Le jeudi 22 juin, s’est tenue à Paris une conférence de presse organisée à l′initiative de l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV), présidée par Me Aïcha Guellaâ, du barreau de Casablanca. Où? À l’Auditorium des avocats du barreau de Paris, dans le 17ème arrondissement, un bâtiment jouxtant le nouveau siège du Tribunal de grande instance de la capitale française. Un symbole: porter le débat et même l’interpellation sur les campagnes menées à l’endroit du Royaume sur l’état des libertés et des droits fondamentaux au cœur donc du temple du droit et de la justice…
Durant trois heures, deux séquences sont à mettre en relief. La première a été introduite par Me. Anne-Claire Le Jeune, avocate (Paris) de l’une des victimes dans l’affaire Thouvier et le signataire de cette chronique (barreau de Casablanca) et politologue. La seconde séquence, elle, a eu une forte charge émotionnelle: celle des six victimes du même inculpé poursuivi à Paris et à et Tanger. Dans la capitale du Détroit, il faut rappeler que Jacques Bouthier et huit de ses collaborateurs ont été renvoyés devant un tribunal criminel, notamment pour «traite humaine» et «harcèlement sexuel», à la fin mars dernier. Cinq victimes ont témoigné en audio et en images floutées, la sixième, elle (I.R.), a décidé de franchir le pas et de libérer sa parole -et celle des autres- en témoignant sur place, en présentiel. Que dire de plus? Qu’il faut que justice soit rendue au Maroc -c’est un acquis, mais aussi en France. En l’état, Me Le Jeune a fait le point sur les procédures en cours diligentées par deux magistrats instructeurs -elle s’est montrée confiante dans leur poursuite à bonne fin. C’est que Jacques Bouthier, président du grand groupe d’assurance Assu 2000, est un homme de grande fortune, classé au 500ème rang en France…
Sur cette affaire, il vaut de relever que l’on n’a pas beaucoup entendu les professionnels des pétitions et des ONG droit-de-l’hommistes. En revanche, ils se distinguent depuis des années par un «activisme» particulier, pratiquement tout terrain, à propos des cas de Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Souleiman Raissouni, condamnés pour «viol», «agression sexuelle» et autres crimes devant les juridictions marocaines. La campagne persistante, menée à l’étranger pour leur «défense», met en cause le déni de procès équitable en faveur de ces trois condamnées et s’échine à multiplier les déclarations et les mises en cause de l’administration de la justice dans le Royaume. Les relais de cette campagne sont connus: Reporters Sans Frontières (RSF), Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, sans oublier certains eurodéputés et en particulier les signataires de la résolution en date du 19 janvier dernier. Or, les procès incriminant les trois condamnés précités sanctionnent des qualifications criminelles de droit commun et non pas des actes commis dans l’exercice de leur activité de journalistes. Devant les juridictions marocaines, leur défense été assurée de manière contradictoire, avec toutes les voies de recours prévues jusqu’à la Cour de Cassation.
C’est pourquoi il faut dénoncer l’instrumentalisation qui en est faite pour porter atteinte à la justice au Maroc. Celle-ci est indépendante et consacrée d’ailleurs formellement en tant que telle dans la Constitution de juillet 2011 (art.107) -le Roi est d’ailleurs «garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire». Celle-ci n’est pas, soit dit en passant, érigée à ce même statut ni en France ni dans une bonne quinzaine de pays membres de l’Union européenne… Quant à RSF, dans son rapport annuel 2022, elle parle de la «faible indépendance de la justice au Maroc» -c’est de la désinformation. Quand cette même ONG et d’autres se mobilisent en niant que les trois procès sont des affaires de mœurs et n’ont rien à voir avec la liberté de la presse et les droits, l’on est dans le même registre de l’hostilité. Et quand le Maroc est classé au 144ème rang de la liberté de la presse par RSF, voilà qui prête à sourire -la Somalie nous devance avec son 141ème rang! Surréaliste…
Les libertés et les droits fondamentaux sont notre préoccupation: il faut en parler et continuer à les consolider. Le Maroc s’y emploie avec des avancées normatives telle la vingtaine d’articles du titre II de la Constitution -un bloc éligible au meilleur standard des démocraties libérales. La France et ses relais médiatiques d’État (France 24, AFP, RFI…) s’obstinent pratiquement à évacuer ces grandes avancées démocratiques. La France, précisément, a été fortement épinglée dans le rapport en date du 1er mai 2023 du Conseil des droits de l’Homme à Genève. Elle est mise en cause sur plusieurs points: droit au logement, droits des femmes, répression disproportionnée des forces de l’ordre dans les manifestations, expulsion de mineurs non accompagnés…
Un pays voisin comme l’Algérie paraît bénéficier du côté de certains cercles d’influence et de pouvoir étranger d’un «traitement» qui laisse sans voix tous ceux qui connaissent -et surtout subissent- la répression du régime des généraux. Deux Journalistes algériens ont été condamnés à mort pour «atteinte à l’unité nationale» et aux «institutions». Des dizaines de sites électroniques ont été fermés sans autre forme de procès; des journaux ont été asphyxiés par des pressions de toute sorte, notamment par l’agence étatique ANEP; plus de 40 journalistes sont détenus sans procès par décision «administrative»; quelque 500 citoyens militants associatifs (Hirak) sont dans la même situation de rétention, etc. La Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH) a été dissoute à la fin septembre 2022, sans que cette décision lui soit signifiée -elle était la plus représentative et la plus crédible.
Il faut y ajouter d’autres déclinaisons de cette politique de répression pratiquement consubstantielle à la nature de ce régime de la junte. Référence est faite à la brutalité qui marque la politique migratoire, avec les expulsions de milliers de Subsahariens, dépouillés et reconduits aux frontières du Mali et du Niger. Une illustration de la situation des réfugiés dans une politique du faciès, raciste.
Alger refuse toujours le recensement des réfugiés dans les camps de Tindouf en violation des instruments internationaux pertinents (Convention du 28 juillet 1951 et Protocole du 4 octobre 1967). Sans oublier la question des «enfants soldats» (entre 4.000 et 6.000, de 14 à 16 ans) qualifiée de «crime de guerre» par la Convention internationale des Droits des enfants de 1989.
Tout cela ne préoccupe par les ONG internationales, pas plus d’ailleurs que certaines chancelleries occidentales promptes cependant à enfourcher les trompettes de l’hostilité à l’égard du Maroc. Un état d’esprit que l’on a retrouvé ces derniers mois au Parlement européen avec ce qui a été appelé le «Marocgate». Après une première résolution du 19 janvier sur l’état des libertés et des droits fondamentaux, des groupes d’eurodéputés en ont adopté une seconde, le 16 février, à propos de prétendues «ingérences» de Rabat dans le fonctionnement des institutions de cette institution. Le rapport de la commission d’enquête ad hoc, publié le 9 mai 2023, indique que «le Maroc est suspecté» et qu’il est plausible qu’il soit intervenu dans ce domaine. Des présomptions mal fondées. Irrecevables. Le Parlement de Strasbourg n’en a cure: il s’installe, lui aussi, dans la désinformation. Tout cela doit être déconstruit. Et dénoncé de manière proactive. À Paris, des ONG marocaines se sont placées en première ligne.