Gestion de l’eau: une vision royale clairvoyante et volontariste, axée sur la durabilité et l’équité

Le bassin hydrique du Sebou, qui sera relié à d'autres bassins du pays en vue d'améliorer la gestion et l'utilisation des ressources en eau.. DR

Dans le sillage des instructions royales, le Maroc a engagé de multiples actions et initiatives pour faire face aux défis représentée par la situation hydrique du pays. Focus sur le travail actuellement mené pour assurer une meilleure gestion de l’eau.

Le 27/05/2023 à 13h26

Avec des variations considérables des ressources hydriques, de surcroît inégalement réparties sur son territoire, le Maroc est confronté à d’importants défis en matière de gestion de l’eau, nécessitant des mesures et des stratégies mieux adaptées. Sous le leadership royal, des initiatives ambitieuses ont été lancées et des investissements importants ont été mobilisés pour la construction de barrages, la modernisation des infrastructures hydrauliques, la promotion de techniques d’irrigation efficaces et la mise en œuvre de programmes de conservation de l’eau.

Lors d’une séance de travail présidée par le Souverain et consacrée à la question de l’eau, le 9 mai 2023, cette vision a reçu une nouvelle impulsion avec l’accord d’un investissement supplémentaire au Programme national pour l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation (PNAEPI) 2020-2027, portant son budget global à 143 milliards de dirhams.

Dans une déclaration pour Le360, en marge d’une rencontre organisée le jeudi 25 mai par nos confrères d’Aujourd’hui le Maroc sur la thématique de l’eau, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’eau, a indiqué que le Souverain a clairement défini sa vision de la gestion de l’eau, en insistant sur l’accélération de la mise en œuvre du PNAEPI 2020-2027, la rapide concrétisation des projets de barrages prévus et l’établissement d’une interconnexion entre les bassins hydriques.

Changer de paradigme

Priorité est également donnée au dessalement de l’eau de mer et à la réutilisation des eaux usées, ainsi qu’à la mise en place de mesures d’économie d’eau, notamment dans le domaine de l’irrigation, et à la préservation des réserves d’eaux souterraines, a fait savoir le ministre.

Pour ce faire, il est primordial de changer de paradigme. «Par le passé, nous nous sommes principalement concentrés sur la mobilisation de l’eau à travers la construction de barrages et l’utilisation des nappes phréatiques. Aujourd’hui, en ce qui concerne l’eau potable, nous nous inscrivons dans une nouvelle logique, qui place le dessalement de l’eau de mer comme l’une des réponses fondamentales. Nous devons également tirer parti des ressources qui étaient auparavant gaspillées, notamment en recyclant les eaux usées. Cela permettra de réduire notre dépendance aux barrages pour l’irrigation et l’eau potable», a expliqué Nizar Baraka.

«Un troisième élément clé, souligné par le Souverain, consiste à recourir au transfert de l’eau des zones les plus pluvieuses vers les zones les plus nécessiteuses en termes de ressources hydriques. Plus précisément, il est question du transfert d’eau du bassin du Sebou vers celui de Bouregreg, puis vers le bassin d’Oum Er-Rbia», a-t-il relevé.

En résumé, grâce au dessalement de l’eau de mer, «nous serons en mesure de répondre aux besoins en eau potable de la plupart des villes côtières. Cela nous permettra de libérer d’importantes ressources au niveau des barrages, lesquelles seront utilisées pour les besoins en eau potable des villes intérieures et des zones irriguées qui souffrent actuellement du manque d’eau», détaille le ministre, précisant que ce transfert hydrique, estimé entre 500 et 800 millions m3, assurera l’approvisionnement en eau potable de ces régions et permettra de répondre à environ 60 à 80% des besoins en irrigation.

Réduire les pertes d’eau

La nouvelle stratégie s’appuie aussi sur une gestion plus efficiente des ressources hydriques. Cela implique, selon Nizar Baraka, la réduction des pertes d’eau, dans la distribution d’eau potable, l’irrigation ou le transfert d’eau pour l’agriculture. «L’industrie devra également se transformer et opter pour la réutilisation des eaux usées, en particulier dans les nouvelles zones industrielles qui peuvent recourir au dessalement si nécessaire. Toutes ces mesures visent à réduire la pression exercée sur l’eau, au niveau des barrages et des nappes phréatiques», a-t-il estimé.

Et de préconiser «une gouvernance intégrée et coordonnée pour assurer un suivi permanent et planifier les programmes futurs, afin de les intégrer dans les différentes initiatives, telles que l’offre Maroc sur l’hydrogène, le futur industriel et le plan Génération Green».

Aller au-delà des chiffres

Pour Houria Tazi Sadeq, experte en droit de l’eau et présidente de la Coalition marocaine pour l’eau (COALMA), les défis liés à l’eau ne se limitent pas à des chiffres et des mètres cubes. «Il est essentiel de comprendre que la question de la rareté des ressources est globale. Lorsque nous examinons cette problématique, nous devons adopter une approche globale qui intègre la complexité et l’interdisciplinarité», a-t-elle argumenté.

Et de développer: «La ressource en eau occupe une place centrale non seulement dans l’environnement, mais aussi au sein des communautés. Il est crucial de mettre l’accent sur la sobriété d’utilisation, les modèles d’efficacité et la complémentarité des usages. C’est là que se situe la véritable question qui nous conduira à une meilleure gouvernance».

À ce chapitre, l’experte relève justement une évolution positive. «Ce qui est encourageant, c’est que nous sommes passés d’une centralisation de la gestion de la ressource à une ouverture envers d’autres acteurs. Aujourd’hui, outre les organismes publics, le secteur privé et la société civile sont également impliqués. La gouvernance doit donc être globale, favorisant la complémentarité et la coordination, non seulement au niveau central, mais aussi à l’échelle territoriale et locale», a-t-elle plaidé.

Des politiques sectorielles

Dans le même esprit, Abderrahim El Hafidi, directeur général de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), estime qu’il est nécessaire «de mettre en place des politiques sectorielles prenant en compte les enjeux liés à l’eau, tels que la préservation des ressources en eau et la sensibilisation à une utilisation durable. La vision royale souligne l’importance d’évaluer les coûts complets de la gestion de l’eau, en tenant compte de tous les aspects, de l’amont à l’aval. Cela nécessite l’adoption de solutions économiquement viables, tout en préservant l’environnement et en garantissant un accès équitable à l’eau pour tous les citoyens».

C’est pourquoi Abderrahim El Hafidi a mis en avant la nécessité d’une collaboration étroite entre les différentes parties prenantes, y compris les institutions publiques, les organismes de recherche, les entreprises privées et la société civile, pour mettre en œuvre efficacement cette vision intégrée.

Le constat alarmant de la Banque mondiale

Rappelons que selon la Banque mondiale, le Maroc fait partie des pays les plus touchés par le stress hydrique dans le monde. Entre 1960 et 2020, les ressources hydriques renouvelables disponibles du Royaume ont diminué de 2.560 m3 à environ 620 m3 par personne, entraînant le pays dans une situation de stress hydrique structurel.

Sur la même période, le Royaume a construit plus de 120 grands barrages, multipliant par dix sa capacité de stockage de l’eau. Le volume réel d’eau stocké a toutefois diminué pendant la majeure partie de la dernière décennie. Et lors de la dernière sécheresse, le taux de remplissage global n’avoisinait que 33 %, menaçant la sécurité hydrique dans certains bassins et poussant les autorités à adopter des mesures d’urgence.

Par Hajar Kharroubi
Le 27/05/2023 à 13h26