C’est là une résolution fluide, qui s’inscrit dans la continuité de celle qui a été votée en 2021, et qui vient entériner une dynamique qui conforte le plan d’autonomie comme seule solution réaliste au différend du Sahara occidental.
C’est là aussi une résolution accablante pour l’Algérie, qui se retrouve appelée à s’asseoir autour d’une table avec le Maroc, le mouvement séparatiste du Polisario et la Mauritanie pour prendre part au processus de négociation.
La résolution a été votée par 13 voix pour et 2 abstentions, celle sans surprise de la Russie et celle du Kenya, pays dont la vieille garde s’oppose aux orientations du nouveau Président élu.
Le Conseil de sécurité, rappelons-le, se compose de 15 membres, dont 5 permanents (Etats-Unis, Chine, Russie, Royaume-Uni, France) et 10 membres élus par l’Assemblée générale pour un mandat de deux ans. Les 10 membres du Conseil de sécurité non permanents sont l’Albanie, le Brésil, les Emirats arabes unis, le Ghana, l’Inde, l’Irlande, le Kenya, le Mexique, la Norvège, et le Gabon qui préside en ce mois d’octobre cet organe exécutif de l’ONU.
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La première mouture de la résolution du Conseil de sécurité, dont le porte-plume sont les Etats-Unis d’Amérique, est la même qui est passée en bleu et a été votée.
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L’année dernière, le régime algérien avait réagi d’une disproportionnée hystérie au draft de la résolution 2602. En effet, une semaine avant le vote de la résolution, l’Algérie s’est mise à distribuer une note officielle aux membres du Conseil de sécurité, dans laquelle elle affirme son intention de ne pas participer aux tables rondes, une décision «irréversible», selon Alger. Cette année-ci, le régime algérien s’est bien gardé, selon nos informations, d’interpeller les membres du Conseil du sécurité. La fin de non-recevoir opposée à son agitation de l’année dernière a dû jouer un rôle dissuasif.
Cela étant, comment va réagir le régime algérien à l’adoption de la résolution 2654? L’année dernière, le régime s’est illustré par une position qui rompt de façon radicale avec ses communiqués antérieurs. En effet, le ministère algérien des Affaires étrangères avait rejeté dans un communiqué la résolution 2602.
«Suite à l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de la Résolution 2602 (2021) portant renouvellement du mandat de la Minurso, l'Algérie exprime son profond regret quant à l'approche fondamentalement déséquilibrée consacrée par ce texte qui manque cruellement de responsabilité et de lucidité du fait du forcing malencontreux de certains des membres influents dudit Conseil», avait alors réagi le département que dirige Ramtane Lamamra.
Que va faire l’Algérie cette fois-ci? Rejeter une fois encore la résolution du Conseil de sécurité et se mettre au ban de la communauté internationale? Se réfugier dans un silence honteux? Accepter de s’asseoir autour d’une table avec le Maroc? Quelle que soit la suite que va donner l’Algérie à la résolution du Conseil de sécurité, celle-ci tombe dans un timing horrible pour le régime, déjà confronté à l’humiliation des défections en cascade de chefs d’Etat au sommet de la Ligue arabe, prévu le 1er novembre.
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Dans le détail, la résolution consacre la négociation incluant «toutes les parties prenantes», nommément «le Maroc, le Polisario, la Mauritanie et l’Algérie», en vue d’une solution «juste, durable et mutuellement acceptable, basée sur le compromis». L’Algérie est à ce propos citée à quatre reprises.
Le document insiste sur l’impératif de relancer le processus des tables rondes réunissant les différentes parties au conflit, auquel l’Algérie s’oppose. Le texte soutient «la poursuite des consultations entre l'envoyé personnel et le Maroc, le Front Polisario, l'Algérie et la Mauritanie», et encourage les quatre parties à s’engager avec l'envoyé personnel «pendant toute la durée de ce processus, dans un esprit de réalisme et compromis».
Le Conseil de sécurité va même plus loin, en appelant au renforcement de la coopération entre les Etats membres de l’Union du Maghreb, un gage de «stabilité» et de «sécurité» de la région, ainsi que d’opportunités de croissance et d’emplois, au Maghreb, mais aussi au Sahel.
Cette injonction risque, là encore, d’irriter Alger, qui œuvre à saper toute perspective d’union dans la région, en rompant unilatéralement ses relations diplomatiques avec le Maroc, et en soutenant par tous les moyens une entité fantoche qui n’y a pas place.
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Prenant acte de «la proposition marocaine (d’autonomie sous souveraineté marocaine du Sahara, Ndlr) présentée le 11 avril 2007» au Secrétaire général, la résolution du Conseil de sécurité loue «les efforts sérieux et crédibles du Maroc pour faire avancer le processus vers une résolution». Le document relève aussi positivement les démarches et les initiatives prises par le Royaume sur le registre des droits de l’homme au Sahara, saluant le rôle joué par les commissions du Conseil national des droits de l'homme (CNDH) opérant à Dakhla et Laâyoune, et l'interaction du pays avec les procédures spéciales des Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
S’agissant du Polisario, la résolution exprime la préoccupation du Conseil de sécurité quant à ses violations des accords de cessez-le-feu au Sahara, «prenant note des engagements pris par le Front Polisario à l’encontre de l'ancien envoyé personnel», et soulignant l'importance «d'un respect total et renouvelé» desdits engagements.
Le texte insiste sur la nécessité pour la force de paix onusienne, la Minurso, «de pouvoir patrouiller en sécurité et sans entraves», le Polisario empêchant le personnel de la Minurso de circuler à l’est du mur de défense. Le Conseil de sécurité remet également sur la table le nécessaire recensement des populations séquestrées dans les camps de Tindouf, une demande à laquelle l’Algérie a toujours opposé une fin de non-recevoir. Là encore, il est nécessaire de suivre avec intérêt la suite qu’Alger va donner à l’injonction de l’organe exécutif l’ONU. Entre-temps, le Conseil de sécurité décide la prorogation du mandat de la Minurso jusqu'au 31 octobre 2023.
Cette résolution conforte la dynamique marocaine insufflée à ce dossier. Le Royaume va poursuivre son travail dans la sérénité, en augmentant le nombre de pays qui appuient le plan d’autonomie comme seule solution au conflit du Sahara, et en encourageant d’autres pays à ouvrir des consulats à Laâyoune et à Dakhla. Le centre névralgique de la gestion du dossier du Sahara n’est donc plus à New York, mais bien à Rabat.