Code de procédure pénale: dix nouveautés majeures pour renforcer les droits du citoyen

Le nouveau Code de procédure pénale est entré en vigueur le 8 décembre 2025.

Le système pénal marocain a connu une réforme d’envergure avec l’entrée en vigueur de la loi n° 03.23 relative au Code de procédure pénale, applicable depuis le 8 décembre 2025. Cette révision, qui concerne plus de 420 articles, vise à instaurer un équilibre plus juste entre la protection de l’ordre public et le respect des droits et libertés fondamentales des citoyens. Tour d’horizon des principales nouveautés ayant un impact direct sur les droits individuels.

Le 17/12/2025 à 12h19

1. Rationalisation des peines privatives de liberté et promotion des peines alternatives

Le législateur a consacré le caractère exceptionnel de la détention provisoire en encadrant strictement son recours. L’objectif est clair: réduire l’incarcération préventive aux seuls cas de nécessité absolue.

Par ailleurs, le champ du règlement amiable (conciliation pénale) a été élargi aux délits punis de deux ans de prison ou moins, ou d’une amende n’excédant pas 100.000 dirhams, offrant ainsi une solution rapide et moins lourde pour de nombreuses affaires courantes.

Autre avancée notable: le relèvement du seuil de l’emprisonnement pour contrainte par corps. Désormais, cette mesure ne peut être appliquée si le montant dû est inférieur à 8.000 dirhams, protégeant ainsi les personnes en situation de précarité.

2. Renforcement des garanties contre les abus et la torture

Le nouveau texte impose un examen médical obligatoire pour toute personne placée en garde à vue lorsque son état le justifie, renforçant la prévention contre la torture et les mauvais traitements. La durée de la vérification d’identité est également strictement limitée à quatre heures, renouvelables une seule fois sur autorisation du procureur du Roi, avec obligation d’informer la famille ou l’avocat.

3. Des droits renforcés pour les victimes

La réforme consacre une avancée symbolique et pratique: la victime peut désormais s’exprimer après chaque témoignage à l’audience, un droit jusque-là réservé à l’accusé.

En parallèle, les bureaux d’assistance sociale au sein des tribunaux voient leur rôle renforcé, notamment pour l’accueil et l’accompagnement des victimes de traite des êtres humains, de violences et de mauvais traitements, en particulier les femmes et les enfants.

4. Une approche plus humaine de la contrainte par corps

Au-delà du seuil financier, la loi introduit des interdictions à caractère humanitaire: la contrainte par corps est proscrite pour les femmes enceintes, les mères allaitantes (jusqu’à deux ans après l’accouchement), ainsi que pour les personnes âgées de plus de 60 ans.

Afin de préserver la stabilité familiale, elle ne peut être exécutée simultanément contre les deux époux, même en cas de dettes distinctes.

5. Consolidation des garanties du procès équitable

Le principe de la présomption d’innocence est réaffirmé avec force: tout doute doit être interprété en faveur de l’accusé.

L’avocat est désormais autorisé à assister son client dès l’interrogatoire devant le parquet, avec des prérogatives élargies: demande d’expertise médicale, production de documents, observations et questions à l’issue de l’interrogatoire.

La loi impose également la traçabilité complète des audiences, garantissant transparence, droit au recours et sécurité juridique.

6. Encadrement strict de l’intervention des associations

L’action des associations en tant que parties civiles est désormais réglementée: seules celles reconnues d’utilité publique, existant depuis au moins quatre ans et autorisées par le ministère de la Justice peuvent intervenir.

Dans les affaires de violences faites aux femmes, leur intervention est subordonnée à l’accord écrit préalable de la victime, consacrant son droit à décider et à préserver sa vie privée.

7. Garanties renforcées pour les mineurs

Les enfants bénéficient de protections spécifiques: toute interpellation d’un mineur pour vérification d’identité impose l’information immédiate du tuteur légal.

Aucune audition ne peut avoir lieu sans la présence du représentant légal, assurant une protection maximale contre toute forme de pression ou de dérive.

8. Institutionnalisation de l’assistance sociale et psychologique

Les cellules de prise en charge sociale deviennent un acteur central de la justice pénale. Elles assurent un accueil digne et confidentiel, une assistance psychologique, ainsi qu’un accompagnement judiciaire et social à la demande des autorités judiciaires.

9. Une réponse juridique adaptée aux crimes numériques

Face à l’essor de la criminalité en ligne, la loi dote les autorités de moyens légaux modernes pour lutter contre la cybercriminalité, tout en renforçant la protection des enfants contre l’exploitation numérique, notamment les contenus pédopornographiques.

10. Une justice plus rapide et plus efficace

Pour lutter contre la lenteur des procédures, la réforme élargit le recours au juge unique pour les affaires simples, permettant un traitement plus rapide des dossiers courants.

Cette simplification libère les juridictions collégiales pour se concentrer sur les affaires complexes et graves, améliorant ainsi la qualité des décisions et l’efficacité globale de la justice.

En somme, la loi n° 03.23 marque une étape décisive vers une justice pénale plus humaine, plus protectrice et plus proche du citoyen, tout en répondant aux défis sociaux et technologiques contemporains.

Par Miloud Shelh
Le 17/12/2025 à 12h19