De quel droit me le demandez-vous?

Karim Boukhari.

ChroniqueIl y a une forme de paranoïa qui s’empare de vous quand un inconnu vous demande: «Qui es-tu?». La question qui fâche, mais à laquelle il va bien falloir répondre.

Le 14/09/2024 à 09h04

Au Maroc, les campagnes de recensement ont toujours donné lieu à des polémiques. Qu’on oublie sitôt la campagne terminée! On polémique pour ceci ou cela, pour tout et son contraire. On se plaint parce que la règle est de se plaindre.

Alors on se pose toutes les questions du monde… Pourquoi maintenant? Pourquoi ça coûte si cher? À quoi bon? À qui profite le «crime»? Qui tire les ficelles? Qui va empocher le jackpot? Pourquoi telle question et pas l’autre? Qu’est-ce qui m’oblige à répondre sincèrement à leurs questions? Et si toutes ces informations étaient utilisées, un jour, contre moi?

Cela n’a rien à voir avec le HCP d’Ahmed Lahlimi. Ça touche à autre chose, qui a plus à voir avec notre rapport à l’État et à son incarnation la plus directe: l’administration. Qui est avant tout un adversaire!

Il y a ce dicton de grand-mère qui a bercé l’enfance de générations entières: «Méfie-toi du feu, de la mer et du Makhzen!». Dans la vie de tous les jours, le Makhzen, c’est l’administration.

Dans ce rapport à l’administration, il y aura toujours une dose de méfiance, une réticence, une crainte. Ce n’est pas de la pudeur, mais de la paranoïa. Un homme peut vous raconter sa vie en quelques minutes, et dans ses détails les plus gênants. Mais si vous vous présentez au nom d’une administration, ou même un institut de recherche scientifique, votre homme se fermera comme une huître et ne vous dira plus rien. Si vous insistez, il fera de son mieux pour vous livrer de mauvaises réponses.

Dans le doute, on ne se livre pas, on se protège. Alors on ment.

Comment expliquer cela? Comment dépasser cette résistance mentale, ce blocage?

La rétention de l’information ne s’arrête pas à ce rapport avec l’administration, petite incarnation du Makhzen-État. Elle s’étend à d’autres interfaces. L’enquêteur souriant est une substitution de l’agent d’autorité, du chercheur en quête de statistiques ou même du médecin. Ils représentent tous une forme d’autorité et renvoient à une violence potentielle. C’est à qui dégainera le premier. Le rapport de forces l’emporte sur le rapport humain. Et ce rapport de forces est forcément défavorable au «sondé». Qui se défend comme il peut!

Pour revenir à la campagne de recensement menée actuellement par les équipes du HCP, il faut comprendre que l’enjeu n’est pas seulement de déterminer «Combien sommes-nous?», mais surtout «Qui sommes-nous?». La vérité du combien n’est pas celle du qui.

Pour comprendre la difficulté, il suffit d’imaginer que les enquêteurs qui se présentent à la porte vous demandent d’entrée: «Bonjour monsieur (ou madame)… Qui es-tu?». Le fameux «Ckoun nta». Une question existentielle posée par de parfaits inconnus!

La tentation est alors grande de congédier les intrus en prétextant qu’ils se sont trompés d’adresse. Et de se dire que, de toute façon, ils n’ont qu’à demander au moqadem: il sait déjà tout de moi!

Par Karim Boukhari
Le 14/09/2024 à 09h04

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toujours fidele a lui meme toujours contre jusqu a quand et jusqu ou

Je ne comprends pas toutes ces gesticulations et réticences !?... J'ai reçu la semaine dernière 1 charmante demoiselle avec sa tablette et ça n'a pas duré plus de 5 minutes ! ... C'est court et précis ! J'ai commencé par donner ma Carte Nationale et je me suis empressé de lui donner les changements qui n'existent pas dans ma CIN ! Elle m'a demandé combien de personnes vivent dans ma maison et les possibles décès survenus cette année ! Rien de vraiment choquant ! Je trouve même que c'est beaucoup trop court !... Merci

Je viens de lire 1 article paru dans le Matin le 13 Septembre intitulé "Recensement 2024 : Ce qu'il faut savoir sur les questions des enquêteurs" Dont voici qques extraits : " ... La collecte des données auprès des ménages se fait via un double questionnaire... Le premier, destiné à l'ensemble de la population, couvre spécifiquement les données sur les structures démographiques ... Le 2ème questionnaire, plus détaillé, ... Ce questionnaire détaillé est adressé à l’ensemble de la population des communes de moins de 2.000 ménages et à un échantillon de 20% des ménages des communes dont la taille est supérieure ou égale à 2.000 ménages..." ... Dans le 2ème questionnaire sont posées des questions sur les langues, usage des TIC, Analphabetisme etc... Question de Statistiques !... Merci

Le Moqadem ne sait pas toujours tout. Celui du quartier ou j’ai mon bureau à Rabat, a donne des informations complètement erronées à la dame qui recueillait les données sur les habitants de notre bureau. Dans notre immeuble, seuls trois appartements sur huit sont occupés et la responsable du recensement ne disposait pas de cette information parce que le Moqadem ne disposait pas des informations exactes. Elle a glisse des demandes sous les portes des appartements vacants l’espoir d’avoir une réponse de ses locataires fantômes. Comme quoi, le Moqadem n’est pas toujours le grand frère “Big Brother” qui sait tout sur tout le monde. Sa réputation est certainement exagérée..

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