Entre le Mali et l’Algérie, rien ne va plus…

Bernard Lugan.

ChroniqueDerrière la crise entre le Mali et l’Algérie, c’est en réalité l’ancien et profond contentieux opposant Alger à Bamako qui refait surface. Le problème est bien connu et il tient en trois points. Explications.

Le 06/02/2024 à 11h00

La tension monte entre le Mali et l’Algérie sur fond d’accumulation d’échecs de la diplomatie algérienne. Mercredi 20 décembre 2023, l’ambassadeur algérien à Bamako a été convoqué par le gouvernement militaire au pouvoir. En retour, dès le lendemain, l’ambassadeur du Mali à Alger le fut à son tour par le ministère algérien des Affaires étrangères.

Le fond du problème est clair: Bamako reproche à Alger ses liens avec les «séparatistes» touareg, ainsi que l’accueil fait le mardi 19 décembre par le président Abdelmadjid Tebboune à une délégation politico-religieuse malienne dirigée par l’imam Mahmoud Dicko, influent chef religieux d’ethnie peul et opposant au Gouvernement de transition. Cela a pu faire penser à ce dernier qu’Alger allait tenter d’ouvrir un nouveau front au Mali, afin de donner de l’air à ses alliés touareg actuellement en difficulté militaire.

Et pour ne rien arranger, les 22 et 23 décembre derniers, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a effectué une visite au Maroc, pays avec lequel l’Algérie a unilatéralement rompu ses relations diplomatiques au mois d’août 2021.

Enfin, ultime camouflet pour l’Algérie, le 25 janvier 2024, le gouvernement malien de transition a annoncé sa sortie des accords d’Alger, signés en 2015, qui prévoyaient notamment de rétablir la paix au Mali par une politique de «régionalisation», avec notamment la création d’assemblées régionales élues au suffrage universel direct, mais sans autonomie ni fédéralisme. Or, tout au contraire, les actuelles autorités maliennes considéraient que cet accord faisait la part belle aux «séparatistes» touareg.

Derrière ces évènements, c’est en réalité l’ancien et profond contentieux opposant Alger à Bamako qui refait surface. Le problème est bien connu et il tient en trois points:

1- L’Algérie, qui considère le nord du Mali comme le prolongement méridional de ses immensités sahariennes, et pour tout dire comme son «protectorat», s’est toujours impliquée dans les règlements des guerres touareg du Mali. Les deux pays partagent en effet une frontière de 1.400 kilomètres de long et leurs populations touareg étant imbriquées, l’Algérie ne veut en effet en aucun cas que «ses» touareg se trouvent impliqués dans la poudrière malienne. Alger est ainsi à la fois le principal soutien des Touareg maliens et le principal médiateur dans la question malienne. Une position de «grand écart diplomatique» qui ne pouvait que déboucher sur un échec.

2- L’Algérie a constamment entretenu des relations avec les mouvements touareg. Il est de notoriété que le chef ifora Iyad Ag Ghali, qui est à la tête des combattants touareg, est «lié» à Alger. Sa famille réside en Algérie, et lui-même y a sa base arrière.

3- Alger se satisfaisait de voir le nord du Mali échapper au pouvoir de Bamako, sans toutefois accéder à une véritable indépendance qui aurait pu donner des idées aux Touareg algériens. Tout au contraire, les militaires maliens avaient un objectif prioritaire qui était la reconquête du nord du pays. Une utopie jusqu’à ces dernières semaines. Or, l’intervention massive du groupe Wagner a permis aux FAMA (Forces armées maliennes) de prendre Kidal, la «capitale» des Touareg maliens vidée de sa population, partie vers l’Algérie. Dans l’attente d’une revanche…

Les intérêts de l’Algérie se trouvent donc opposés et confrontés à ceux de son allié historique, la Russie, pays qui lui fournit la quasi-totalité de son armement… mais qui, en même temps, aide l’armée malienne à écraser les forces touareg soutenues par Alger.

Par Bernard Lugan
Le 06/02/2024 à 11h00