La détention sans fin du corps de Abdelali Mchiouer, tombé sous les balles de la marine algérienne, le 29 août dernier après s’être perdu en mer, en zone algérienne, continue de hanter sa famille, désespérément en quête de justice. Face à ce qui est d’abord une flagrante infraction à une règle religieuse musulmane, soit le devoir de restituer les dépouilles aux familles, et ce, même en temps de guerre, la défense a saisi des autorités religieuses algériennes. Réceptives, celles-ci se sont engagées à faire tout leur possible pour relayer ses demandes auprès des responsables de ce dossier.
Ce dernier rebondissement nourrit un nouvel espoir, certes fragile, mais auquel la famille ne peut que s’accrocher, en faveur d’une issue favorable. L’intervention des autorités religieuses algériennes pourrait en effet faire avancer le dossier, embourbé dans les méandres politico-militaires entretenus par le pouvoir du pays voisin.
Et pour cause, sur le plan strictement religieux, la rétention de la dépouille d’un mort est considérée comme une grave transgression en islam. Selon Lahcen Sguenfle, président du Conseil local des oulémas de la préfecture de Skhirat-Témara, «en islam, l’être humain a un caractère sacré, qu’il soit vivant ou mort. Cette sacralité émane du fait que l’humain est considéré comme l’héritier du Créateur sur Terre. L’islam ordonne ainsi de traiter tout défunt avec le plus grand respect».
«L’islam insiste aussi sur l’importance d’accélérer l’inhumation d’un mort, en commençant par le laver, le revêtir d’un linceul, accomplir la prière funéraire, puis le conduire à sa dernière demeure et prier pour lui après son enterrement. Même un non-musulman, s’il décède en terre d’islam, sans personne de sa confession pour s’occuper de son enterrement, doit être inhumé dignement», fait-il savoir.
Les Marocains Bilal Kissi, au premier plan, et Abdelali Mchiouer, tués le 29 août par la police maritime algérienne.
Et de poursuivre: «La tombe est considérée comme un sanctuaire pour le défunt. Il est interdit de la profaner ou de porter atteinte au corps inhumé. C’est notre croyance et notre loi. Tout manquement à ces devoirs est une transgression de sa dignité et une aggravation de la douleur de ses proches, qui ne trouveront la paix qu’en accomplissant toutes les obligations dues à leur défunt. Le Prophète, que la paix et les bénédictions soient sur lui, insistait sur la rapidité à accomplir ces rites».
Malgré des tentatives incessantes -appels, lettres, requêtes auprès de l’ambassade d’Algérie en France et des ministères concernés, l’affaire reste dans une impasse. La famille Mechiouer se heurte à l’intransigeance d’un régime semblant sourd à la souffrance humaine.
L’affaire, sous contrôle militaire algérien, révèle la dichotomie et la prééminence du pouvoir militaire sur les autres sphères politiques et civiles en Algérie. Ce clivage complique la résolution du cas, enfermant la famille Mchiouer dans une attente de plus en plus insupportable.