Une région en ébullition: le développement de Casablanca-Settat expliqué par Abdellatif Maâzouz

Abdellatif Maâzouz, président du Conseil régional de Casablanca-Settat.

EntretienFace à une région économiquement stratégique et densément peuplée, Abdellatif Maâzouz, président du Conseil régional de Casablanca-Settat, détaille les grands axes de développement de son mandat. Il explique comment la région se positionne pour renforcer son leadership national et continental tout en plaçant la durabilité au cœur de ses actions.

Le 12/12/2025 à 14h46

Casablanca-Settat, la région la plus peuplée et économiquement dynamique du Maroc, est au cœur de nombreuses mutations urbaines, industrielles et environnementales. Pour comprendre les enjeux et les projets qui façonnent son avenir, nous avons rencontré Abdellatif Maâzouz, président du Conseil régional de Casablanca-Settat. Homme politique expérimenté et engagé dans le développement territorial, il pilote depuis plusieurs années une politique visant à améliorer le cadre de vie des citoyens, renforcer la mobilité, gérer durablement les ressources en eau et développer l’attractivité économique de la région. Dans cet entretien, il détaille les grands chantiers en cours et à venir, ainsi que la stratégie qui guide la région vers un leadership national et continental renforcé.

Le360: quels sont les grands axes de développement prioritaires pour la région Casablanca-Settat?

Abdellatif Maâzouz: nous disposons de dix axes stratégiques, mais ils peuvent être regroupés en trois grands piliers. Le premier concerne l’amélioration du cadre de vie des citoyens de la région, qu’ils vivent en milieu urbain ou rural. La région bénéficie d’atouts majeurs liés à sa position, à son histoire, à son poids dans le PIB national et à la diversité de ses activités économiques. Mais ces forces ont aussi un coût: nous sommes une région plus exposée à la pollution, congestionnée sur le plan de la circulation, notamment au cœur de la métropole et nous faisons face à la plus forte pression hydrique du pays.

Qu’entendez-vous par «amélioration du cadre de vie»?

Lorsque je parle d’amélioration du cadre de vie, il s’agit d’agir sur plusieurs axes: garantir une disponibilité de l’eau dans des conditions efficientes, assainir l’environnement et réduire les sources de pollution. L’ensemble de nos actions est guidé par une exigence de durabilité, quel que soit le domaine concerné. Au cours des trois dernières années, le niveau de pollution dans la grande métropole de Casablanca, ainsi que dans les villes voisines, a nettement baissé. À ce titre, nous sommes en voie d’atteindre nos objectifs.

Quelles actions menez-vous pour améliorer la mobilité?

Sur l’axe de la mobilité, notre priorité est de garantir aux citoyens des déplacements sereins, sûrs et accessibles, tant sur le plan financier que sur le plan temporel. Nous mettons un accent particulier sur la mobilité des femmes, car nous constatons que nombre d’entre elles rencontrent encore des difficultés à se rendre au travail en raison de problématiques de transport.

Quel est le deuxième axe stratégique?

Le deuxième axe concerne le développement intégré des territoires. Nous investissons massivement et les citoyens peuvent en constater les effets à Casablanca, Nouaceur, Médiouna, Mohammedia, Benslimane, Berrechid ou encore Settat. L’objectif est d’améliorer durablement les conditions de vie, en milieu urbain comme en milieu rural, en garantissant un cadre de vie digne et conforme à l’ambition d’un Maroc à une vitesse, telle que voulue et portée par Sa majesté le Roi.

Et le troisième axe?

Le troisième axe est celui de l’ambition. Notre région est la plus importante du Royaume, tant sur le plan économique que démographique et elle exerce déjà un leadership affirmé à l’échelle continentale. Nous voulons consolider cette position en Afrique et renforcer, en parallèle, notre rôle de première région au niveau national.

Quels sont les principaux chantiers d’infrastructure et de mobilité actuellement en cours dans le Grand Casablanca?

