Le déplacement a au moins le mérite de mettre fin, ou une sérieuse pause, au détestable et long cycle de froid dans les relations entre le Maroc et la France. La visite éclair à Rabat du nouveau chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, aura surtout permis de mettre à plat tous les sujets qui unissent, et divisent, les deux pays. C’était le lundi 26 février, et à la faveur notamment d’un long échange avec le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita.
À ceux qui attendaient des annonces fracassantes ou des propos spectaculaires, passez votre chemin! Prudent, Stéphane Séjourné donnait l’impression que le déplacement était une fin en soi, et que le reste, le concret, allait suivre plus tard. Mais aussi timide soit-il, il s’agit bel et bien d’un pas en avant. En attendant que Paris fasse le vrai, le tant attendu pas, notamment sur la question du Sahara, et sorte de sa formule statique et de rigueur depuis 2007, qui veut que l’option d’autonomie soit «une» solution parmi d’autres au différend, alors que le Maroc plaide légitimement pour qu’elle soit «LA» solution.
Pour Rabat, c’est «tout le reste qui en découlera», affirme une source proche du dossier, rappelant à cet égard le discours royal du 20 août 2022, à l’occasion du 69ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, dans lequel le Souverain a statué que «le Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international».
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«Compte tenu de ces développements positifs impliquant des pays de tous les continents, Je voudrais adresser un message clair à tout le monde: le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit», avait-il déclaré.
Une phrase devenue depuis le référentiel absolu de la Nation s’agissant de ses affaires étrangères. Comprendra qui voudra, mais le roi Mohammed VI s’était par la même occasion adressé à ces pays comptant parmi les partenaires du Royaume, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l’affaire du Sahara restent ambiguës. «Nous attendons qu’ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d’une manière qui ne prête à aucune équivoque», avait insisté le Souverain, rappelant à cet égard ce qui est désormais une position ferme de la part du Royaume.
La France sait combien le Sahara occidental est un sujet «existentiel» pour les Marocains, comme l’a souligné son chef de la diplomatie. L’adjectif employé par Stéphane Séjourné a le mérite d’être clair et il dépasse dans l’ordre hiérarchique les qualificatifs jusque-là employés par les autorités françaises, à l’instar de celui de dossier «sensible», etc. Existentiel, cela signifie que ce sujet est non seulement un enjeu majeur pour les Marocains, mais qu’il est consubstantiel à l’existence même de leur identité en tant que nation. Le dire, c’est prendre conscience de l’urgence à prendre une position claire.
La perspective d’une visite du président Emmanuel Macron au Maroc laisse se profiler une perspective heureuse en la matière. L’espoir est permis, même si, à date d’aujourd’hui, rien n’est encore gagné. «Il faut laisser le temps faire son œuvre et nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise. Et n’oublions pas que nous revenons de deux années d’impasse. Le mouvement est en marche et des résultats tangibles sont attendus. La France est volontariste et elle entend bien aller en profondeur», dit, optimiste, cette source française informée. La visite de Séjourné au Maroc se veut ainsi un premier geste, qui sera suivi de bien d’autres, bien plus concrets. En voici le tracé.
Une première visite au Maghreb, un échange long et sincère
Le long entretien de Stéphane Séjourné avec son homologue Nasser Bourita se voulait celui d’une confiance mutuelle, basée sur un partenariat unique et un lien exceptionnel et renouvelé entre les deux pays. Le ministre français a marqué son engagement personnel pour refonder ce partenariat stratégique. «L’échange que nous avons eu était très riche et était empreint d’amitié, d’estime, mais également d’une grande forme de sincérité. Nous nous sommes beaucoup parlé, beaucoup écoutés, également entendus. Je peux le dire», a affirmé le chef de la diplomatie française lors de la conférence de presse conjointe donnée avec Nasser Bourita dans les locaux du ministère des Affaires étrangères à Rabat.
«J’effectue aujourd’hui ma première visite officielle au Maghreb en tant que ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Et j’ai choisi le Maroc», a-t-il souligné. Pour lui, il y a entre la France et le Maroc, entre les Français et les Marocains, un lien exceptionnel. «Le président de la République veut que ce lien reste unique et qu’il s’approfondisse encore dans les prochains mois. Il m’a donc demandé d’y travailler», a rappelé le ministre.
