Enclavée depuis 1991 à la suite de l’indépendance de l’Érythrée, l’Éthiopie a un besoin vital et même existentiel d’une ouverture maritime, qui passe soit par le retour du port d’Assab, ce qui impliquerait un démembrement de l’Érythrée, soit par des «facilités» dans la région du port de Berbera dans le Somaliland autoproclamé.
Or, en échange de la mise à disposition d’une fenêtre côtière dans la zone du port de Berbera, sur la côte du golfe d’Aden et à l’entrée de la mer Rouge, l’Éthiopie se serait engagée à reconnaître la république autoproclamée du Somaliland. Pour preuve, la signature, le 1er janvier 2024, d’un «mémorandum d’accord» maritime, visant à octroyer à l’Éthiopie 20 km de ses côtes, lui offrant ainsi un accès direct à la mer pour une durée de 50 ans.
Deuxième pays le plus peuplé du continent africain avec 120 millions d’habitants, l’Éthiopie, qui n’a plus de façade maritime depuis l’indépendance de l’Érythrée, a perdu l’accès au port d’Assab. Aujourd’hui, elle dépend à plus de 90% du port de Djibouti pour son commerce extérieur. En échange, elle verse à ce petit pays environ 1,5 milliard de dollars de droits de port annuels.
L’Érythrée coupe donc l’Éthiopie de tout accès à la mer, et la longue et sanglante guerre qui a opposé les deux pays a fait comprendre à Addis Abeba qu’arracher militairement Assab à l’Érythrée est impossible. Par conséquent, le pays ne disposera donc plus jamais d’un accès national à la mer Rouge. Or, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a fait de la quête d’un accès à la mer une question existentielle. Le 13 octobre 2023, il a ainsi parlé de l’enclavement de l’Éthiopie comme d’une «prison géographique» de laquelle elle devait se libérer. Et pour cela, il a menacé d’utiliser la force au cas où des négociations échoueraient.
Et les négociations auxquelles il faisait alors allusion portaient sur un accord de réalpolitique, à savoir la remise d’une fenêtre sur la mer Rouge par le Somaliland en échange de la reconnaissance de son indépendance.
Les détails de l’accord, présenté le 1er janvier dans la capitale éthiopienne par le Premier ministre Abiy Ahmed et le «président» somalilandais Muse Bihi Abdi, doivent être dévoilés dans les prochaines semaines. On ne sait pas encore précisément quelle partie du littoral devrait passer sous contrôle éthiopien, mais les villes de Zeilah et Zughaya, non loin de Djibouti, sont évoquées par différentes sources diplomatiques. Addis-Abeba compte y construire un port commercial et une base militaire, ainsi qu’un corridor routier. Le pays pourrait ainsi jouir d’une zone économique exclusive.
De son côté, Hargeisa devrait récupérer des parts dans deux entreprises éthiopiennes florissantes, Ethiopian Airlines, la compagnie aérienne la plus rentable d’Afrique, et le géant des télécommunications Ethio Telecom. Mais le Somaliland espère surtout être officiellement reconnu comme un État souverain.
De son côté, le gouvernement de Mogadiscio a dénoncé «une violation flagrante» de sa souveraineté sur un territoire séparatiste non reconnu par la communauté internationale et a annoncé que la Somalie défendra son territoire par «tous les moyens». Il a également rappelé son ambassadeur en Éthiopie en réponse à ce qu’il considère comme un «acte unilatéral qui met en péril la stabilité régionale».