Il y a d’abord les infrastructures routières, indispensables pour assurer une mobilité fluide, qu’elle soit publique ou individuelle. Nous investissons massivement dans des équipements majeurs comme des trémies et des grands échangeurs au nord et au sud de Casablanca, à Mohammédia, à Sidi Maarouf, ou encore à Bouskoura. L’objectif est clair: désengorger la circulation et, par conséquent, réduire la pollution.

Quels travaux sont liés au futur Grand stade Hassan II de Benslimane?

Nous travaillons sur l’ensemble des axes afin de répondre aux exigences de la FIFA: un temps de trajet maximum de 20 minutes entre les lieux de résidence des joueurs et les stades d’entraînement et de 30 minutes entre ces lieux et le stade de compétition. Ces aménagements ne visent pas seulement l’événement sportif, mais constituent également des infrastructures durables pour les Marocains, qui soutiendront le développement futur et l’expansion territoriale de la région.

Et sur le volet ferroviaire?

Nous disposons du RER, du train régional et de la Ligne à grande vitesse (LGV). L’objectif est bien sûr de poursuivre le développement des LGV à l’échelle nationale. Nous sommes également en train de construire la plus grande station multimodale ferroviaire du Royaume et l’une des trois plus importantes du continent africain. Nommée Casa Sud, s’y croiseront la LGV, le RER, le tramway et l’ensemble des autres réseaux de transport. Le RER est un train métropolitain qui relie Benslimane à Casablanca, puis à Nouaceur, avec des arrêts aux gares de Casa Port et Casa Voyageurs. Nous disposons également de l’Aéro-express, un RER qui connecte Benslimane et Casablanca à l’aéroport. L’objectif est clair: tout citoyen souhaitant utiliser les transports publics doit pouvoir trouver un moyen de se déplacer d’un point A à un point B en moins de douze minutes.

Qu’en est-il des trains régionaux (hors RER)?

Il comprend deux lignes: l’une part de la grande gare Casa Sud en direction d’El Jadida et l’autre depuis la zone du stade. L’objectif est, là aussi, d’encourager les citoyens à délaisser leur voiture pour les trajets vers des destinations proches.

Vous avez annoncé l’aménagement d’une bande côtière de Oued Cherrat à El Jadida. Peut-on encore rêver de ce projet?

Je vous le dis: non seulement il est encore possible de rêver, mais nous devons rêver. Nous sommes déjà en pleine réalisation. La route de Oued Cherrat à Mohammedia, la R322, est achevée. Parallèlement, les travaux de la partie sud de Casablanca, du Morocco Mall jusqu’à Dar Bouazza, sont bien avancés. Nous lançons également les travaux de Sidi Rahal jusqu’à Azemmour. Par contre, de Azemmour à El Jadida, une voie côtière existe déjà. L’idée est que chacun puisse choisir entre emprunter l’autoroute ou longer la côte et cette voie sera prolongée jusqu’à Oualidia.

Quelles initiatives ont été lancées pour faire face au stress hydrique?

Nous sommes la région la plus exposée au stress hydrique, qui se mesure par les réserves d’eau disponibles, qu’elles soient souterraines ou dans les barrages, pour l’approvisionnement de la population. Ces réserves se situent en deçà des standards internationaux. Il était donc urgent de mettre en place des mesures pour remédier à cette situation et améliorer la gestion de l’eau dans la région. Sa Majesté a fixé ses grandes orientations à cet effet

Quels projets concernent le dessalement?

Les travaux sont en cours pour la grande station de dessalement, qui devrait couvrir à terme plus de la moitié des besoins en eau potable de la région, ainsi qu’au moins 25% des besoins agricoles lors de sa première phase prévue en 2027.

Qu’en est-il des stations monobloc destinées aux zones éloignées?