L’économie, la sécurité et la culture, pour commencer
Le renforcement de ces liens concernera tous les domaines. Au menu: aussi bien les grands investissements d’avenir que les aspects sécuritaires, les échanges culturels et les enjeux globaux. Des visites ministérielles croisées viendront nourrir et concrétiser ces idées. C’est ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, est attendue au Maroc, de même que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Est également prévue la visite du ministre l’Intérieur, Gérald Darmanin, nous confie une source informée. Et ce ballet se fera «dans les semaines à venir».
«Ces derniers mois, les diplomates de nos deux pays ont beaucoup échangé sur une grande diversité de sujets. Sur tous ces sujets, notre proximité est naturelle et nos intérêts sont également très convergents», a rappelé Stéphane Séjourné.
Une feuille de route pour «les 30 prochaines années»
D’après le ministre français des Affaires étrangères, l’objectif nouveau du partenariat Maroc-France est de construire des liens pour les 30 prochaines années. «Le Maroc a profondément changé, je suis impressionné par les réformes engagées et les projets conduits à l’initiative de Sa Majesté le Roi, qui place le développement humain au cœur du modèle de développement porté par le Maroc. La France aussi a, en quelque sorte, changé et nous devons regarder nos défis avec beaucoup de lucidité», a-t-il indiqué.
En vue, un partenariat d’avant-garde avec le Maroc, dans le domaine des énergies renouvelables, de la formation, dans le développement de nouveaux écosystèmes industriels innovants et bien d’autres encore.
Sahara : «Le Maroc peut compter sur le soutien clair et constant de la France»
Sur le dossier du Sahara occidental, un «sujet existentiel» pour le Maroc, le ministre a réaffirmé le soutien de la France au plan d’autonomie de 2007. Il a également indiqué qu’outre le soutien à l’Envoyé personnel du secrétaire de l’ONU, il s’agira pour la France de conforter ses projets de coopération culturelle dans ce territoire et d’accompagner son développement économique, en soutien des efforts du Maroc en la matière. Le nouveau mot d’ordre et qu’il faut avancer au bénéfice des populations locales.
«Le Maroc peut compter sur la France pour défendre ses priorités nationales aujourd’hui, mais également demain, et je veux ici aborder sans détour la question du Sahara. C’est un enjeu existentiel pour le Maroc, nous le savons, un plan d’autonomie présenté par le Maroc est sur la table depuis 2007 maintenant. Monsieur le ministre (Nasser Bourita, NDLR), vous savez personnellement que depuis l’origine de ce plan, le Maroc peut compter sur le soutien clair et constant de la France. Nous l’avons dit et je le redis aujourd’hui, peut-être avec plus de force, il est désormais temps d’avancer et j’y veillerai personnellement», a déclaré le chef de la diplomatie française lors de cette conférence de presse.
Pour la France, «avancer» sur le dossier du Sahara, c’est y investir
À la question si la France est prête à faire un geste en ce sens et quel geste cela pourrait être, le ministre a spécifié que la France veut une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.
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«Avancer, c’est peut-être tout d’abord en vue d’une solution pragmatique, réaliste, durable et fondée sur le compromis». Cela passe par la reprise du processus onusien des tables rondes. «Nous appelons toutes les parties concernées à s’engager de bonne foi», a déclaré Séjourné. Un clin d’œil à peine voilé à l’adresse de l’Algérie, qui refuse de participer aux tables rondes en dépit des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU qui la somment d’y prendre part.
Pour la France, «avancer», c’est également prendre en considération les intérêts et les besoins des habitants du Sahara. Sur le plan éducatif et culturel, il a rappelé qu’il existe deux écoles françaises à Dakhla et Laâyoune, et que l’Institut français a récemment déployé, en étroite collaboration avec des partenaires locaux, un centre culturel itinérant dans les villes de Laâyoune, Boujdour et Dakhla.
«Avancer enfin peut-être, c’est pour favoriser le développement économique et social de ces régions. Le Maroc a beaucoup investi dans des projets de développement au bénéfice des populations locales. C’est un fait». Et d’annoncer que la France y contribuera. «En matière de formation, d’énergie renouvelable, de tourisme ou d’économie bleue liée aux ressources aquatiques, nous accompagnerons le développement de cette région en appui des efforts marocains». Pour une source française, proclamer que la France va investir et accompagner le Maroc dans des projets multisectoriels au Sahara, c’est déjà reconnaître la souveraineté du Royaume sur ce territoire.