La passe d’armes algéro-égyptienne à la réunion des MAE de la Ligue arabe aura-t-elle un effet sur le sommet d’Alger?

Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune.

Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. . DR

Le retrait mardi dernier du ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, de la réunion du 158e Conseil de la Ligue arabe au niveau des MAE inquiète sérieusement à Alger. Et pour cause, le refus égyptien de reconnaître le gouvernement libyen de Tripoli, soutenu par Alger, et les maladresses du chef de la diplomatie algérienne au Caire.

Le 08/09/2022 à 10h04

Les différends entre l’Egypte et l’Algérie sont montés d’un cran en début de semaine au Caire, dans le sillage de la tenue de la réunion du Conseil de la Ligue arabe au niveau des ministres des Affaires étrangères. Certes, Le Caire était déjà très remontée contre Alger, suite à de nombreux impairs diplomatiques, comme les vaines tentatives de réconcilier les factions palestiniennes, une chasse gardée de l’Egypte, ou les accueils tonitruants réservés successivement aux autorités d’un pays en conflit larvé avec l’Egypte. La présidente éthiopienne, Sahle-Work Zewde, a été ainsi invitée en juillet dernier à Alger, et son Premier ministre, Abiy Ahmed Ali, a été accueilli en grande pompe par le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Mais le nouvel accroc, intervenu lundi 5 septembre au Caire, est quasiment un affront à l’Egypte. En effet, Ramtane Lamamra a non seulement commis une bourde en remettant au chef de l’Autorité palestinienne, présent au Caire, la première invitation à participer au sommet arabe d’Alger, reléguant ainsi au second plan le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, chez qui il se trouvait et à qui il a remis le lendemain la deuxième invitation du genre, mais il a laissé entendre que Mahmoud Abbas est prioritaire sur tous les autres chefs d’Etat arabes. En agissant de la sorte, pour se plier bien évidemment à la propagande de la junte algérienne qui veut ainsi faire accroire que l’Egypte est quantité négligeable face à la Palestine, Lamamra a quasiment dit adieu à une présence de poids au prochain sommet arabe d’Alger: celle du président égyptien.

La vive colère égyptienne suite à cette maladresse a été vite soulevée par la presse algérienne, selon laquelle «si Mahmoud Abbas a aussitôt confirmé sa participation au sommet arabe d’Alger, le président égyptien est lui resté vague. Il a juste dit qu’il entendait participer aux efforts du président Abdelmadjid Tebboune pour la réussite de ce sommet.»De même, le retrait de la délégation égyptienne, conduite par le MAE Sameh Choukry, en protestation contre la présidence de la réunion du Caire par la ministre libyenne des Affaires étrangères, dont le gouvernement n’est pas reconnu par l’Egypte, ni d’ailleurs par les Emirats arabes unis ou les Saoudiens, est un autre motif de soucis pour l’Algérie. 

Commentant cette saute d’humeur égyptienne, un diplomate algérien a même jeté de l’huile sur le feu en affirmant à la presse que le sommet d’Alger «se tiendra avec ou sans les Egyptiens. Les invitations ont été lancées. L’Egypte, qui n’a pas apprécié l’élection de la ministre des Affaires étrangères libyenne pour présider le 158e Conseil des ministres arabes, n’a plus la même influence au sein de la Ligue arabe.»

S’il est certain, à ce stade, que la Syrie ne sera pas de la partie, le régime algérien l’ayant sacrifiée au grand dam de ses alliés iraniens et du Hezbollah, pour éviter un boycott du sommet d’Alger, il se posera la question de savoir quel gouvernement représentera la Libye. Si celui de Benghazi ne sera en aucun cas invité par le régime algérien, en conflit ouvert avec le maréchal Khalifa Haftar, celui de Tripoli est indésirable aux yeux de plusieurs pays arabes, qui n’accepteront pas de le côtoyer à Alger. 

Il est donc clair que le grand défi qui se pose pour le sommet arabe d’Alger n’est pas seulement le nombre de pays qui y assisteront, mais surtout le niveau de représentation des Etats participants.

C’est cette équation à plusieurs inconnues qui explique que l’Algérie s’est lancée très tôt dans la remise officielle des invitations aux chefs d’Etat arabes, alors qu’il était prévu auparavant que ces invitations ne seraient adressées qu’à partir d’octobre prochain.

Toutes ces incertitudes expliquent que l’Algérie a été aussi obligée de plier l’échine face aux nombreuses conditions imposées par la Ligue arabe. En plus d’avoir lâché la Syrie, elle a été obligée d’accepter l’envoi d’un ministre de souveraineté au Maroc, avec lequel elle a rompu toutes ses relations, pour remettre aux hautes autorités du Royaume une invitation officielle en vue d’assister au sommet arabe d’Alger.

Par Mohammed Ould Boah
Le 08/09/2022 à 10h04