Il y a quelques semaines, le wali de Béjaïa, un certain Kerbouche, révélait au monde ébloui que «sur ordre du président Tebboune, des instructions ont été données au directeur de l’hydraulique et au directeur de l’Algérienne des eaux afin d’éviter la perturbation de la distribution d’eau potable durant la saison estivale».
Analysons cette intéressante information.
Il y a donc quelque part à Alger deux bonhommes, nommons-les Batouche et Tabouche, respectivement directeur de l’hydraulique et directeur de l’Algérienne des eaux, assis dans leur bureau, immobiles, silencieux, somnolents. Le téléphone sonne. Une voix de stentor retentit:
«Le président vous ordonne d’éviter la perturbation de la distribution d’eau potable durant la saison estivale!»
Gaaaarde-à-vous! Batouche et Tabouche se lèvent, s’ébrouent et se mettent au travail. Ils n’avaient pas du tout l’intention «d’éviter la perturbation de la distribution d’eau potable durant la saison estivale» -que les estivants crèvent de soif, j’m’en fous!-, ils n’avaient aucune envie d’accomplir ce qui semble être le minimum minimorum de leurs tâches -m’en fous!- mais maintenant que l’immense Tebboune a parlé, B et T vont faire leur travail, ce pour quoi ils sont payés chaque mois.
En d’autres termes, ce que Kerbouche nous révèle, c’est qu’on ne fiche rien en Algérie. Il faut attendre les ordres de Tebboune pour qu’on se réveille, qu’on se remue les puces et qu’on aille au charbon.
Le rôle du m’qaddem de l’Algérie nouvelle consiste donc à ordonner aux gens de faire leur boulot.
Aux policiers, chaque matin:
«Le président vous ordonne d’arrêter les voleurs!»
Aux pompiers, dès l’aube:
«Le président vous ordonne d’éteindre les incendies!»
Aux enseignant(e)s, juste après l’appel des élèves:
«Le président vous ordonne de faire cours!»
Aux commandants de bord, depuis la tour de contrôle:
«Le président vous ordonne de décoller!»
C’est l’hypothèse A.
Une autre hypothèse (B) serait qu’en fait, tous les Batouche et Tabouche de l’Algérie (ainsi que les flics, les pompiers, les enseignants et les pilotes de ligne) essaient de faire tant bien que mal leur job et que les éructations de Tebboune ne servent à rien, sinon à alimenter le journal télévisé et la presse inféodée à la junte des caporaux et à leur marionnette.
Il menace de la peine de mort les commerçants, il affirme qu’il a un caillou dans la poche pour assommer ceux qui sortent du rang, mais tout ça, c’est pour la galerie. Dans les faits, il n’a strictement aucun impact sur la marche de son pays, que ce soit pour l’économie, les évolutions sociales, la vie culturelle, etc.
En somme, Tebboune, c’est la mouche du coche, comme dans la fable de La Fontaine: «Une mouche survient, et des chevaux s’approche/ Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment/ Qu’elle fait aller la machine.»
Qu’en pensez-vous? Hypothèse A ou hypothèse B?
Personnellement, je ne peux pas croire que les Algériens aient vraiment besoin, pour se mettre au travail, des injonctions d’un Tebboune. Tout un peuple ne peut pas être constitué entièrement de flemmards, de feignants et de tire-au-flanc.
Je penche donc pour l’hypothèse B. Et vous?