Le roi Hassan II a parfaitement résumé la question en ces termes:
«Le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique, et qui respire grâce à son feuillage bruissant aux vents de l’Europe (...)».
L’histoire du Maroc ainsi que sa géopolitique s’inscrivent en effet à la fois dans les immensités géographiques de l’espace terrestre saharo-méditerranéen, mais également dans l’univers maritime. À la différence de l’Algérie «enclavée» en Méditerranée, le Maroc dispose en effet d’une façade océanique d’une longueur de 3.000 kilomètres, ce qui l’ouvre à la fois sur le «grand large» et sur l’Afrique de l’Ouest. En 1.200 ans d’histoire, l’influence du Maroc s’est en effet exercée dans deux directions africaines, au Maghreb et vers l’Ouest africain.
Au Maghreb, sous les Almoravides, le Maroc s’est étendu jusqu’à Alger qui fut prise en 1082. Sous les Almohades, ce fut tout le Maghreb, jusqu’à Tunis, qui passa sous autorité marocaine. Sous les Mérinides, le Maroc posséda Oran et Alger. Et que dire de Tlemcen qui, de 790 à 1554, soit durant près de huit siècles, avec un intermède à la fin du 14ème siècle et au début du 15ème, fut une dépendance marocaine?
Plus près de nous, dans les années 1820, le père, d’Abd el-Kader, Mahi ed Dine, était le khalifa du sultan du Maroc à Tlemcen. Et comme le remarqua en 1831 le futur général Louis de Lamoricière «À Oran, ils font la prière pour le roi du Maroc».
Aujourd’hui, en Afrique du Nord, le Maroc est un pôle de stabilité dont les voisins sont en crise. La Libye est ainsi une société disloquée dans laquelle tous sont en guerre contre tous et où la Cyrénaïque s’oppose à la Tripolitaine. La malheureuse Tunisie connaît un tel bond en arrière qu’elle a quasiment été achetée par l’Algérie. Quant à cette dernière, sa société est bloquée, son économie ruinée, ses dirigeants fossilisés et sa diplomatie incohérente.
Vers le Sud, avant la colonisation, le Maroc était le poumon de l’Ouest africain et de Tombouctou. Au départ de Marrakech, de Sijilmassa et de Tindouf en passant par le Touat, le Tidikelt, le Gourara, Béchar et Tabelbala, qui étaient des terres marocaines, les caravanes alimentaient le Sahel en produits de l’artisanat marocain. Sans oublier l’époque du Pachalik de Tombouctou. Mais la colonisation a coupé le Maroc du Sud tout en l’amputant à l’est au profit de l’Algérie.
«Le Maroc pratique la non-ingérence, et cela, à la différence de l’Algérie qui considère les pays du Sahel comme des sortes de protectorats, d’où les crises actuelles entre Alger, Bamako et Niamey.»
— Bernard Lugan
Après l’indépendance, le Maroc a retrouvé sa zone traditionnelle d’influence vers le Sud à travers trois grandes étapes:
- 1975, la «Marche Verte» et la récupération d’une partie de son Sahara.
- 2017: retour dans l’Union africaine après 3 décennies d’absence.
- Les dizaines de voyages officiels faits par le roi Mohammed VI en Afrique.
Dans l’Afrique de l’Ouest, les atouts du Maroc sont nombreux. Le roi du Maroc est le Commandeur des Croyants, un statut qui lui est reconnu bien au-delà des frontières du Maroc. La confrérie Tijani, la Tarika Tijania, qui rayonne sur tout le Sahel occidental, a ses racines à Fès où est enterré Ahmad Tijani.
Politiquement, le Maroc pratique la non-ingérence, et cela, à la différence de l’Algérie qui considère les pays du Sahel comme des sortes de protectorats, d’où les crises actuelles entre Alger, Bamako et Niamey.
Les atouts du Maroc sont également économiques à travers une politique d’investissements, un réseau bancaire, des cadres, etc. Quant au projet «gazoduc africain-atlantique» né lors de la visite officielle du roi Mohammed VI au Nigeria au mois de décembre 2016, il permettra d’assurer la sécurité énergétique de tous les pays de l’Ouest de l’Afrique. Il sera également le débouché des productions gazières nationales ouest-africaines puisque, depuis le littoral du Nigeria, ce gazoduc longera toute la côte ouest-africaine, engerbant au passage les productions gazières des pays côtiers.
Au total, 16 pays de l’Ouest africain pourront profiter des retombées de ce gazoduc, notamment les pays enclavés comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui bénéficieront de bretelles terrestres. Ce gazoduc permettra également d’électrifier des régions entières et de créer des pôles industriels intégrés. Ici, pas de problèmes de sécurité, car, étant offshore, ce gazoduc sera donc indépendant des aléas sécuritaires régionaux.






