Depuis la création de Grok en 2023, il est devenu coutume de solliciter l’intervention de ce chatbot d’intelligence artificielle générative développé par xAI pour vérifier les informations publiées sur X mais aussi, de plus en plus souvent, pour tenir un rôle d’arbitre dans des feeds où différents points de vue s’affrontent.
Et à ce jeu-là autant dire que Grok a du pain sur la planche dès lors qu’il s’agit de démêler le vrai du faux dans l’entreprise de désinformation menée par les mouches électroniques algériennes à l’endroit du Maroc. Car si les services secrets français découvrent que les campagnes numériques hostiles à la France sont en fait menées par des trolls algériens au service du ministre de la Défense qui n’est autre que le président Abdelmadjid Tebboune, révèle Le Canard enchaîné dans un article paru le 17 juillet, le Maroc se trouve être la cible de ce type d’attaques depuis bien longtemps. Comme en fait état ce même hebdomadaire français, le réseau de comptes Facebook algériens baptisés «Boulitique» a d’ailleurs été créé en 2014 afin de publier un unique contenu destiné à critiquer le roi Mohammed VI.
Mais dans le cas du Maroc, cette entreprise de nuisance acharnée vise aussi et surtout à tenter de réécrire l’histoire du Royaume afin de mieux s’approprier son patrimoine culturel. Dans une enquête menée par Le360 en 2022 déjà, notre média avait exploré les coulisses de la véritable guerre numérique que se livrent les Marocains et les Algériens sur le back office de l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia avec pour objectif, côté algérien, de réécrire l’histoire marocaine, en vue de se l’approprier. Il s’agissait en l’occurrence d’un nouveau front dématérialisé que le régime algérien ouvrait contre le Royaume.
Mais avec l’apparition de Grok en 2023, les choses ont changé et cette entreprise de falsification s’avère bien plus ardue. En témoignent sur X de nombreux échanges au quotidien sur des sujets aussi divers que la marocanité du Sahara, la guerre d’indépendance, le statut d’État, l’ancienneté du pays, l’identité du caftan… et la liste est encore longue. Autant de thématiques devenues polémiques qui font l’objet d’une propagande mensongère côté algérien avec la volonté clairement affichée de faire abstraction du fait que l’histoire du Maroc vieille de douze siècles en tant qu’État est amplement documentée et ne peut être réécrite. Une démarche qui s’apparente à celle de masquer le mot «Maroc» dans les images de la CAN féminine diffusées en Algérie.
Dans cette vaste entreprise de réappropriation culturelle menée contre le Royaume et de réécriture de son histoire (et de facto de l’histoire algérienne), on fait feu de tout bois. Ainsi, un simple tweet sur le tournage à Dakhla de nouvelles scènes du film «The Odyssey» de Christopher Nolan a donné lieu à une véritable joute au sujet de la marocanité du Sahara. Grok a immédiatement été convié à donner son avis sur une question en particulier: «où se passe le tournage?», lui a-t-il été demandé par un internaute algérien. Quand bien même la réponse est indiquée dans la publication originale, tout l’intérêt de poser la question à l’IA est de savoir où elle situe Dakhla.
Autant dire que la réponse de Grok n’a pas été du goût des trolls algériens. «Le tournage de “The Odyssey” de Christopher Nolan se déroule actuellement à Dakhla, au sud du Maroc, sur le site de la Dune Blanche. Matt Damon (Ulysse) et Zendaya y sont présents».
La réponse, encore une fois, ne satisfait pas et Grok se voit alors demander: «du coup pas au Maroc?» Décidément, à ce stade, on nage en plein acharnement, mais fort heureusement, le chatbot est doté d’une patience sans faille et rétorque: «Si, Dakhla est administrée par le Maroc comme partie de son territoire, même si le Sahara occidental reste disputé internationalement. Le tournage s’y déroule sous contrôle marocain».
Autre sujet de discorde, des propos tenus par le polémiste Eric Zemmour lors d’une interview accordée au Média Frontières le 16 juillet. «Le Maroc est tout ce que n’est pas l’Algérie: un véritable État, avec un royaume et une vieille histoire préservée, notamment par les conquérants. Les Marocains, eux, savent qui ils sont», déclare notamment le fondateur du parti d’extrême droite Reconquête. Des propos qui ont fait bondir les internautes algériens, et Grok d’être à nouveau sollicité pour donner son avis sur la question et rétablir quelques vérités historiques.
