, que l’héritage équitable entre hommes et femmes, l’héritage des non-musulmans, le mariage des mineurs, le mariage des femmes musulmanes à des non-musulmans, la garde des enfants après le divorce mais aussi le droit de visite, l’occupation du domicile et la tutelle légale.

Autres sujets nécessaires mais explosifs, les relations sexuelles hors mariage et la reconnaissance de la paternité, le droit à l’avortement ou encore l’adoption de la nationalité marocaine par un conjoint étranger…

Autant de propositions, en faveur des libertés individuelles listées en un seul document, ont manqué de faire s’étouffer celles et ceux qui associent toute idée de changement à une atteinte à l’islam et aux valeurs du Maroc.

Or, contrairement à ce que semblent découvrir certains détracteurs dans cette proposition de réforme, le débat n’est pas nouveau au Maroc et a toujours opposé deux camps: celui desdits conservateurs à celui de ceux qu’on désigne comme modernistes, ou encore celui des islamistes à celui d’une élite francophone et occidentalisée.

Si le débat n’a pas perdu de sa vigueur dès qu’il est question de libertés individuelles, la nouveauté se trouve plutôt du côté des forces vives qui ont rallié ce combat, principalement francophones et issues de la diaspora marocaine. Il fut un temps, pas si lointain, où la médiatisation du combat pour les libertés individuelles s’étalait dans les colonnes de la presse marocaine francophone, et principalement dans les magazines féminins. A cette époque, dans les années 90, pas de sites internet pour relayer l’information et pas de réseaux sociaux. L’impact de ces articles et reportages était donc limité à une petite minorité au Maroc.

Mais aujourd’hui, la donne a changé, radicalement. La politique marocaine se débat désormais de façon beaucoup plus large, les réseaux sociaux ayant permis de lui faire dépasser les frontières. Sur Twitter, la question de l’identité marocaine est devenue la chasse gardée des Moorish, la nouvelle vague francophone du nationalisme marocain, majoritairement issue de la diaspora, et qui se situe à droite. Face à eux, ceux qui sont taxés de «lefties», «gauchos», «bobos de gauche» ou «bourgeois marocains», attaqués pour leur perception d’un Maroc moderne, leur culture francophone, leur éducation teintée de laïcité.

On notera au passage l’occidentalisation, compte tenu de ces appellations attribuées aux deux camps, d’un débat purement marocain. Un comble quand les détracteurs des libertés individuelles dénoncent l’occidentalisation des mœurs au Maroc.

Ce qui se profile en réalité à travers ces débats houleux, c’est l’engagement manifeste de la jeune diaspora marocaine aux questions politiques et sociétales liées à son pays d’origine. C’est une très bonne nouvelle en soi tant cela témoigne de la force de son attachement à ses racines. En revanche, là où le bât blesse, c’est dans l’attachement viscéral à une certaine idée d’un Maroc imperméable au changement et aux réformes sociétales. Une terre promise, vierge de toute «corruption» et «dépravation» occidentales et laïques.

Or, à l’heure où les médias français ont ouvert une guerre entre l’islam et la laïcité, encore faut-il ne pas transposer ce débat au Maroc, où il n’a pas lieu d’être. Car si cette guerre de cultures et de religions a trouvé un terreau fertile en France, contrairement à d’autres nations occidentales comme le Royaume-Uni, rappelons que les partisans de cette vision manichéenne, incarnée par le parti islamiste, ont subi une cuisante défaite aux dernières élections.

Les propositions de réformes, s’agissant des libertés individuelles au Maroc, reposent sur un principe de justice et d’égalité qui a toute sa place en islam. En débattre n’est pas une atteinte à la religion mais le signe de bonne santé d’une société, prête à trouver des solutions dignes de ce nom à des drames humains qui se jouent au quotidien au Maroc. Si tenter de préserver nos valeurs et nos traditions dans la course à la modernité est un challenge qui mérite d’être soutenu, enfermer le Maroc et les Marocains dans un moule incassable n’est ni possible, ni souhaitable si tant est que l’on aspire à une société plus juste et plus équitable.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 19/03/2023 à 13h15

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Le programme du collectif est tout à notre honneur. Le Maroc est de par son histoire, est une terre carrefour de civilisation, un melting-pot riche des apports successifs de ces civilisations, religions et ethnicity. Pourquoi le renier, pourquoi y tourner le dos? Au contraire, c’est ce qui fait notre identité, notre particularité, notre identité plurielle. Allons de l’avant, éviter les discours populistes importés et le Maroc en sera grandi. Inchaalah…

Certains ont dû mal avec les avancées sociales surtout lorcequ’il s’agit de discriminer les femmes comme sur l’égalité de l’heritage .Alors que les femmes paient leurs factures au même prix que leurs frères.Donc non seulement ils discriminent les femmes psychologiquement mais aussi économiquement !.Sans compter que ce sont des hommes majoritairement qui sont contre .Ce qui est logique ils n’ont pas envie de perdre leurs avantages économiquement .Alors que la nouvelle constitution de notre roi prône l’égalité .entre hommes et femmes,il serait juste et logique que ça soit appliqué aussi économiquement pour les femmes !. C’est une question de pragmatisme !.Les réticents et les « c’était mieux avant »seront bien obligés de s’y faire !.

