AMO: vers l’adoption de nouveaux tarifs nationaux de référence, l’équilibre financier de la CNOPS en péril?

Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé et de la protection sociale, lors des consultations avec les partenaires sociaux du ministère portant sur la révision de la Tarification nationale de référence. . DR

L’adoption des conventions nationales, et donc des nouveaux tarifs nationaux de référence (TNR), par les différentes parties prenantes du système de santé se concrétisera dans les prochains jours. Si les citoyens et prestataires de soins se réjouiront de cette nouvelle, la CNOPS y voit un danger pour son équilibre financier.

Le 11/01/2023 à 09h33

Une décision tant attendue par les citoyens et les prestataires de soins. Le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Aït Taleb, a chargé le directeur de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) de chapeauter les négociations avec les différents acteurs de la santé sur la révision de la tarification nationale de référence (TNR).

Une «convention-cadre» a été ratifiée dans ce sens lors d’une réunion tenue vendredi 6 janvier 2023 entre le ministre, les représentants des conseils nationaux des Ordres des médecins et médecins dentistes, les présidents des trois syndicats des médecins libéraux, le président de l’Association nationale des cliniques privées, ainsi que les directeurs généraux de l’ANAM et de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

Entrée en vigueur imminenteCette convention «pose les jalons d’un nouveau cadre méthodologique pour les conventions nationales dans lesquelles seront fixés les tarifs nationaux de référence des différents actes médicaux», souligne Moulay Saïd Afif, président du Collège syndical national des médecins spécialistes privés et l’un des signataires de cette convention-cadre, contacté par Le360.

Il convient de savoir que les TNR fixent le montant de remboursement ou la prise en charge des honoraires et des frais de prestations assurées par les médecins et établissements de soins. «Les dispositions de ces nouvelles conventions nationales entreront en vigueur 10 jours après la signature de cette convention-cadre», confie-t-il. Entre-temps, les différentes parties prenantes «se pencheront sur quelques remarques soulevées par les représentants des prestataires de soins».

Au niveau des revendications, Afif précise: «Nous demandons, entre autres, de réduire le délai d’octroi des prises en charge aux patients. Quand on laisse traîner une demande pendant des jours, qui coïncident par exemple avec des jours fériés, cela entrave le processus de prise en charge du patient et encourage le recours des cliniques aux chèques de garantie, considérés en l’absence d’une prise en charge de l’une des caisses gestionnaires de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) comme des chèques de paiement.»

Les représentants des prestataires de soins appellent, dans le même sens, le Secrétariat général du gouvernement à libérer la nouvelle version de la nomenclature des actes professionnels, sur sa table depuis près de six mois. «On ne peut pas continuer à utiliser l’ancienne nomenclature, qui date des années 70. Plusieurs actes ont vu le jour et doivent être remboursés par les caisses gestionnaires de l’AMO», s’indigne Afif.

Du même avis, le ministre de la Santé et de la protection sociale avait déclaré, le 21 novembre dernier en réponse à une question orale à la Chambre des représentants, que l’adoption d’une nouvelle nomenclature des actes «doit précéder la révision de la TNR».

De leur côté, les prestataires de soins s’engagent à ce que «les médecins libéraux ne revoient pas à la hausse leurs tarifs», indique notre interlocuteur.

Ressusciter les conventions nationales de 2020Hormis les remarques soulevées par les prestataires de soins et qui feront l’objet de discussions entre le directeur de l’ANAM et les représentants du ministre de la Santé, il a été décidé de ratifier (à nouveau) les conventions nationales de 2020, confie le président du Collège syndical national des médecins spécialistes privés.

Un flash-back pour comprendre. Signées le 13 janvier 2020, ces conventions, qui régissent les relations entre la CNSS et les prestataires de soins et introduisent une nouvelle TNR, avaient été paraphées par l’ANAM, la CNSS et les représentants des médecins du secteur privé.

Mais ces conventions avaient reçu le veto du ministère de l’Economie et des finances, sous la tutelle duquel se trouve la CNSS, et du Secrétariat général du gouvernement. La raison évoquée pour ce blocage est le refus de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) de signer ces conventions.

Son directeur général, Abdelaziz Adnane, avait justifié sa décision par les impacts négatifs de cette revalorisation des TNR sur les régimes de l’AMO, les couvertures complémentaires, les régimes subventionnés par l’État et la mutuelle des FAR.

«Nous n’avons jamais négocié face à face avec les prestataires de soins. L’ANAM assurait depuis plusieurs années l’intermédiation sans être mandatée par les organismes gestionnaires et sans que nous puissions connaître sa stratégie, ses priorités, le cadrage budgétaire et la protection dont disposera l’assuré en matière de soins et d’hospitalisation», avait-il précisé, interrogé à ce sujet par TelQuel.

A la suite de ce blocage, il a été décidé de maintenir les TNR fixées en 2006, conformément à l’article 21 de la Loi 65-00 portant Code de la couverture médicale de base, qui précise qu’«à défaut d’accord sur les termes des conventions nationales, l’administration (le ministère de la Santé et de la protection sociale, NDLR) reconduit d’office la convention précédente».

La CNOPS toujours absenteGestionnaire de l’AMO pour les fonctionnaires des administrations publiques, la CNOPS a pratiqué la politique de la chaise vide en 2020, de même que lors de la réunion du vendredi 6 janvier 2023 portant sur la révision des TNR. Pour une source proche du dossier, contactée par Le360, la situation financière de la CNOPS ne lui permet pas de s’engager dans le processus de révision des TNR. «Cela sera du suicide pour une caisse qui connaît d’énormes difficultés budgétaires», précise-t-elle.

«La CNSS est forte d’un excédent dépassant les 40 milliards de dirhams. Elle peut se permettre une revalorisation des taux de remboursement. La CNOPS n’a pas cette aisance financière», explique encore cette source.

Après l’intervention de Khalid Aït Taleb et l’application de l’article 21 de la Loi 65-00, qui stipule qu’«à défaut d’accord sur les termes des conventions nationales, l’administration [le ministère de la Santé et de la protection sociale, NDLR] (...) édicte un règlement tarifaire après consultation de l’ANAM», la révision des TNR est donc «inévitable». Et le directeur général de la CNOPS, même s’il refusera d’adhérer aux nouvelles conventions nationales, sera toutefois obligé d’appliquer les nouvelles TNR.

«Il est indispensable d’engager une réforme paramétrique et de revoir les taux de cotisation des adhérents à la CNOPS, par exemple avant l’entrée en vigueur de la nouvelle TNR, sinon cette caisse sera déficitaire d’ici trois ou quatre ans», explique notre source qui préfère garder l’anonymat.

Pour lui, «une intervention du gouvernement est inévitable pour garantir la pérennité de cette caisse», faute de quoi, «la CNOPS ne parviendrait plus à assurer sa mission, notamment en ce qui concerne le remboursement des dossiers de maladie».

Par Younes Saoury
Le 11/01/2023 à 09h33