Derb Ghallef: quelle est la vérité derrière sa transformation en centre commercial?

Le marché de Derb Ghallef. (S.Bouchrit/Le360)

Le 17/12/2025 à 19h05

VidéoLa circulation d’informations faisant état de la «démolition» du célèbre marché de Derb Ghallef à Casablanca et de sa transformation en centre commercial a suscité une vive polémique et une forte inquiétude, notamment parmi les commerçants et les professionnels du site. Or le recoupement des données officielles avec les positions des acteurs directement concernés montre qu’il ne s’agit nullement d’une décision de destruction définitive, mais bien d’un projet de réaménagement encore à un stade juridique préliminaire et entouré de nombreuses interprétations erronées.

La polémique a éclaté après la diffusion d’informations liées au projet de plan d’aménagement de l’arrondissement de Maârif, actuellement soumis au Conseil de la ville de Casablanca pour avis final. Ce projet classe le quartier de Derb Ghallef dans une zone de restructuration et de réaménagement urbain, dans le cadre des grandes transformations que connaît la capitale économique, en préparation d’échéances urbaines et organisationnelles à l’horizon 2030.

Cependant, une lecture hâtive de certains éléments du projet portant notamment sur la création d’un nouveau centre commercial, la modernisation des accès, la mise en place de parkings et d’espaces verts, a conduit à une conclusion radicale: la disparition de la joutia de Derb Ghallef sous sa forme actuelle.

Derb Ghallef est l’un des plus anciens marchés d’électronique du Maroc et un pôle commercial qui a acquis, au fil des décennies, un rayonnement national et international.

Aujourd’hui, cet espace se retrouve au cœur du projet de plan d’aménagement de l’arrondissement de Maârif, soumis au Conseil de la ville de Casablanca pour avis, dans un contexte de vaste dynamique de renouvellement urbain de la capitale économique.

Selon les données disponibles, le projet prévoit d’intégrer le quartier de Derb Ghallef dans une zone de restructuration et de renouvellement urbain, à travers la création d’un nouveau centre commercial sur une superficie d’environ 72.000 m2.

La vision repose sur l’intégration de ce centre avec des espaces verts, l’amélioration des zones d’accès, la création de parkings souterrains, ainsi que l’élargissement de certains axes routiers et la modernisation des infrastructures, tout en préservant les bâtiments à caractère historique.

Ces éléments techniques ont été interprétés, dans certaines lectures, comme la preuve d’une démolition imminente du marché et de son remplacement par un mall à plusieurs étages, alimentant ainsi un climat de méfiance.

Un marché symbolique au cœur de la transformation urbaine

Abdelmoneim Madkar, président de l’Association du marché El Salam de Derb Ghallef, souligne la surprise des commerçants face à l’ampleur de la polémique sur une prétendue démolition du site. Pour eux, «l’idée de sa disparition n’a aucun fondement».

Dans une déclaration pour Le360, il a précisé que «le projet de plan d’aménagement classe le site de Derb Ghallef comme bien public», une démarche qu’il considère comme «positive et susceptible d’ouvrir la voie à une véritable restructuration», redonnant à cet espace toute sa valeur ajoutée.

Il a ajouté que l’association avait soumis ses observations sur le projet, dans l’attente d’un plan qui prenne en compte la spécificité de Derb Ghallef et son rôle commercial, tout en répondant aux attentes des professionnels.

De son côté, Abdessadek Mershed, président de l’arrondissement de Maârif, a souligné que l’initiative de proposer le réaménagement du marché de Derb Ghallef émane de l’arrondissement lui-même, en concertation avec les commerçants, compte tenu du rayonnement économique et touristique de ce pôle commercial pour le quartier et pour l’ensemble de la capitale économique.

Il a assuré que l’objectif central du projet est de «préserver le marché en tant que pôle d’attraction, tout en sauvegardant son esprit et sa vocation commerciale», niant toute intention de le transformer en un mall à plusieurs étages.

Le président de l’arrondissement a précisé que la conception retenue «tient compte de la spécificité des activités commerciales en vogue à Derb Ghallef, qui ne nécessitent pas plus de deux étages», tout en élargissant le périmètre de l’aménagement aux terrains avoisinants, à travers la création d’un parking, d’une mosquée, d’espaces verts et d’équipements sanitaires. Il a également évoqué la réflexion autour de la création d’une zone dédiée à l’artisanat traditionnel à proximité du marché, afin de regrouper les services de proximité dans un espace organisé.

Une vision globale de l’environnement commercial

Selon lui, le projet ne se limite pas à l’espace de la joutia, mais englobe son environnement immédiat, avec la création d’un parking dédié, d’une mosquée, d’espaces verts et d’équipements sanitaires.

Il prévoit également une proposition visant à aménager une zone réservée à l’artisanat traditionnel à proximité du marché, dans l’objectif de regrouper les services de proximité dans un cadre structuré et intégré.

Répondant à l’une des questions les plus sensibles soulevées par les commerçants, celle de leur devenir durant la phase de réaménagement, Abdessadek Mershed a reconnu l’existence de «craintes légitimes», affirmant que «l’orientation actuelle vise à réaliser les travaux par phases, afin d’éviter autant que possible la paralysie de l’activité commerciale et la mise en péril des moyens de subsistance de centaines de familles».

Malgré l’ampleur du débat, Mershed insiste sur le fait que le projet en est encore à ses premières étapes juridiques. Le foncier abritant le marché n’est pas une propriété communale: «la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique n’a pas encore été tranchée, pas plus que l’étude de la structure financière et technique ou la nature des futurs partenariats. Toute évocation de décisions définitives est donc prématurée.»

Par Miloud Shelh et Said Bouchrit
Le 17/12/2025 à 19h05