Le 29 septembre prochain, Abdelouafi Laftit célèbrera son 54e anniversaire. Mais avec ceci de particulier qu'il le fêtera à l'apogée d'une carrière fulgurante à la tête de l'un des plus sensibles départements de l'Exécutif: le ministère de l'Intérieur. Présentation express.
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La désignation de Abdelouafi Laftit comme ministre de l'Intérieur au sein du gouvernement El Othmani a été l'une des plus grosses surprises du 5 avril 2017, date à laquelle la liste des membres de l'Exécutif a été dévoilée. Mais surtout, une douche froide pour les islamistes. C'est que l'homme, qui venait de quitter le poste de wali de Rabat, était l'une des bêtes noires du PJD.
Pourtant, Saâd-Eddine El Othmani n'a émis aucune réserve sur le choix du Palais. Et ses partenaires au sein de la coalition non plus. «Il est très apprécié en haut lieu, notamment pour ses capacités de travail et ses origines de fils du peuple. Le chef de l’Etat aime travailler avec ‘welad chaâb’. Il a la confiance du Roi», affirme une source informée.
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«C'était l'homme idéal pour l’Intérieur. Pas du tout politicien, un homme de projets. Après le passage de Moulay Taïeb Cherkaoui, de Mohand Laenser, deux personnes qui ont stoppé l'élan de l'Intérieur lancé par Chakib Benmoussa, et de Mohamed Hassad, on avait besoin de ce type de profil», commente un de ses amis de longue date, qui estime que Abdelouafi Laftit «fait un excellent tandem avec Noureddine Boutayeb, un homme pragmatique qui connaît de l’intérieur la maison. Ils rappellent le duo Chakib Benmoussa-Saâd Hassar».
Pas de mélange des genres«Entre le ministre de l'Intérieur et le chef de gouvernement règnent des rapports empreints de courtoisie. Il faut en plus savoir qu'au sein du gouvernement, on doit toujours faire la différence entre l'homme et la fonction», affirme une source proche de Saâd-Eddine El Othmani. La même courtoisie marque les rapports du ministre de l'Intérieur envers les membres de l’Exécutif. «Nous l'avons remarqué lors des réunions du Conseil de gouvernement ou pendant les réunions des comités interministériels. Même s'il paraît un peu froid et rigide, il a du respect pour ses collègues», poursuit notre source.
Abdelouafi Laftit déteste perdre du temps. On lui connaît très peu d'amis. Le cercle de ses proches s'est restreint, au demeurant, au fur et à mesure que le poids de ses responsabilités a augmenté. «Il était très accessible pour ses amis quand il était à Tanger ou à Essaouira. Mais depuis qu’il a été nommé wali à Rabat, il a coupé l’écoute. On ne l’appelle plus depuis. On sait qu’il n’aime pas trop le mélange des genres, et qu’il aime bien mettre de la distance entre ses amitiés et son travail. C’est une grande qualité pour un homme d’Etat», témoigne un de ses amis.
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Le seul loisir qu'on connaît à Abdelouafi Laftit est qu'il aimait les parties de pêche avec un groupe d'amis. Mais cela semble être de l'histoire ancienne depuis qu'il préside aux destinées de la Résidence Lyautey, qui abrite le siège du ministère de l'Intérieur. Laftit est aussi quelqu'un de très organisé, avec une feuille de route toujours devant les yeux.
Et puis vint CoronaAbdelouafi Laftit comptait terminer son mandat avec l’organisation des échéances électorales de cet été 2021. En mars 2020, le coronavirus s’est invité au Maroc pour chambouler, comme ailleurs dans le monde, la vie de millions de personnes. Et il a fallu des hommes pour porter le lourd fardeau de gérer l’impact de la crise sanitaire sur la vie des Marocains, au jour le jour, pour ne pas dire heure par heure.
Dès les premiers jours de la pandémie, les hommes de Laftit se sont retrouvés sur le terrain. Il a fallu en même temps gérer (et légiférer pour) l’état d’urgence sanitaire, puis veiller à en appliquer les dispositions. «Opter pour la pédagogie, tout en restant ferme quant à l’application de la loi», témoigne un agent d’autorité à Casablanca.
