La formule est aussi ancienne que la création du Polisario par l’Algérie, mais elle n’a jamais vraiment pris. Il s’agit de forcer la très improbable comparaison entre la lutte légitime pour un État palestinien et le puéril «combat» pour une république sahraouie qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais ailleurs que dans l’imaginaire de ses concepteurs. N’empêche que, chaque fois qu’il en a l’occasion, le régime d’Alger tente ce parallèle. Le but de ces tentatives désespérées est de légitimer les agitations d’une bande de mercenaires téléguidés depuis Alger, jusque dans les camps de Tindouf qui les abritent en territoire algérien. Sauf qu’aucun écho n’en est fait. Qu’à cela ne tienne, Palestine et RASD, c’est bonnet blanc, blanc bonnet. Mieux, la cause palestinienne n’est brandie que pour servir de lit aux thèses, bien algériennes, d’un impossible État sahraoui.
Deuxième homme dans la hiérarchie du pouvoir algérien, selon la Constitution du pays, Salah Goudjil, président du Conseil de la nation, la Chambre haute du Parlement algérien, vient d’en apporter une nouvelle démonstration. Âgé de 93 ans largement dépassés et toujours en fonction, cette preuve mobile de la sénilité des dirigeants algériens a dirigé le 13 mai dernier à Alger une réunion préparant la participation d’une délégation de son pays aux travaux de la 18ème session du Parlement méditerranéen, qui se tient ces 15 et 16 mai 2024 à Braga, au Portugal. Et histoire de briefer ses ouailles sur la marche à suivre durant cette rencontre, l’homme a tout résumé en une phrase.
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On vous la donne en mille, ânonnée en chœur par les porte-voix du régime, dont les quotidiens El Moujahid et L’Expression: «Mettre en lumière la cause palestinienne juste et les questions de décolonisation dans le bassin de la Méditerranée et en Afrique, notamment la question du Sahara occidental». Pour les représentants algériens, telle sera la seule instruction. Et qu’importe si l’ordre du jour de cette session du Parlement méditerranéen liste la coopération politique et sécuritaire, la coopération économique, sociale et environnementale, le dialogue des civilisations et les droits de l’Homme.
Le monde d’avant la chute du mur de Berlin
L’alimentation mordicus d’une analogie, créée de toutes pièces, entre la Palestine et le Sahara n’est pas seulement un non-sujet. Elle dénote surtout d’une tendance compulsive, aussi obsessionnelle qu’irrationnelle du régime et de ses hommes. Elle confirme que la grille de lecture des chibanis à la tête de l’appareil politico-militaire n’a pas évolué d’un iota depuis la guerre froide. Le moins âgé des caciques du régime d’Alger a 78 ans et ces derniers vivent tous dans le monde d’avant la chute du mur de Berlin. À son âge, et même sur son lit de mort, Salah Goudjil n’aura décidément d’autre choix que de ressasser le même discours.
De quoi rappeler l’attitude d’un Nadir Larbaoui qui, dès sa nomination en novembre 2023 en tant que Premier ministre, a affiché le fond de sa mission: la promotion du Polisario. Quelques heures seulement après son arrivée à la tête du gouvernement algérien, il a consacré sa toute première activité officielle à la réception d’un dirigeant de cette entité. Le lundi 20 novembre 2023, il a profité de l’ouverture d’une rencontre africaine sur les droits de l’Homme pour déshonorer la cause palestinienne en la mettant sur un même pied d’égalité que le séparatisme du Polisario.
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Il faut dire que créer des similitudes entre les deux dossiers, que rien n’unit, fait partie de l’ADN même du régime algérien. La solidarité de l’Algérie avec la Palestine n’est en définitive rien d’autre que de la propagande abjecte, utilisée vainement pour tenter de donner de la visibilité à un Polisario en pleine décomposition. Cela a commencé avec un certain Houari Boumédiène qui avait éhontément ordonné de plagier le drapeau palestinien… pour confectionner le torchon des séparatistes du Polisario. En matière de créativité, on lui décernerait volontiers un indulgent «peut mieux faire»: les seuls éléments distinctifs du bout de tissu polisarien sont l’étoile et le croissant de lune… du drapeau algérien. Un collage pour le moins primaire, infantile.
Depuis, rien ou presque n’a changé, si ce n’est que pendant que la cause palestinienne occupe le devant de la scène internationale, la propagande passée sur «l’autodétermination du peuple sahraoui» n’existe plus que dans la littérature des apparatchiks du régime algérien, dont on saluera au passage l’exceptionnelle longévité. Les mêmes gérontocrates grabataires, à la tête d’un pays où pratiquement les deux tiers de la population sont âgés de moins de 25 ans, s’épuisent à imposer le même stratagème. Ils ont dû oublier, Alzheimer politique oblige, que le discours sur le référendum ou l’autodétermination a totalement disparu des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara. Quant au torchon du Polisario, les chibanis du régime d’Alger auront beau continuer de chercher à l’assimiler au drapeau de la Palestine, cette analogie n’existe que dans leurs cerveaux en dégénérescence.