Blanchiment d’argent et terrorisme: au cœur de la hawala, la machine à cash du tandem Polisario-Hezbollah

Brahim Ghali, chef de la milice du Polisario.

Brahim Ghali, chef de la milice du Polisario.. AFP or licensors

Le 02/02/2023 à 15h37

VidéoBasée notamment sur un rapport d’une agence de renseignement «d’un pays occidental», une enquête exclusive de la chaîne israélienne d’information en continu i24NEWS révèle comment le Polisario, basé en Algérie, finance ses activités et sert de couverture au Hezbollah libanais, l’organisation terroriste vassale de l’Iran.

On en sait davantage sur la véritable machine de guerre qu’est devenu le système de la hawala pour le Polisario algérien et le Hezbollah libanais, érigé en moyen privilégié de collaboration pour le blanchiment d’argent et le financement des activités criminelles des deux organisations.

Donnant suite à une enquête fouillée publiée par le quotidien allemand Die Welt, la chaîne israélienne d’information en continu i24NEWS apporte ce jeudi 2 février de nouveaux éléments sur ces réseaux de transfert de fonds d’un lieu à un autre par le biais de courtiers qui servent à générer de l’argent frais aux deux milices. La chaîne israélienne prend comme point d’appui un rapport d’une agence de renseignement «d’un pays occidental», des enquêteurs financiers et des rapports de la Guardia Civil espagnole.

Et pour cause, c’est en Espagne que le réseau prend racine puisque le cerveau des opérations, Ahmed Abderrahman, y a élu domicile depuis 2007. Ceci, au même titre que son associé, Azman Mohamed Mohamedu. Issus des camps de Tindouf, les deux hommes ont fait leurs études en Libye. «Ensemble, ils vont fonder Hawala Tirs, un bureau de change illégal à la tête du financement occulte du Polisario. La technique: ouvrir plusieurs comptes en banque sur lesquels transitent d’importantes sommes d’argent», explique i24NEWS, relevés bancaires et documents à l’appui.

De plus, le réseau ne se limite pas à l’Espagne mais ratisse bien plus large en ouvrant des «succursales» dans des pays comme l’Irlande, le Royaume-Uni ou partout dans la zone euro. Ses chefs «ont de bons contacts avec l’armée algérienne», selon le quotidien allemand.

«La machine bien huilée de Tirs pour le compte du Polisario attire, le Hezbollah en tête», indique la chaîne israélienne dans son enquête. Tournée dans un pays européen, une interview exclusive cite, de dos, Ahmed Abderrahmane en compagnie d’un homme d’affaires libanais spécialisé dans Al qard el hassane, un système de crédit censé être licite du point de vue religieux, mais qui est en réalité un moyen de blanchir l’argent du Hezbollah.

Au cours de la conversation, Abderrahmane ne cache d’ailleurs pas la grande sympathie qu’il voue à la milice chiite et son sponsor iranien, même si lui est sunnite. Idem sur ses comptes sur les réseaux sociaux, où il s’en prend, évidemment, au Maroc qui cherche «à diaboliser le Polisario en le qualifiant d’organisation terroriste». Pour lui, l’Iran «s’est tenu aux côtés de ses alliés dans les moments les plus sombres et est pris en étau», en référence aux sanctions occidentales contre le régime de Téhéran -qui peuvent être contournées par la hawala.

Comme preuves de la complicité des deux milices, i24NEWS cite également plusieurs rapports indiquant que le Polisario a reçu de Téhéran des missiles sol-air et des drones. Le Hezbollah, lui, a installé des camps en Algérie où il entraîne des combattants du Polisario. Une relation d’armes mais aussi d’argent et de soutien politique, comme en témoigne une photo regroupant, à Beyrouth, la porte-parole du chef du Polisario, Brahim Ghali, avec Ali Fayad, un député du Hezbollah au Parlement libanais, reprise dans l’enquête d’i24NEWS.

Le but de la manœuvre hawala est de se servir du Polisario pour financer des activités tant criminelles que terroristes «depuis Tindouf, en Algérie, vers l’Europe, l’Afrique et même les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite».

Pour cet ancien agent israélien spécialiste du financement du terrorisme, cité par la chaîne sous couvert d’anonymat, le problème principal repose dans le système lui-même, soit la hawala. «Le procédé est connu, mais c’est la première fois que nous avons un aperçu de son fonctionnement… Toutes les agences occidentales chargées de l’application de la loi et toutes les agences occidentales de renseignement ont intérêt à connaître son existence. Le système touche non seulement au problème de la criminalité et au problème du Polisario. Il indique également l’implication des organisations terroristes dans le financement de leurs activités en Occident», alerte-t-il.

L’ex-agent souligne que les agences européennes n’accordent pas suffisamment d’intérêt aux activités du Polisario, une organisation jugée de taille modeste, «mais qui permet à de plus grandes organisations comme le Hezbollah d’utiliser ses infrastructures». La tendance peut monter en puissance, des recours du parti libanais, comme Al qard el hassane, étant bloqués en Europe et la milice chiite étant à court de moyens de transfert d’argent à cause de la situation économique critique au Liban. «Ils (les dirigeants du Hezbollah, NDLR) cherchent donc des alternatives et ils ont trouvé en Europe ce réseau de la hawala du Polisario qu’ils utilisent afin de poursuivre leurs objectifs.»

Tout est de savoir pourquoi l’Union européenne ne réagit pas, sous prétexte que la question de la hawala est purement juridique. «Or, vous avez ici une entité qui s’occupe de blanchiment d’argent. Ce n’est pas un problème juridique. Il faut faire ce qu’il faut. Il faut traiter les problèmes avant qu’ils ne se présentent. Ne pas s’occuper de tous ces réseaux de la hawala en Europe risque de poser de plus grands problèmes aux Européens en matière de blanchiment d’argent et d’autres activités criminelles. Si vous ne vous y attaquez pas, vous savez ce qui va se passer», prévient ce fin connaisseur du dossier. Qu’attend donc l’Europe?

Par Tarik Qattab
Le 02/02/2023 à 15h37