Jean-Luc Mélenchon sur le Sahara: «Aimer le Maroc, c’est s’inscrire dans la continuité de la Marche verte»

Le fondateur et leader du parti français La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, mercredi 4 octobre 2023 à Amizmiz.

Le 05/10/2023 à 07h51

VidéoDepuis Amizmiz, le fondateur et leader de La France Insoumise, principale force de la gauche française, s’est exprimé notamment sur son admiration de la solidité des Marocains face aux épreuves et sur cette «insupportable» arrogance de la France et ses médias vis-à-vis du Royaume. Pour lui, Paris doit tenir compte des nouvelles réalités sur la question du Sahara, notamment à la lumière du soutien exprimé au Maroc par les États-Unis, Israël et l’Espagne. Florilège.

«Il n’existe aucune relation institutionnelle de La France Insoumise avec qui que ce soit d’autre que les partis de la démocratie marocaine». C’est par ces mots que Jean-Luc Mélenchon, fondateur et leader de La France Insoumise, principale force de la gauche française, a tenu à lever toute ambiguïté quant aux liens supposés que son mouvement entretiendrait avec la milice séparatiste du Polisario. En déplacement au Maroc depuis le mercredi 4 octobre pour une visite de trois jours, et depuis Amizmiz, localité frappée par le séisme du 8 septembre, Mélenchon a tenu à marquer son admiration pour la manière dont le Maroc a su gérer une catastrophe aussi dévastatrice qu’un tremblement de terre. «Nous avons des leçons à apprendre et J’en déplore davantage cette arrogance que j’ai parfois pu voir en France et cette manière de regarder le Maroc de haut qui m’est encore plus insupportable», note-il. S’agissant de la cause nationale, le natif de Tanger appelle à faire preuve de réalisme. «Je ne peux pas faire autrement que de constater la ferveur marocaine sur cette question et de m’y sentir attaché. Je ne peux que constater que le Maroc n’a jamais manqué à sa parole à l’ONU. Et je ne peux qu’observer les paramètres nouveaux auxquels les Français devraient réfléchir avec plus d’attention», lance-t-il.

Cette position clairement favorable au Maroc, et qui jure avec le parti pris du président Emmanuel Macron en faveur de l’Algérie, principal adversaire du Maroc sur son intégrité territoriale, rejoint celle du parti Les Républicains, présidé par Éric Ciotti. Ce dernier, lors d’un déplacement au Royaume début mai dernier, a exprimé le soutien ferme de sa formation au plan d’autonomie du Royaume, visant à régler le conflit artificiel autour du Sahara. «Nous souscrivons pleinement à ce plan d’autonomie proposé par le Souverain» pour mettre fin à ce conflit, a déclaré Éric Ciotti lors d’une conférence de presse à Rabat, avant de mettre en valeur «l’essor économique important que connaissent les régions sahariennes». À l’arrivée, les présidents du principal parti de gauche et du principal parti de droite accentuent la pression sur Macron, plus que jamais isolé sur la question.

Entre-aide, cette valeur sacrée que le Maroc a su préserver

«Moi qui ai roulé ma bosse, je suis très impressionné par le niveau d’organisation que j’observe et par cette chimie qui a fonctionné entre l’élan spontané de la population et l’action des pouvoirs publics. Une chose est sûre, la principale force du Maroc, c’est le peuple marocain. Vous, Marocains, vous ne vous en rendez peut-être plus compte, mais vous manifestez des qualités de solidité et d’entre-aide qui sont devenues peu courantes dans la civilisation contemporaine. Que toutes les régions et localités du Maroc se mobilisent pour remettre en si peu de temps les choses en place après une telle catastrophe, pour moi, c’est magique. S’y ajoutent les autres niveaux d’intervention, des collectivités locales à l’État.Tout cela me fortifie non seulement dans l’idée que je me fais de mes amis marocains, mais dans ce que je crois important d’introduire dans la civilisation humaine, à savoir l’aptitude à l’entraide».

«J’ai également été frappé par l’état d’esprit de ceux qui ont une responsabilité. J’ai visité un collège érigé sous une tente et je n’ai pu qu’admirer l’engagement de ceux qui se battent pour que les fonctions essentielles soient assumées, que l’enseignement ait lieu et que les enseignants manifestent la dignité de leur fonction. C’est beau et c’est humainement très édifiant».

Arrogance française

«J’en déplore davantage cette arrogance que j’ai parfois pu voir en France et cette manière de regarder le Maroc de haut qui m’est encore plus insupportable maintenant que j’ai vu ce qui se déroule ici. Sérieusement, je prends un coup parce qu’il y a des choses que vous, Marocains, savez encore faire, mais que nous avons perdu. Je sais déjà comment le Maroc a su faire face à la crise du Covid-19, mais un tremblement de terre, c’est un calibre au-dessus en termes de dévastation. En France, il faut qu’on apprenne et s’il y a un endroit où il fait apprendre, c’est ici. Ce n’est certainement pas à nous de donner des leçons».

