Eyal David, chef adjoint du bureau de liaison d’Israël: «Rabat et Tel-Aviv ont beaucoup à gagner en continuant à coopérer»

Eyal David, chef adjoint du bureau de liaison d'Israël au Maroc.

Le 03/09/2023 à 07h59

VidéoÀ la veille de son départ du Maroc pour un nouveau poste à Tel-Aviv, Eyal David, chef adjoint du bureau de liaison d’Israël, ayant été au cœur d’une période décisive pour les relations bilatérales, partage avec Le360 ses réflexions sur son passage au Royaume et l’avenir des relations maroco-israéliennes.

Ancien ambassadeur adjoint d’Israël à Nairobi, accrédité au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, au Malawi et aux Seychelles, Eyal David est détenteur d’une maîtrise et d’une licence en études islamiques et moyen-orientales. Il a été nommé émissaire auprès de la communauté juive de Lyon en France, et a travaillé au sein de la Division des relations extérieures de l’Université hébraïque de Jérusalem.

Au cours de ses deux années passées au Maroc, il a multiplié les rencontres, s’est imprégné de la culture locale et a été le témoin actif d’une période charnière dans les relations entre les deux pays. Ce chapitre se clôture alors qu’il s’apprête à quitter Rabat pour Tel-Aviv à la mi-septembre, ayant achevé sa mission au Royaume. Une nouvelle page se tourne pour ce diplomate, qui dit «emporter avec lui les souvenirs d’une expérience marocaine inoubliable».

Le360: quelle a été votre première impression à votre arrivée au Maroc?

Eyal David: ma première impression du Maroc a été extrêmement positive. En tant qu’ancien étudiant en relations internationales et en études moyen-orientales, venir ici juste après le rétablissement des relations diplomatiques entre Israël et le Maroc était un rêve devenu réalité.

Mon admiration pour ce pays et son peuple a continué à grandir au fil de ma mission. J’ai eu le privilège de vivre au Maroc et de contribuer à la construction d’une solide amitié entre nos deux Nations.

J’ai aussi été touché par la préservation des sites juifs, impulsée par Sa Majesté le Roi. Cette vivace empreinte juive, notamment à travers une communauté active dans plusieurs villes, est unique en Afrique du Nord.

Mon expérience m’a offert un sentiment d’appartenance. Parmi tous les lieux, Essaouira et Asilah, avec leur riche patrimoine et coexistence, ont particulièrement capturé mon cœur. En quittant le Maroc, je porte en moi un respect indélébile pour son peuple et son riche héritage culturel.

Pouvez-vous partager avec nos lecteurs un aperçu de vos principales responsabilités en tant qu’adjoint du chef du bureau de liaison d’Israël au Maroc au cours des deux dernières années?

En tant qu’adjoint du chef du bureau de liaison d’Israël au Maroc, mes missions s’étendaient du renforcement des relations gouvernementales (Relations G2G) à la promotion des échanges entre nos citoyens (Relations P2P), tout cela en étroite collaboration avec le chef de mission et notre équipe.

Mon spectre d’intervention couvrait des terrains variés, allant du politique au culturel, en passant par l’économique et le touristique. Pour n’évoquer que quelques-unes de mes prérogatives: j’ai œuvré à faciliter les interactions entre artistes et universitaires des deux pays, stimuler les opportunités d’investissement israélien au Maroc et orchestrer des manifestations culturelles et musicales conjointes, entre autres initiatives.

Comment percevez-vous la dynamique des relations entre le Maroc et Israël?

Depuis la réactivation des mécanismes de coopération entre les deux pays, nous avons observé une évolution importante dans les relations entre le Maroc et Israël, s’étendant bien au-delà du simple cadre politique. En effet, nos collaborations se sont densifiées, englobant des domaines aussi variés que la culture, l’économie, l’agriculture et le tourisme. J’ai eu la chance de contribuer à cette évolution en travaillant sur divers projets et initiatives communs qui ont renforcé nos liens.

Sur le plan politique, nous avons assisté à une dynamique accrue d’échanges de haut rang, avec notamment plus de 15 visites ministérielles officielles. Ces rencontres, ponctuées par la venue emblématique de figures telles que le président de notre Knesset et notre chef d’état-major, ainsi que par la signature de multiples accords, ont solidifié nos ponts de dialogue et de coopération. Il convient de souligner également l’essor de la coopération militaire, matérialisé par l’affectation d’un attaché militaire permanent qui débutera bientôt sa mission.

Sur le front économique, nos efforts conjugués ont induit une hausse des investissements et des synergies commerciales. De plus, Israël a envoyé le premier attaché de l’agriculture ici au début de cette année, et pour la première fois nous avons participé officiellement au salon agricole SIAM à Meknès.

La culture n’est pas en reste, avec des échanges artistiques de haut niveau favorisant un rapprochement entre nos peuples. Dans le domaine touristique, la fréquence des vols directs (15 vols directs hebdomadaires entre Casablanca, Marrakech et Tel-Aviv), la mise en place imminente d’une liaison avec Essaouira, et l’explosion du nombre de touristes israéliens au Maroc traduisent un engouement croissant. En effet, l’année dernière, 70.000 touristes israéliens ont visité le Maroc, et cette année, selon l’ONMT, on prévoit près de 200.000 arrivées. Nous espérons avoir un nombre similaire de visiteurs en sens inverse.

Comment envisagez-vous l’avenir des relations maroco-israéliennes?

L’avenir est prometteur, et le sera davantage à la suite de la visite de notre Premier ministre et sa relation spéciale avec Sa Majesté. Les opportunités abondent, mais cela prend du temps. Il s’est écoulé presque trois ans depuis le rétablissement de nos relations. Chaque ministre signe des accords, jetant les bases pour divers domaines. À présent, c’est le tour des entrepreneurs et de la société civile. Avec tous ces vols directs, il n’y a aucune excuse pour ne pas venir explorer les opportunités ici.

Les domaines clés qui méritent une attention accrue incluent la coopération économique, militaire, les échanges culturels et touristiques. Investir dans ces domaines renforcera davantage nos liens et contribuera à un avenir mutuellement bénéfique. L’ouverture des grands ports de Nador et de Dakhla dans les années à venir offre de nombreuses opportunités aux sociétés et aux entrepreneurs israéliens.

Étant donné que nous partageons un climat similaire et faisons face à des défis communs liés à la sécheresse, une collaboration plus étroite et accrue pourrait permettre de trouver des solutions pour nos deux peuples. Israël possède une vaste expérience et diverses technologies novatrices pour faire face aux défis du changement climatique, et nous serions ravis d’échanger ce savoir-faire. Les deux pays ont beaucoup à gagner en continuant à coopérer, et je suis convaincu que nous continuerons à progresser dans les années à venir.

Quant aux piliers sur lesquels édifier une relation fructueuse et pérenne entre nos pays, je préconise un renforcement des partenariats transversaux. Un dialogue ouvert et fertile, allié à des interactions profondes entre nos peuples, s’avère crucial.

Les collaborations politiques, éducatives, culturelles et économiques devraient rester au cœur de nos efforts pour promouvoir une relation solide et durable. Notre rôle, que ce soit au sein du bureau de liaison ou, espérons-le prochainement, de l’ambassade, est de catalyser ces échanges, en les soutenant par des initiatives relationnelles et, le cas échéant, des aides financières. La gestation d’une communauté engagée et investie dans la consolidation des liens israélo-marocains pourrait être le ferment d’une compréhension mutuelle et d’une collaboration ininterrompue.

Par Hajar Kharroubi et Khalil Essalak
Le 03/09/2023 à 07h59