Grève des enseignants: privés de cours, les élèves se tournent vers l’apprentissage en ligne

Un élève suit un cours à distance sur la plateforme TelmidTICE du ministère de l'Éducation nationale.

Pénalisés par la grève des enseignants du public en vigueur depuis plus d’un mois, de nombreux élèves marocains se tournent vers l’apprentissage en ligne pour ne pas être en retard sur les cours, particulièrement les candidats au baccalauréat. Explications.

Le 08/12/2023 à 09h44

Faute de grives, on mange des merles. Privés de cours depuis plus d’un mois à cause de la grève des enseignants du public, de nombreux élèves marocains cherchent des alternatives. L’une des plus prisées est l’apprentissage en ligne. «Nous avons constaté une importante hausse de la fréquentation de la plateforme, aussi bien dans la version gratuite que dans la version payante», révèle Ahmed Lahlou dans un entretien avec Le360.

Cet ingénieur est le cofondateur et directeur général de Kezakoo, une plateforme spécialisée dans les vidéos éducatives interactives pour les lycéens, avec un programme 100% marocain, lancée en 2013 et parmi les pionniers dans ce domaine dans le Royaume. Sa principale cible: les élèves inscrits en 1re et 2ème année de bac qui peuvent y suivre, en arabe et en français, des cours de sciences expérimentales, sciences économiques, sciences mathématiques, technologie, lettres et sciences humaines.

«Durant les mois d’octobre et novembre, notre plateforme a connu une fréquentation remarquable avec un total de 177.000 élèves inscrits, dont un nombre significatif dans notre version payante. Cette performance représente une augmentation notable par rapport aux 142.000 utilisateurs enregistrés durant la même période l’année précédente», détaille notre interlocuteur.

La majeure partie des élèves (29%) qui ont utilisé le portail durant cette période, via leurs smartphones ou ordinateurs, habitent à Casablanca, contre 9,73% à Marrakech, 8,78% à Agadir, 7% à Fès, 5,9% à Rabat, 5,47% à Meknès et 4,37% à Tanger-Assilah, selon les chiffres fournis par M. Lahlou. Les autres villes sont Salé (3,8%), Kénitra (3%), Oujda (2,5%) et Tétouan (2%).

Les tarifs proposés varient entre 100 et 300 dirhams en moyenne par mois. L’élève a également la possibilité de s’abonner par semestre. «La majorité des élèves qui s’inscrivent chez nous ne font pas de cours de soutien. Durant chaque année scolaire, nous dénombrons 500.000 utilisateurs sur notre plateforme, soit environ 50% des lycéens marocains», souligne-t-il.

Des contenus validés par des professeurs accrédités

Au Maroc, il n’existe pas encore une commission mise en place par le ministère de l’Éducation nationale pour certifier les contenus des plateformes d’apprentissage en ligne, ce qui suscite parfois des interrogations sur la qualité de ces cours.

Interpellé sur ce sujet, M. Lahlou rassure. «Chez nous, les contenus sont réalisés par des professeurs qui enseignent dans les lycées publics ou validés par des professeurs accrédités, en collaboration avec notre ingénieur informatique», répond-il, ajoutant que «durant la période de confinement imposée par le Covid-19, c’est notre contenu qui était diffusé sur la chaîne Al Amazighia, à travers un partenariat avec une association marocaine

Kezakoo avait également lancé un projet pilote avec le ministère de l’Éducation nationale, dans le cadre de son programme GENIE, qui vise à généraliser l’usage des technologies dans l’éducation, durant l’année scolaire 2021-2022. Cette initiative avait permis de mettre la version payante de la plateforme à la disposition de 300 élèves de dix écoles publiques de différentes régions du Royaume.

Des professeurs ont par ailleurs été formés pour accompagner ces élèves et les inciter à utiliser la plateforme à la maison. Résultat: «Les élèves qui étaient actifs sur la plateforme ont obtenu, en moyenne, 1,5 point supplémentaire dans leurs notes du bac par rapport à ceux qui ne l’ont pas utilisée.»

Élargir les cours aux collégiens

Le portail éducatif, qui avait obtenu en avril 2021 un financement de 2 millions de dirhams auprès de la société d’investissement Witamax One, prévoit de cibler prochainement les élèves du tronc commun et ceux du collège. «Nous voulons aussi intégrer l’intelligence artificielle dans la plateforme, pour créer un prof digital qui va aider les élèves dans les exercices d’expression écrite en arabe ou en français», annonce Ahmed Lahlou.

Quant aux élèves qui ne pourraient pas accéder à ces plateformes d’e-learning, ils peuvent se connecter sur le portail de soutien scolaire à distance TelmidTICE, lancée fin novembre par le ministère de l’Éducation nationale pour leur permettre de suivre gratuitement des cours en ligne, tous cycles confondus.

Selon le département de Chakib Benmoussa, cette plateforme comprend un index intelligent facilitant l’acquisition de connaissances et de compétences pédagogiques pour les apprenants. Ces derniers peuvent y accéder depuis les salles de classe, en particulier dans les lycées et collèges, depuis leur domicile, ainsi que via l’application mobile éponyme associée. Selon le ministère, la plateforme TelmidTICE propose «environ 12.500 ressources numériques, dont 11.000 leçons éducatives et 1.000 exercices, et plus de 500 modèles d’examens d’essai certifiés conformes au programme scolaire national».

Par Elimane Sembène
Le 08/12/2023 à 09h44