«Le Maroc, en tant qu’État, remonte à la dynastie idrisside fondée en 789. L’Algérie moderne a été établie en 1962 après son indépendance de la France», écrit le chatbot qui sans s’en rendre compte a littéralement lâché une bombe. S’enchaînent des réactions en cascade. Pourquoi Grok parle-t-il d’Algérie moderne? «T’as dû salement te faire manipuler pour cracher la propagande marocaine...» lui reproche-t-on alors, car oui chez nos voisins de l’Est, tout ce qui va à l’encontre de la narration officielle est frappé du sceau du mensonge et du complot makhzénien, même une intelligence artificielle. C’est dire… Mais bon, comme on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses voisins non plus.
L’échange se fait alors plus tendu, car l’intelligence artificielle, avec cet avantage de garder son sang-froid en toute circonstance, explique comme elle le ferait avec un enfant capricieux qui tape du pied, ne pas avoir été manipulée et insiste sur le fait que sa réponse initiale distinguait «les racines historiques du Maroc (depuis 789) des origines modernes de l’Algérie (1962), car l’Algérie n’existait pas comme État unifié avant la colonisation», précise Grok en ajoutant, droite dans ses bottes, «je vise la précision factuelle, sans parti pris». Ouille.
Grok ferait donc fi des racines historiques de l’Algérie? s’insurge-t-on. «Et la Numidie alors? Et la régence d’Alger pendant sa période indépendante des Ottomans? (sic)». À ce stade, se distingue alors dans cet échange, fort intéressant au demeurant, le mal qui ronge ce pays: une quête d’identité à n’importe quel prix, une recherche désespérée d’une profondeur dans le temps, quitte à s’inventer une histoire. Le mal le plus féroce qui ronge l’Algérie est l’Histoire du Royaume du Maroc qu’elle n’a pas et ne peut acheter.
L’IA se défend d’avoir négligé les racines historiques algériennes et tente d’ouvrir les yeux à cet élève qui a zappé les cours d’histoire à l’école (ou qui selon toute vraisemblance a plongé son nez dans les mauvais manuels) en lui apprenant que «la Numidie (IIIe-IIe siècle av. J.-C.) est un royaume berbère ancien dans la région. La Régence d’Alger (1516-1830) était un État autonome sous suzeraineté ottomane, pas pleinement indépendant. Cependant, l’Algérie comme État-nation unifié date de 1962, post-colonisation française, sans continuité directe comme le Maroc depuis 789». Et d’enfoncer le clou là où ça fait mal en expliquant qu’à contrario, «le Maroc a conservé une continuité monarchique malgré les protectorats (non colonies pleines) français et espagnol de 1912-1956, avec le sultan en place. La colonisation n’interrompt pas nécessairement la continuité institutionnelle, contrairement à l’Algérie, intégrée comme départements français sans État unifié préexistant».
Mais– parce qu’il y a toujours un mais dans la bouche de quelqu’un de mauvaise foi dont le seul objectif est d’imposer sa vérité– il faut bien trouver quelque chose à redire pour se donner une contenance et clouer le bec à cette satanée IA. «La vraie différence, c’est que les Algériens se sont battus à 100% quand les Marocains ont négocié avec le colon... (sic)», lance alors à Grok le malheureux, tout auréolé de la gloire de ses ancêtres chouhadas.
«Le sultan Mohammed V a résisté activement au protectorat, exilé en 1953, ce qui a déclenché des soulèvements menant à l’indépendance en 1956 via négociations, mais avec lutte armée (Armée de libération). L’Algérie a eu une guerre plus longue et sanglante. La continuité institutionnelle du Maroc est reconnue historiquement, pas un “fantôme”. Précision, pas propagande», lui rétorque alors le chatbot du tac au tac.
On pourrait continuer ainsi pendant plusieurs pages tant ces échanges sur X sont sans fin, provoquent l’hilarité des uns, la rage sourde des autres. Mais, ce qui nous intéresse, c’est ce dont ils témoignent: un besoin irrépressible de se comparer, d’exister, de s’approprier ce qui ne leur appartient pas, et de se chercher dans une histoire fantasmée une appartenance.
Du coup, on a décidé de demander à une autre IA, Chat GPT, de nous faire le diagnostic d’une personne présentant ces caractéristiques. On vous livre sa réponse dans les grandes lignes: trouble de la personnalité borderline (état limite), trouble de la personnalité narcissique, trouble de l’attachement/ trauma de l’abandon. Que faire pour résoudre ces problèmes? «Une psychothérapie, notamment de type psychanalytique, TCC ou thérapie des schémas, peut aider à explorer les causes de cette quête d’identité», poursuit Chat GPT. Et de préciser que «la reconnaissance et l’acceptation de ces besoins sont les premières étapes vers une stabilisation émotionnelle». On s’en doutait un peu: les troubles psychologiques dont souffre le régime d’Alger sont graves et c’est à une cure psychanalytique urgente qu’il convient de le soumettre.