Nous avons investi dans 42 stations de dessalement monobloc, de petites unités mobiles. Elles peuvent être utilisées là où les besoins se font sentir et déplacées si nécessaire: par exemple, si la demande diminue à Berrechid, elles peuvent être transférées à Sidi Bennour. Aujourd’hui, presque toutes les provinces, à l’exception de Casablanca, bénéficient de cet investissement mené conjointement par la région et le ministère de l’Intérieur. Ces stations permettent de dessaler de l’eau à plus petite échelle et fonctionnent grâce à une énergie durable. Une partie de l’eau provient de la mer, proche des côtes, tandis que d’autres unités exploitent les eaux saumâtres des terres intérieures. À Settat, Berrechid, Sidi Bennour ou Benslimane, ces stations puisent l’eau dans des puits saumâtres, la filtrent et la traitent pour la rendre potable. Les habitants consomment déjà cette eau, qui est parfaitement saine.

La réutilisation des eaux usées devient-elle une nouvelle ressource?

Pour économiser de l’eau potable et utiliser des ressources alternatives nous avons lancé plusieurs chantiers, dont deux sont déjà pré-opérationnels à Casablanca, pour la réutilisation des eaux usées. L’eau, auparavant rejetée dans la mer après traitement, bénéficie désormais d’un traitement supplémentaire qui permet de la récupérer pour l’arrosage. C’est grâce à cette initiative que Casablanca et ses environs disposent de plus de verdure: les parcs et jardins que l’on voit le long des autoroutes ou dans la ville sont irrigués par ces eaux recyclées. La première station couvre le nord et le nord-est de Casablanca, tandis que la seconde, à El Hank, entrera en service dans deux à trois semaines pour desservir Anfa et son golfe ainsi que Hay Hassani. Dans la même logique, des projets similaires sont en cours à Mohammédia, Zenata, Berrechid, Settat et El Jadida.

Quelles avancées pouvez-vous partager sur la gestion des déchets?

Pendant deux ans, l’attention s’est concentrée sur la décharge de Médiouna et ses mauvaises odeurs. Aujourd’hui, ce problème est résolu: les nuisances olfactives ont disparu, même à proximité immédiate. Cet effort a reposé sur deux objectifs prioritaires. Le premier était de purger l’ancienne décharge, ce qui a été réalisé. Le second consistait à réhabiliter ses espaces: la grande décharge a été transformée en parc vert et ne fonctionne plus comme site d’enfouissement, mais comme station de valorisation des déchets, visant presque zéro déchet. Cet investissement s’élève à environ 16 milliards de dirhams, contre 3,5 milliards initialement prévus pour l’enfouissement. Un incinérateur permettra, après tri, de réutiliser les matières valorisables et d’incinérer le reste pour produire de l’énergie, y compris pour alimenter la station. Parallèlement, d’autres décharges contrôlées et durables sont programmées à Mohammédia, Casablanca, Nouaceur et Benslimane.

Où en est le développement des zones industrielles et logistiques?

Nous développons six zones d’activités économiques dédiées à l’industrie et à la logistique. L’une d’elles, à Ahl Loghlam, est déjà opérationnelle sur 10 hectares et peut accueillir une centaine d’entreprises. Elle est aujourd’hui commercialisée à environ 40%. Les autres zones sont en cours de réalisation, pour un total de 710 à 715 hectares mobilisés, contre seulement 10 hectares il y a quatre ans. Ces zones devraient générer plus de 40.000 emplois. Leur répartition couvre plusieurs provinces: à Casablanca, dans des quartiers périphériques comme Ahl Loghlam et Médiouna, ainsi qu’à El Jadida, Berrechid, Nouaceur et Benslimane. Une zone est en cours d’étude à Settat, en raison de contraintes liées à la nature du sol et une autre à Sidi Bennour. L’objectif est de doter l’ensemble des neuf provinces de la région de zones d’activités industrielles, logistiques ou mixtes.

Vous mentionnez le financement. Pouvez-vous nous expliquer les moyens de financement dont dispose la région?

La région dispose de trois grandes catégories de financement. La première, ce sont nos budgets propres. Pour vous donner une idée, nous avons un budget annuel d’environ 1,5 milliard de dirhams. Une fois les frais de fonctionnement et les dettes antérieures réglés, il nous restait environ 1,2 milliard. Sur l’ensemble de la période du mandat, cela représente à peu près 7 milliards de dirhams. Lors de notre arrivée, nous avons trouvé près de 2 milliards de dirhams non utilisés par nos prédécesseurs, ce qui nous a permis de lancer certains projets avant même l’adoption du budget.