L'aisance matérielle affranchit les âmes faibles de leur Créateur. Assez des chevaux de Troie de l'Occident au Maroc !

Les totales libertés individuelles existeront au Maroc le jour ou l'hypocrisie théocratique leurs aura cédée la place.. certainement pas avant plusieurs générations.

Que les islamistes ou consorts le veuillent ou non les libertés individuelles sont fondamentales la société Marocaine a changé les idées aussi pourquoi priver les filles de leur moitié d'héritage les femmes travaillent mieux et sont plus compétentes que ce soit dans le cadre du travail ou au foyer pourquoi garder un fœtus non désiré l'avortement est un choix personnel et nous autres n'ont rien à voir et j'en passe

Le problème à effectivement régler d'urgence est l'héritage des femmes mais il faut le faire dans le cadre de l'Islam avec un testament avec lequel la femme peut hériter comme l'homme. Il faudrait que ce type de testament halal devienne une norme fortement encouragée et facilitée par l'état marocain. Sinon il faut faire barrage pour le reste, en adaptant au cas par cas. Il serait dommage que ce soit au moment où l'occident décline de manière prononcée que l'on devrait céder, mais malheureusement cela va s'étend dans toutes les directions de la terre et ne s'arrêtera que par le prix de lourds tributs.

Puisque ce collectif prône ces valeurs, il n’a qu’a aller vivre dans ces pays qui les pratiquent. Si ce modèle était si harmonieux, ces pays ne vivraient pas autant de problèmes sociaux, Individualisme à outrance, absence de lien sociaux, tristesse inouïe, aucune joie de vivre malgré l’abondance. En ce qui concerne l’héritage la question ne se pose pas pour les intéressés. Il y a des solutions palliatifs au sein des lois musulmanes. Le maroc n’est le maroc que par ces valeurs et les gens qui y vivent. Ces collectifs et groupes féministes ne travaillent pas pour l’intérêt du pays. Ils seraient temps d’ailleurs que la diaspora dont vous parler prennent la parole pour témoigner de leurs vécus et expériences dans ces pays afin d’étaler les défaillances du modèle que vous prônez pour le Maroc

????????... Donner des leçons à autrui !!!

C'est pourtant simple à comprendre, le but est que les marocains deviennent des immigrés dans leur propre pays et c'est le principe de la colonisation. Relisez l'histoire récente, les marocains étaient devenus des habitants de seconde zone, ne bénéficiant plus d'aucun respect alors qu'ils étaient dans leur propre pays. Et les lois ont leur importance car l'Islam était vu par le colonisateur comme la seule raison de la non intégration durable à la métropole. Maintenant il y a bien sur des progrès possibles et le premier serait de faire signer directement un testament déjà remplie par l'état dès la naissance pour que les filles puissent hériter exactement comme les garçons. Ce testament étant halal en Islam et justifié par l'occidentalisation des marocains conduisant à de l'individualisme.

Ce qui est démocratique sans être occidental est d'instaurer l'égalité dans la loi et permettre à ceux qui le souhaitent de la modifier par testament.

L'égalité c'est d'abord l'égalité devant nos parents et nos enfants. L'héritage c'est l'égalité entre filles et garçons. C'est l'héritage pour les enfants et l'exclusion des personnes non ascendante ou descendante.

Oui, il faut abolir la loi ABERRANTE du TAASSIB.

Chaque pays dans le monde défend ardemment ses principes et ses valeurs. Pourquoi est ce qu'au Maroc nous devrions les sacrifier pour instaurer les idées radicales d'une extrême minorité qui veut substituer notre modèle par un autre alors qu'elle est consciente que la très grande majorité de la société marocaine attachée à ses valeurs est vigoureusement opposée à la dépénalisation de moeurs décadentes. Ces dernières mettent en péril la cohésion de la société et la notion même de famille. La diaspora marocaine instruite voit chaque jour le danger que représente pour le Maroc la banalisation de telles moeurs. Oui ces même personnes au Maroc remettent maintenant en cause l'existence même de l'islam dans la constitution. On ne touche pas aux institutions du pays. Dieu, la patrie, le roi!

La liberté individuelle que n'est en derniere analyse que le cache misere a la liberté de pécher. La politique a pour but de garantir le salut de l individu, pas sa perdition.

Le programme proposé par le collectif, ou le manifeste comme décrit ici, est effectivement ambitieux… mais il y a des limites restrictives et des contradictions dans le document lui-même! … «en respectant à la lettre… (et) le respect de nos valeurs sacrées» Finalement c’est le makhzen qui tient la barre et lui qui en décidera, bénéficiant du rempart du religieux. Enfin, si l'on arrache quelques libertés fondamentales, ça sera déjà pas mal. Espérons donc!

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