La surpopulation carcérale est aujourd’hui estimée à 100.000 détenus pour une capacité d’accueil de 64.000 prisonniers. «Il est indispensable de réviser le code pénal, de supprimer certaines peines, d’introduire des peines alternatives et de sensibiliser le justiciable sur la bonne foi et le sérieux», a affirmé Abdelali El Misbahi dans une interview à Le360, dans laquelle ce magistrat chevronné a livré d’autres indications. Le président El Misbahi a ainsi réagi à l’épineuse question de la surpopulation carcérale dans le cadre d’un chassé-croisé de communiqués entre, d’une part la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et, d’autre part, le corps des magistrats, dont l’Alliance.
Avant d’aborder les solutions, le président de l’Alliance a rappelé certains faits -pour ne pas dire a critiqué, NDLR)- liés à la DGAPR lorsque, lors de la pandémie de la COVID-19, celle-ci a décidé unilatéralement «de ne pas présenter les détenus pour comparution devant les tribunaux». «Ce sont les juges qui décident», a-t-il affirmé en indiquant implicitement que la période où a sévi le coronavirus a gonflé les prisons. Selon lui, la surpopulation carcérale existe depuis 2006 puisque l’administration pénitentiaire avait reconnu à cette époque que «la superficie réservée à un détenu était limitée à seulement 1,5 mètre carré. Or, depuis cette date, il fallait trouver des solutions».
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Quant à la question de la construction de nouvelles prisons pour atténuer le problème, le magistrat a estimé que ce sujet relève «du département de tutelle, à savoir la présidence du gouvernement car il s’agit d’une décision souveraine». Abdelali El Misbahi a mis en garde «contre la hausse de la criminalité», avant de citer un rapport de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) publié en 2022. «Dans un passage réservé au trafic des stupéfiants, il était écrit que 92.713 cas avaient été traités et qu’un total de 100.000 personnes avaient été interpellées», a stipulé ce magistrat. Au sujet de la problématique de la détention provisoire, le magistrat a appelé «le législateur a amendé la loi numéro 23-98 relative à l’organisation de la Délégation générale de l’administration pénitentiaire». D’après lui, cette loi stipule dans son premier article que «tout détenu est placé sous le régime de la détention préventive jusqu’au dernier recours de celui-ci devant la cour de cassation».
«Il faut d’abord amender cet article en proposant notamment que la vie de la détention provisoire s’arrête juste après le jugement de la cour d’appel», a-t-il indiqué. «Nous soutenons la réforme du code pénal comme nous soutenons les initiatives concernant les peines alternatives car les magistrats appliquent les lois en veillant à assurer une justice équitable». «À travers les peines alternatives nous offrons une possibilité au condamné pour qu’il puisse réviser son comportement», a-t-il dit. Pour éviter la détention provisoire, le président de l’Alliance «propose le règlement des nombreux litiges -qui envoient souvent en prison- par la voie de conciliation, sachant que les articles 40 et 41 issus du code de la procédure pénale appellent à la conciliation sans pourtant être exécutés dans des cas».
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Selon cet avocat général, «il faut aussi octroyer au parquet le droit de ne pas recourir systématiquement à l’action publique dans certaines affaires. Nous pouvons par ailleurs recourir à la hausse des amendes à la place de la détention». Abdelali El Misbahi explique en outre que «généralement lorsqu’une personne est touchée négativement dans son argent, elle garde en mémoire la mesure coercitive». Il a cité par exemple «le cas des piétons qui, faute de paiement des amendes lorsqu’ils violent le code, oublient l’existence d’un règlement». Il est également préférable, a-t-il ajouté, que lorsqu’une victime «présente un désistement dans une affaire, l’accusé soit donc poursuivi en liberté provisoire et non en détention préventive». Le président estime que le législateur a ainsi devant lui suffisamment de propositions «pour permettre la réforme du code pénal». Enfin Abdelali El Misbahi s’est adressé au justiciable en lui demandant de «se prémunir, quand il est face à la justice, d’un esprit de bonne foi et de bonnes intentions», loin de la malveillance.