Je vous dois un aveu: je suis une grande masochiste. Sinon, comment expliquer que j’aie pu m’infliger l’éprouvant visionnage de l’intégralité du discours électoral de Tebboune excrété récemment à Oran? Je voulais vérifier si tout ce qu’on avait écrit à ce propos (les bourdes, les vantardises infondées, les mensonges éhontés…) était vrai.
Eh bien, c’était vrai.
Une remarque préliminaire: le raïs parlait derrière un lutrin sur le devant duquel il était présenté ainsi: «candidat libre (horr)». Deux mots, deux mensonges, soit 100% d’imposture. Même pour le régime des généraux, c’est une sorte de record. L’honnêteté aurait exigé que le lutrin mentionnât: «Tebboune, d’avance élu et candidat juste pour la forme, certainement pas libre puisqu’aux ordres de la junte» -mais je conçois qu’il n’y avait pas la place pour indiquer tout ça. On aura voulu faire court, quitte à affabuler. La seule fois que cette expression s’est appliquée à cet homme, c’est quand il était candidat libre au bac, qu’il n’a sans doute pas obtenu, à en juger par son niveau intellectuel.
T-rex a commencé son discours en clamant qu’il avait tenu la promesse faite il y a cinq ans «d’amener la jeunesse aux plus hauts postes de l’État». C’est pour cela qu’il veut rempiler, à 78 ans. Il est le plus jeune des vieux: le numéro 2 de l’État, Salah Goudjil, a 93 ans. C’est pourquoi il soigne la jeunesse (7 minutes 45 secondes de la vidéo): «Nous avons deux millions de jeunes chômeurs à qui nous accordons des indemnités de chômage.» Après cinq ans de mandat présidentiel et avec une rente pétrolière gigantesque, ces deux millions de jeunes sans travail ne semblent pas constituer, à ses yeux, un terrible constat d’échec…
Je continue mon visionnage. Effectivement, comme on l’a rapporté dans la presse, il a bien affirmé (8′15″), le doigt levé et en haussant le ton: «Cette allocation chômage, nous sommes le seul pays au monde à l’avoir mise en place!» Voilà qui étonnera tous ses compatriotes qui touchent des allocations chômage en Espagne, en France, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, etc.
12′40″: «Seule l’industrie crée des emplois.» Tout étudiant de première année sait que l’économie d’un pays se divise en plusieurs secteurs (agriculture, industrie, services), qu’on peut eux-mêmes subdiviser en sous-secteurs, et que chacun crée des emplois. Mais Tebboune en est resté à la politique funeste de Belaïd Abdeslam et de ses «industries industrialisantes», politique des années 60/70 qui eut pour effet immédiat la destruction de la riche agriculture laissée par la France en 1962. De cet échec cuisant, Tebboune n’a rien appris, rien compris.
13′35″: «Nous allons publier, avant la fin de l’année, le statut de l’enseignant.» Ah bon? Depuis 1962, ces braves gens travaillaient clandestinement? Et pendant les cinq premières années de son mandat, le Président n’a pas trouvé le temps de remédier à cet état de fait? Trop occupé à libérer la Palestine, sans doute?
C’est hallucinant, mais il a vraiment dit (16′46″): «seule l’Algérie (il lève le doigt pour souligner l’adjectif ‘seule’) est capable de connecter des barrages et des bassins hydrauliques entre eux.» Il ne s’agit pas de fusion nucléaire ou de nanotechnologie, il s’agit simplement de creuser des canaux, ce qu’on sait faire depuis l’Antiquité. Et aucun pays au monde, à part Dzaïr, n’est capable de cette prouesse? Ni les États-Unis, ni la Chine, ni l’Allemagne, ni la France, ni… (Ne lui dites surtout pas que le Maroc l’a déjà fait, il risque de tomber en syncope).
Il a vraiment dit (18′20″): «Le monde entier jalouse nos réalisations dans le domaine du logement.» Il enfonce le clou: «Aucun pays, du plus grand au plus petit, du plus puissant au plus modeste n’a réussi à construire trois millions de logements.» On en déduit que 90% des Chinois, des Indiens, des Américains, des Indonésiens, etc., dorment à la belle étoile. Xi Jinping, Narendra Modi et Joe Biden sont des SDF. Vous ne le saviez pas?
À partir de fin 2025 (c’est demain), nous n’importerons «plus un seul kilo de blé!». Il le martèle deux fois, trois fois. On mangera quoi, alors? Eh bien, les promesses du président -elles sont peut-être comestibles, à force d’avoir été mâchouillées.
24′37″: «En 2027 (c’est après-demain), nous serons un pays émergent (dawla nachi’a), la 2ème économie du continent». Il ne précise pas qui sera la première. Sa RASD?
(Notons, à 25′02″, une jolie tebbounerie: «En 2019, même les optimistes étaient pessimistes.» Et vice-versa?)
25′14″, l’apothéose (et je certifie qu’il l’a vraiment affirmé): «Aujourd’hui, l’économie algérienne est la troisième au monde.» On suppose qu’il admet que les États-Unis et la Chine ne sont pas encore dépassés; mais être la troisième économie du monde, cela veut dire que l’Algérie (qui, notons-le, ne fabrique rien -vous avez déjà vu un seul objet, un seul appareil, une seule machine made in Dz?) serait aujourd’hui (oui, aujourd’hui!) devant le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Inde et son milliard et demi d’habitants, la Corée du Sud, l’Italie, l’Espagne…? On en reste sans voix. Cet homme est-il sénile ou incompétent -ou bien prend-il ses auditeurs pour des imbéciles?
(Curieusement, il n’a jamais dit ceci: l’Algérie est dans le top 3 mondial des dépenses militaires en pourcentage du PIB. Il est vrai qu’il n’y a pas de quoi se vanter du seul et unique podium qu’occupe vraiment son pays.)
Au moment de conclure, quelqu’un au premier rang l’interpelle. Il se penche, tend l’oreille, se fait répéter l’intervention puis (40′2″): «Ah oui, le Sahara occidental… Oui, nous ne cesserons d’agir jusqu’à ce qu’il y ait une république sahraouie…» Aurait-il oublié qu’il en a déjà inventé une, qu’il finance avec l’argent du gaz, la fantomatique RASD? A-t-il l’intention d’en créer une autre, dans le Sahara algérien, avec Tamanrasset pour capitale?
Si c’est le cas, ce sera bien la seule parole sensée qu’il aura bafouillée à Oran.