Le jeudi soir, dans le cadre de deux interviews diffusées sur les chaînes françaises TF1 et LCI, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a récidivé en montrant une carte tronquée du Maroc. Car ce n’est certes pas la première fois que cela arrive, et à chaque fois, un communiqué officiel israélien sort en invoquant un problème technique et en déplorant l’erreur commise. Preuve en est, la carte figurant dans le bureau officiel du Premier ministre israélien affiche l’intégralité du territoire marocain, le Sahara compris.
Doit-on y voir une simple erreur? Une provocation israélienne en raison du soutien marocain à la cause palestinienne et de la condamnation des crimes commis à Gaza? À l’heure actuelle, je n’en ai aucune idée, car selon moi, le débat ne se situe pas à ce niveau.
Il y a un peu moins d’un an, j’avais publié une chronique où j’abordais une question éminemment importante, qui ne semble pas être réellement prise au sérieux du côté marocain. D’où la nécessité d’en reparler à nouveau à travers la présente chronique. Il s’agit de la question de la guerre cognitive qui nous est menée sur le Net, notamment sur le terrain cartographique.
Je vous défie d’aller sur n’importe quel site de stock d’images (Shutterstock, Envato, Pond5, Freepik…) et d’y trouver une carte non tronquée du Maroc. Vous y passerez la journée sans pour autant être certain de la trouver.
Le problème est loin d’être anodin, car, à chaque seconde qui passe, des centaines et des milliers de présentations, meetings, rapports et documents sont produits dans les quatre coins du monde en utilisant des cartes mondiales ou régionales, avec un Maroc dont le territoire est tronqué. Non pas par hostilité à notre égard ou par un quelconque positionnement idéologique, mais tout simplement parce que tout le monde puise ses cartes à la même source, à savoir les sites de stocks d’images.
Même à nous Marocains, pourtant avertis, il peut nous arriver de tomber dans l’erreur par inattention, comme ce fut récemment mon cas quand, dans le cadre d’une présentation géopolitique, j’ai utilisé une carte climatique du monde où le trait fictif qui prétend nous séparer de notre Sahara était à peine visible. Heureusement que des patriotes m’ont immédiatement averti, me permettant de supprimer la vidéo. Mais qu’en est-il d’un Allemand, d’un Chinois, d’un Canadien, d’un Nigérian ou d’un Japonais, qui puiserait ses cartes dans ces mêmes sites?
Car si la bataille diplomatique menée par le Maroc nous amène irrémédiablement vers une victoire définitive, il y a une autre bataille que nous semblons pour l’heure déserter. Celle des esprits. Puisque même si tous les États du monde venaient à reconnaître officiellement la marocanité de notre Sahara, les populations continueront à voir leur imaginaire structuré par ces mêmes cartes tronquées qui dominent sur le Net, offrant ainsi un terrain fertile à nos ennemis géopolitiques pour continuer à nous mettre des bâtons dans les roues.
Ainsi, il me paraît urgent de prendre à bras le corps cette question. Non seulement à une échelle individuelle, mais aussi au niveau gouvernemental. Car il revient aux ministères des Affaires étrangères, de la Transition numérique, de la Culture et de l’Intérieur de mettre en place les mécanismes nécessaires pour reconquérir ce terrain perdu sur le champ de bataille de la guerre mentale et cognitive qui nous est menée.
Plusieurs mesures peuvent être entreprises :
- Exiger de ces plateformes de rectifier la carte du Maroc, sous peine de se voir exclues du Net marocain. Sachant que bon nombre de ces plateformes sont américaines, nous avons dans ce cas une base juridique solide pour peut-être même entamer des procédures juridiques à leur encontre, sachant que les États-Unis reconnaissent officiellement la marocanité du Sahara.
- Produire et mettre en ligne massivement sur ces plateformes des cartes complètes du Maroc.
- Investir massivement dans le référencement des sites proposant des cartes complètes du Maroc, afin qu’ils ressortent en premier dans les résultats au niveau des principaux moteurs de recherche.
Les idées ne manquent pas. Ce qui nous manque le plus, c’est une prise de conscience de l’importance fondamentale de ce champ de bataille qui, pour l’heure, est encore déserté de notre côté.
Ainsi, ne nous étonnons pas que de temps en temps, des politiques, des journalistes ou encore des scientifiques de par le monde fassent usage d’une carte tronquée du Maroc dans leurs présentations. Si même nous, Marocains, nous ne sommes pas à l’abri d’une telle erreur, qu’en est-il d’un étranger?