«D’abord, en cessant de confondre les relations d’État à État et les peuples puisqu’il y a ceux, et ils sont nombreux, qui se trouvent pris entre les deux affections. Notre rôle en tant que politique, c’est de maintenir les relations entre les deux pays».

«Mes amis marocains savent que cela m’émeut d’être ici et je sais que ma présence leur fait plaisir. Ça compte. Je le dis avec beaucoup de solennité: nous avons en commun des familles et des enfants. Par conséquent, notre devoir à tous est de surmonter les situations conflictuelles. À cet égard, je dois dire que mon pays n’a pas brillé par son sens de l’à-propos. Il en a résulté des difficultés qui auraient pu être évitées».

Médias français, «irrespectueux et excessifs»

«Les relations entre le Maroc et la France doivent s’améliorer. Je n’aime pas l’ambiance que j’observe actuellement dans les médias en France à l’égard du Maroc. Je trouve l’attitude de nombreux médias français totalement irrespectueuse et excessive, notamment dans cette période grande détresse où nous sommes accablés par 3.000 deuils. Ce n’est pas le moment des grands malins. Et contrairement à ce qui se dit dans une certaine presse française, il faut dire ce qui est: le Maroc s’en est sorti admirablement de ce séisme. Et, ici, nous autres Français, nous avons des leçons à apprendre. En efficacité, discipline et entraide. Je vous en parle en toute sincérité en sachant que ça ne me vaudra pas que des compliments en revenant chez moi. Mais cela suffit et il faut définitivement tourner la page de l’arrogance et cette ambiance qui prévaut dans les pays européens qui se vivent comme des forteresses et méprisent le reste de l’humanité. Sans se rendre compte que nous avons une vie commune. Il est temps en France qu’on baisse le ton».

Sahara: tenir compte des réalités et des paramètres nouveaux

«Je sais que la question est sensible et que tout le monde au Maroc se sent investi dans la Marche verte et la perpétue dans son esprit. Et tous ceux qui aiment le Maroc, même si parfois ils sont tenus à une certaine discrétion, n’en pensent pas moins. La diplomatie marocaine est très efficace. Elle a pendant des années permis que tout le monde s’y retrouve en étant d’accord avec les résolutions des Nations unies. Je précise que le Maroc n’a jamais manqué à sa parole. Jamais».

«J’ai lu des sottises sur mes positions et sur celles des Insoumis. Mais soyons clairs: il n’existe aucune relation institutionnelle de La France insoumise avec qui que ce soit d’autre que les partis de la démocratie marocaine. Je ne vous cache pas qu’il y a des opinions différentes au sein du mouvement auquel j’appartiens. Mais je ne peux pas faire autrement que de constater la ferveur marocaine et de m’y sentir attaché. Je ne peux que constater que le Maroc n’a jamais manqué à sa parole à l’ONU. Et je ne peux qu’observer les paramètres nouveaux auxquels les Français devraient réfléchir avec plus d’attention. La prise de position des États-Unis d’Amérique, d’Israël et de l’Espagne a modifié le regard que le monde porte à cette question. Je souhaite que mon pays le comprenne. En tout cas, cette question ne peut pas être un sujet de querelle entre nos deux pays. Ce ne serait pas juste».

«Ma première manifestation, c’était pour l’indépendance du Maroc»

«Sur la question du Sahara, nous n’avons pas à montrer autre chose que du réalisme. Et qu’est-ce que le réalisme, si ce n’est qu’il y a des frontières et que des résolutions ont été votées au sein du Conseil de sécurité? Qu’on les applique. Le Maroc a mis sur la table des propositions intéressantes et qui doivent être considérées. On ne doit pas passer par-dessus et considérer qu’elles n’ont jamais été faites. Il y a des gens que cela rend mécontents. Et bien, c’est la vie».

«Personnellement, toute mon affection va au Maroc et je n’ai pas besoin de le répéter toutes les cinq minutes. Je retiens juste que la première manifestation de ma vie, j’y ai participé (à Tanger, NDLR) quand j’avais 5 ans. Je ne savais même pas que je manifestais, mais c’était pour l’indépendance du Maroc et pour le retour du roi Mohammed V. De retour à la maison, et à table, je répétais le slogan de l’époque, à savoir “Yahya Ben Youssef, Grandval!” (pour ”Vive le Sultan Mohammed Ben Youssef”, devenu roi Mohammed V, à l’adresse de Gilbert Grandval, résident général de France au Maroc entre juin et août 1955, NDLR). Quand vous avez vécu cela à l’âge de cinq ans, ce ne sont pas des péripéties médiatiques qui vous arrêtent ensuite dans vos convictions. J’ai eu le bonheur de voir le roi Mohammed V et je serais extraordinairement heureux de voir le prince Moulay El Hassan, la figure de la jeunesse de ce pays, continuer cette longue et belle Histoire».

Par Tarik Qattab, Mouad Marfouk et Khalil Essalak
Le 05/10/2023 à 07h51