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Pendant que les éminences grises de l’Intérieur fignolaient les décrets, les hommes en uniforme sillonnaient rues, artères, marchés et souks du pays pour éviter une catastrophe au Royaume. Mission accomplie? Largement, si l’on tient compte du succès de la campagne de vaccination, dont le mérite revient non pas au ministre de la Santé, dépassé par les évènements, mais à l’Intérieur, qui a fait la démonstration d’une capacité d’organisation et de mobilisation de ses effectifs en un temps record. Envoyer un SMS au 1717 et obtenir instantanément les informations liées à la date, l’heure, l’adresse du lieu de vaccination… Cela, c’est l’œuvre de Laftit.
«Si le Maroc est cité aujourd’hui en exemple pour le succès de sa campagne nationale de vaccination, c’est grâce en grande partie au ministère de l’Intérieur qui a tout géré», déclare Ihssane El Hafidi, politologue et spécialiste en matière de gouvernance sécuritaire. «Nous sommes mobilisés 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, sur directives du ministre. Un de ces jours, cette rude épreuve sera derrière nous incha'Allah», affirme un agent d’autorité à Casablanca, appelé à gérer en même temps la campagne de vaccination dans son arrondissement et à veiller à répondre aux demandes de ses concitoyens de la diaspora, les week-ends compris, via des permanences.
Une modernisation aux forcepsEn même temps, il a fallu aussi gérer les aides directes à celles et à ceux qui avaient été affectés par la crise. Car, si Mohamed Benchaâboun signe le chéquier, c’est l’administration de Laftit qui est la plus habilitée à savoir qui est (vraiment) dans le besoin. A quelque chose malheur est bon, la pandémie a forcé notre pays et le ministère de l’Intérieur à accélérer la mise en place d’un registre national.
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«Nous avons découvert un homme qui sait ce qu’est gérer une crise. Réactif, il a été d’une grande efficacité pour diriger les départements et services relevant de son ministère», commente Ihsane El Hafidi.
«Il incarne cette approche d’une administration de proximité et nous avons vu comment il a aussi été intraitable avec ceux de ses hommes qui ont failli à leur devoir», ajoute-t-il.
Avec la pandémie, le ministère de l’Intérieur a dû accélérer la modernisation de ses services. Il a fallu en même temps installer une batterie d’applications, se débarrasser progressivement de la paperasse, dépoussiérer et numériser les registres d’état civil, gérer les tonnes de diverses demandes (autorisations de déplacement…). Et, bien qu’il y ait eu quelques couacs, Laftit et ses hommes n’ont pas failli.
Des élections pour la route…Malgré le contexte de la pandémie, il a été décidé, au plus haut niveau de l’Etat, d’organiser les élections en leur temps prévu. Pour ce faire, il a fallu piloter tout un laborieux process: épurer les listes électorales, préparer les projets de lois et leurs textes réglementaires…
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L’une des étapes les plus ardues a été la phase de négociation avec les formations politiques autour du même arsenal législatif. Une tâche qui n’a rien eu d’une sinécure, face notamment au PJD qui, par une stratégie de victimisation quasi-érigée au rang de tradition, considère que tout le monde veut sa peau. Mais là aussi, pari réussi pour Laftit et ses hommes: tout est fin prêt pour le grand rendez-vous du 8 septembre, date des élections communales, régionales et législatives au Maroc. Il reste donc un défi de taille: boucler des scrutins transparents comme le veulent les consignes royales. Et ce n’est pas à Abdelouafi Laftit qu’on va apprendre ce qu’est une consigne.
Et du cannabis halal…L’histoire retiendra que c’est sous la direction de Abdelouafi Laftit que le ministère de l’Intérieur a préparé un texte de loi qui a valeur d’une véritable révolution: la légalisation de la culture du cannabis pour des usages industriels ou médicaux. Une mince affaire? Pas du tout, quand on se souvient de tous les houleux débats au Parlement avec, encore une fois, le parti islamiste qui a poussé des cris d’orfraie.
Jouant la carte de la morale comme à son habitude, le PJD ne veut pas qu’il soit consigné dans les annales législatives que ce texte de loi a été adopté au moment où il dirigeait l’Exécutif. Mais Abdelouafi Laftit ne fait pas dans les calculs politiciens et n’a pas d’agenda, sauf celui de veiller à l’intérêt général du Maroc et des Marocains. Une qualité qui fait de lui un haut commis de l’Etat, d’une grande valeur.