Immersion au cœur d'un réseau de trafic de cocaïne

DR

Revue de presseKiosque360. A Nador, trois réseaux de trafic de drogues dures écoulent leur marchandise pour 600 dirhams le gramme. Ils se fournissent à Melilla et leurs clients se comptent aussi bien parmi les riches que dans les couches défavorisées.

Le 29/11/2019 à 22h02

Des véhicules tout-terrain, de grosses berlines, des motos, des armes, blanches et à feu, de jolies jeunes filles comme «passeurs» et surtout des courses-poursuites dignes de films d’Hollywood. Les réseaux de trafics de drogues dures se professionnalisent. A Nador, au moins trois s’activent entre la ville et ses principaux satellites, Beni-Nsar, El Aroui et Selouane. Le quotidien Assabah a tenté une immersion dans le milieu et publié une enquête sur les réseaux de trafic de cocaïne dans son édition du week-end des 30 novembre et 1er décembre.

C’est à Beni-Nsar que le reporter du quotidien a entamé son enquête. Dans la paisible nuit de cette localité, à la frontière entre Nador et le préside occupé de Melilla, s’active un redoutable réseau organisé de trafic de drogues dures. Les convois de grosses voitures et de motos qui traversent à toute vitesse les artères de la localité ne semblent cependant pas perturber la routine des habitants. Ils y sont habitués. En réalité, relate le quotidien, le réseau qui s’active au niveau du port et dans cette localité possède une flotte de véhicules divisée en trois catégories avec des missions spécifiques. Une catégorie dédiée à la surveillance, une autre aux livraisons et une troisième destinée aux interventions en cas de pépin. C’est le cas d’ailleurs pour les deux autres réseaux.

Pour cette enquête, l’entrée en matière est classique. Le reporter et son «fixeur» se sont fait passer pour des clients. Ils ont contacté un dealer, membre du réseau, qui leur a assuré que la marchandise était disponible et qu’ils devaient se rendre dans un certain endroit. Un terrain nu et désert, près du port. Faux clients et dealers communiquent en rifain, pour ne pas que les trafiquants soupçonnent une tentative d’infiltration de la police. Les recommandations sont claires, pas de téléphone et le client ne doit ni parler, ni lever les yeux sur le «livreur».

Une fois sur place, les «clients» ont coupé le moteur de la voiture, éteint les lumières et attendu le livreur. Des voitures s’approchent, s’arrêtent pour dévisager les occupants de la voiture et repartent aussitôt. Il s’agit sans doute, pensent le reporter et son accompagnateur, des fameux véhicules chargés de la surveillance. Après une longue attente, le «fixeur» rappelle son contact qui lui affirme que le lieu de livraison vient de changer à cause d’un imprévu. Le nouveau point de contact est fixé dans un endroit isolé du port où seuls les délinquants les plus aguerris s’aventurent. Ce qui n’a pas été pour rassurer les deux «clients».

Sauf qu’avant d’atteindre le lieu indiqué, le reporter et son accompagnateur ont été stoppés net par deux véhicules tout-terrain, tous feux allumés, qui leur ont barré la route comme dans un film d’action. Dans la lumière aveuglante des phares, ils ont pu néanmoins distinguer les visages de quatre jeunes, à peine la trentaine, et une main qui leur tendait un sachet contenant une poudre blanche soigneusement emballée. Elle a, ensuite, empoché l’argent avant que tout le monde ne disparaisse dans le noir et dans un bruit de crissement de pneus. 

Dans la ville de Nador et ses environs, rapporte l’auteur de l’enquête, s’activent, presque selon le même modus operandi, trois réseaux de trafic de cocaïne. En fait, explique-t-il, ce qui est vendu comme tel est, en réalité, un mélange de substances chimiques qui a fait son apparition récemment sur le marché local de la drogue. Le gramme de cette substance coûte 10 dirhams aux trafiquants mais ils le revendent 600 dirhams. Les trois réseaux se sont partagés le territoire de la ville et ses environs, leurs membres sont, pour la plupart, recherchés par la police et leurs clients se comptent aussi bien parmi les jeunes aisés que parmi les couches pauvres.

A eux trois, ces réseaux peuvent écouler jusqu’à un kilogramme de drogue par jour. Leur champ d’action s’étend même jusqu’à l’intérieur de la ville occupée de Melilla. C’est d’ailleurs là qu’ils se fournissent, auprès d’un dénommé «El Menchar». Ils font passer la drogue du préside occupé à Nador par différentes méthodes. Mais les points de transit les plus fréquents sont le passage de Farakhana, avec la complicité des porteurs de marchandises de contrebande qui font passer de petites quantités, et le passage de Beni-Nsar. Dans le deuxième cas, les trafiquants font appel à de jeunes et jolies filles de confiance qui font passer des quantités plus importantes de drogue à bord de voitures de luxe.

Par Amyne Asmlal
Le 29/11/2019 à 22h02