Quelle est la deuxième catégorie de financement dont vous parlez?

Il s’agit de la dette. Il ne faut pas avoir honte de s’endetter pour investir. La bonne nouvelle, c’est que nos frais de fonctionnement représentent moins de 5% de nos budgets, contrairement aux communes. Nos budgets sont donc principalement dédiés à l’investissement. Nous allons prochainement lancer un emprunt obligataire de 1 milliard de dirhams et nous prévoyons deux autres emprunts pour financer notre part dans les projets en cours.

Vous évoquez «notre part» dans les projets. Pouvez-vous préciser?

Dans la région Casablanca-Settat, nous avons choisi de presque ne rien faire seuls. L’idée est de jouer sur l’effet de levier: chaque dirham que nous investissons doit attirer deux dirhams de partenaires. Nous travaillons avec des ministères, des communes et d’autres organismes publics. Par exemple, pour les zones industrielles, le ministère de l’Industrie, le ministère de l’Intérieur et le ministère des Finances participent aux projets parce que chacun en retire des bénéfices: création d’emploi, retombées fiscales, développement industriel.

Est-ce que vous pouvez affirmer aujourd’hui qu’il y a une garantie de retour sur investissement?

La région Casablanca-Settat a choisi de ne pas subventionner uniquement les projets économiques générateurs de profits. Nous avons opté pour un modèle où un tiers maximum est apporté sous forme de subvention et les deux tiers restants sous forme de participation au capital. Ainsi, lorsque ces projets commenceront à fonctionner, ils produiront des résultats que la région pourra récupérer, non pas pour les consommer, mais pour les réinvestir et élargir le champ de ses investissements. Le retour sur investissement se mesure par la fluidité, la réduction de la pollution et l’attractivité accrue de la région.

Quels sont aujourd’hui les projets structurants à venir pour la région?

Le Maroc investit actuellement dans plusieurs projets structurants. L’un des plus importants est l’autoroute continentale qui relie Rabat à Berrechid. Elle permettra un passage très rapide entre Rabat et Marrakech, ainsi qu’entre Rabat et le sud du pays, sans passer par Casablanca. Cela va considérablement soulager la circulation à l’intérieur et à la périphérie de Casablanca, notamment sur la voie de contournement que nous venons d’ouvrir entre Tit Mellil et Berrechid.

Comment cette nouvelle autoroute s’intègre-t-elle dans le réseau routier existant de Casablanca?

Aujourd’hui, l’aéroport de Casablanca est relié à la ville par trois voies: la voie traditionnelle élargie à deux fois trois voies, l’autoroute de contournement Tit Mellil-Berrechid, également deux fois trois voies et la route Taddart qui traverse l’intérieur de la ville. L’ensemble de ces infrastructures permet de structurer le trafic de manière plus fluide. Nous travaillons également à structurer la circulation à l’intérieur de la ville. Par exemple, nous avons développé l’axe routier Hay Hassani 26 (HH26), qui relie Hay Hassani à Nouaceur puis à Anfa. Cet axe crée une perpendiculaire entre l’autoroute et la route côtière, ce qui va fluidifier le trafic. De même, au niveau de Berrechid, nous avons créé et mis à niveau toutes les pénétrantes, ainsi que la voie reliant Berrechid à Had Soualem.

Y a-t-il d’autres projets structurants?

Oui, l’un des projets les plus structurants sur tous les plans est la construction d’un grand centre de recherche et développement dans les nouvelles technologies. Quand je parle de nouvelles technologies, il ne s’agit pas seulement de l’informatique, mais aussi de la nanotechnologie, de l’hydrogène et de l’innovation en général. Le centre sera implanté à l’École Hassania des Travaux Publics et se fait dans le cadre de partenariats avec des universités mondiales, américaines, chinoises et européennes. Les travaux ont déjà commencé et le projet mobilise un budget d’environ 1 milliard de dirhams.

Par Camilia Serraj et Adil Gadrouz
Le 12/12/2025 à 14h46