Sous pression de l’Occident, l’Algérie annule un exercice militaire avec la Russie près de la frontière avec le Maroc

Said Chengriha et des hauts gradés de l'ANP, à Moscou, en juin 2021.

Said Chengriha et des hauts gradés de l'ANP, à Moscou, en juin 2021. . DR

Après avoir surmédiatisé des manœuvres militaires conjointes avec la Russie, qui étaient prévues à Béchar du 16 au 28 novembre 2022, à quelques encablures de la frontière avec le Maroc, le régime algérien bat en retraite en se démentant lui-même. Aucun exercice n’a eu lieu, affirme-t-il. Une énième preuve de son incapacité à maintenir un cap.

Le 29/11/2022 à 15h38

Dans un communiqué, lu lundi 28 novembre dans la nuit à la télévision publique et repris par une poignée de médias locaux, le ministère algérien de la Défense a démenti l’organisation d’un quelconque «exercice tactique conjoint algéro-russe dans le sud du pays», avant d’ajouter que «cet exercice tactique conjoint, programmé parmi les activités de coopération avec l'armée russe dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, n'a pas été mené».

S’agit-il alors d’un démenti ou d’une annulation pure et simple? Et pourquoi avoir attendu le jour même où cet exercice était censé se terminer pour annoncer qu’il n’a pas été mené?

Pourtant, c’est le régime algérien qui a lui-même outrageusement médiatisé ces manœuvres militaires depuis leur annonce au printemps dernier par l’agence russe Sputnik. Et ce même régime accuse aujourd’hui la presse internationale d’avoir colporté une fausse information.

«De nombreux médias internationaux avaient récemment rendu compte de la mise en œuvre d'un exercice tactique conjoint algéro-russe», déclare la junte algérienne, oubliant que sa presse locale en a également largement fait écho.

Pour donner l’impression de faire amende honorable, la junte algérienne annonce que «tous les exercices conjoints avec la partie russe ou tout autre partenaire sont annoncés par des communiqués de presse publiés par le ministère de la Défense nationale». Sont ainsi décrédibilisées et sacrifiées sur l’autel des mensonges du régime algérien, aussi bien Sputnik, l’agence officielle russe qui est la première à avoir annoncé, le 5 avril 2022, la programmation des manœuvres russo-algériennes à Béchar, que la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, qui s’était empressée de rassurer que ces manœuvres, bien que se déroulant à la frontière marocaine, ne «visaient aucun pays tiers».

C’est finalement la peur de se faire tirer les oreilles par les pays occidentaux qui a obligé le régime algérien à se démentir lui-même et à démentir ses alliés russes. En effet, cet énième cafouillage, qui met à nu l’égarement du régime algérien, son manque de vision, son peu de fiabilité et la friabilité totale de son assise, est à lier aux menaces de sanctions que les pays occidentaux font de plus en plus peser sur ce régime, qualifié de «voyoucratie» par un ancien ministre de Bouteflika.

L’on se rappelle que depuis septembre dernier, des dizaines de membres du Congrès américain ont demandé au département d’Etat de placer l’Algérie sur la liste des «adversaires des Etats-Unis». Une trentaine de congressistes américains, menés par le sénateur Marco Rubio et la députée Lisa McClain, ont ainsi demandé au secrétaire d’Etat, Antony Blinken, de prendre des sanctions, en vertu des pouvoirs qui lui sont délégués par le président américain, à l’encontre de l’Algérie, en activant la «loi sur la lutte contre les adversaires de l’Amérique» (ou CAATSA). En effet, l’Algérie est accusée de financer, à travers ses achats massifs d’armement russe, la guerre déclenchée en début de cette année par Moscou en Ukraine.

Le 16 novembre courant, une vingtaine de députés du Parlement européen ont agi de la même sorte auprès des plus hautes instances de l’Union européenne, et exigé la révision des accords d’association qui lient cette dernière avec l’Algérie, et ce, à cause du soutien que celle-ci apporte à l’effort de guerre russe en Ukraine. Une lettre en ce sens a été ainsi adressée à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et au commissaire chargé de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

Comment va alors réagir l’allié russe suite au déni de ces manœuvres militaires par l’un de ses trois premiers clients en matière d’armement à travers le monde? Il est fort probable que l’inévitable irritation de Moscou sera apaisée par la junte algérienne qui paiera le prix fort en achetant davantage d’armes russes.

Les manœuvres militaires annulées à Béchar, dites «antiterroristes», devaient compléter deux autres exercices menés en 2022 par la Russie et l’Algérie. Il s’agit des exercices militaires Vostok 2022, auxquels a participé l’Algérie dans l'est de la Russie, et des manœuvres navales organisées conjointement en octobre 2022 au large d'Alger.

Ces manœuvres militaires, doublées de l’achat massif de l’armement russe par l’armée algérienne et de l’explosion de son budget militaire porté en 2023 à 23 milliards de dollars, ont créé des inquiétudes dans le voisinage méditerranéen de l’Algérie. Certains médias français ont même indiqué que le Maroc était clairement visé par ces exercices militaires, et particulièrement par celui qui était prévu à Béchar, à quelque 50 km de ses frontières avec l’Algérie.

«C’est taquin de la part des Algériens d’avoir choisi Béchar, commente donc un haut gradé d’un pays méditerranéen», écrit Le JDD du 14 novembre 2022.

Visiblement, le régime algérien vient de se rendre compte de son égarement et a simplement annulé, dans la honte, des exercices que tous ses médias encensent depuis plusieurs mois. Une preuve de plus que le paquebot Algérie navigue à vue et ne sait pas tenir un cap.

Par Mohammed Ould Boah
Le 29/11/2022 à 15h38