Dimanche dernier, de nombreux défilés ont eu lieu en France pour dénoncer l’antisémitisme. Le ministère de l’Intérieur a compté plus de 180.000 personnes dans la rue, à Paris, Strasbourg, Nice, Nancy, etc. Tout cela s’est déroulé dans le calme.
Mais…
Plusieurs détails jettent le trouble quand on analyse ce qui s’est passé ce jour-là.
Beaucoup de ces manifestants étaient sans doute de bonne foi. Ils croyaient vraiment exprimer leur rejet de l’antisémitisme -lequel est effectivement détestable, comme toutes les autres formes de racisme. Trois détails m’ont cependant dérangé.
1. Premièrement, le Rassemblement national (RN) était de la partie. C’est une sinistre plaisanterie. Le RN est la continuation du Front National (FN) sous un autre nom; or, l’antisémitisme était consubstantiel au FN. Doit-on rappeler que ce parti a été créé, en 1972, par Jean-Marie Le Pen et Pierre Bousquet? Et qui était Bousquet? Un ancien SS qui combattit au sein de la division Charlemagne… Quant à Le Pen, ses saillies anti-Juifs sont tellement connues qu’il est inutile de les rappeler ici. Encore aujourd’hui, il suffit de discuter en privé avec un adhérent du RN pour voir ressurgir tous les poncifs de l’anti-judaïsme.
Mais alors, pourquoi le RN a-t-il battu le pavé dimanche dernier? Il y a, bien sûr, l’opération de «dé-diabolisation» menée par Marine Le Pen en vue de l’élection présidentielle. Mais il y a plus insidieux, plus sournois: en participant à ces manifestations, le RN veut promouvoir l’idée qu’il n’a rien à voir avec l’antisémitisme, que ce n’est pas un produit local mais une importation, qu’il est arrivé avec l’immigration maghrébine, avec les Arabes, avec l’islam. Et ainsi, le RN fait d’une pierre deux coups, sinon trois…
2. Cette manipulation ressemble à une autre, montée par Netanyahou, la droite israélienne et ses relais français: les Palestiniens ne mèneraient pas un combat nationaliste, mais une entreprise antisémite. Cette affirmation est absurde pour qui connaît un tant soit peu l’Histoire de ce conflit centenaire, mais plusieurs commentateurs l’ont exprimée le week-end dernier dans la capitale française, au moins sous forme de sous-entendu. Je n’en croyais pas mes oreilles.
Affirmation absurde, donc. Mais voici la manipulation: en organisant des manifestations contre l’antisémitisme au moment même où les combats font rage entre l’armée israélienne et des combattants palestiniens, on accrédite l’idée que ces derniers se battent non pour une cause (leurs droits, leurs terres…), mais par antisémitisme. Imparable.
3. Il y avait une troisième colonne dans ces parades d’hypocrites: les opportunistes (en particulier des élus en mal de réélection) qui veulent se faire bien voir des journaux et des chaînes d’information qu’ils supposent sous influence juive: c’est donc par une sorte d’antisémitisme latent qu’ils défilent contre l’antisémitisme… On nage en plein absurde.
On voit donc que ce qui s’est passé dimanche dernier n’était pas tant une manifestation de solidarité avec les Juifs que le début d’une vaste manipulation destinée à déplacer, petit à petit, la charge de l’antisémitisme -et de son passé criminel- de l’Europe vers les Arabes.
Dans quelques années, il sera sans doute devenu courant d’entendre en Europe: «Comment? Vous ne saviez pas que Hitler était un Arabe musulman? Vous ne savez pas que son vrai nom était Cheikh Al-Groubir?»
[Note de la claviste: le père de Hitler s’appelait Schicklgruber.]