Le Sahel et ses trois jihadismes

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueDans la région sahélo-tchadienne, l’année 2022 a vu le retour en force des deux branches de Boko Haram qui ravagent le nord-est du Nigeria et qui exercent une contamination au Cameroun et au Tchad, où bien des facteurs de déstabilisation ayant provoqué les guerres des décennies passées demeurent.

Le 14/02/2023 à 11h00

En 2022, les trois jihadismes régionaux, celui d’Al-Qaida, celui de l’Etat islamique (EI) et celui de Boko Haram, n’ont pas «coagulé» dans un embrasement généralisé de tout le Sahel à travers un jihad global ayant pour but la fondation d’un califat transethnique. La raison en est la guerre sans merci que s’y livrent l’ethno-jihadisme d’Al-Qaida et celui du jihadisme califal universaliste défendu par l’Etat islamique (EI) d’une part, et les particularités ethno-régionales des revendications de Boko Haram d’autre part.

Au Mali où son ambassadeur a été expulsé, la France a mis un terme à l’Opération Barkhane sur exigence de la junte au pouvoir, la situation est devenue apocalyptique. En plus du chaos politique et sécuritaire, la suicidaire démographie, les sécheresses, la pauvreté, la précarité économique et sociale interdisent toute perspective d’avenir à ce pays en perdition.

Avec plus de 7.000 km de frontières avec 7 pays, dont 1.300 avec l’Algérie, 2.200 avec la Mauritanie, 1000 avec le Burkina Faso et 800 avec le Niger, le Mali est un Etat-passoire pour les groupes terroristes ou mafieux.

Le Burkina Faso, dernier verrou avant le couloir d’accès menant aux pays côtiers, dont la Côte d’Ivoire, s’est trouvé en 2022 être de plus en plus le cœur de l’action des groupes armés terroristes (GAT) qui se sont implantés dans les régions à forte population peul, à la faveur de conflits locaux à base ethnique et territoriale. Aujourd’hui, l’Etat burkinabé ne contrôlerait effectivement pas plus de 30% du pays…

Le pays a vu se succéder les coups d’Etat. En 2022, il en a ainsi connu deux, celui du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo et celui du capitaine Ibrahim Traoré.

Le 25 octobre, face à une série de désastres militaires, la junte au pouvoir a décidé de recruter 50.000 Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Cependant, fin novembre 2022, en langue peul, le chef local du GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) affilié à Al-Qaida a adressé une très sévère mise en garde au capitaine Ibrahim Traoré, se présentant comme le défenseur des Peul et menaçant de terribles représailles les VDP.

Dans la région sahélo-tchadienne, l’année 2022 a vu le retour en force des deux branches de Boko Haram qui ravagent le nord-est du Nigeria et qui exercent une contamination au Cameroun et au Tchad, où bien des facteurs de déstabilisation ayant provoqué les guerres des décennies passées demeurent.

Au Cameroun, la partie anglophone située dans le sud-ouest du pays, à savoir les deux provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui rassemblent 20% des 23 millions de Camerounais et dont la «capitale» est la ville de Bamenda, a vécu une situation d’insurrection sécessionniste.

Par Bernard Lugan
Le 14/02/2023 à 11h00