Ces lièvres sont encore pires que leur président

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et son rival à l'élection présidentielle du 7 septembre, Abdelaali Hassani Cherif.

TribuneCe n’est pas demain qu’on en aura fini avec cette crise créée par des caporaux de papier mâché et entretenue par des hommes de paille.

Le 06/09/2024 à 09h32

Un certain Abdelaali Hassani Cherif, connu de sa seule mère -et encore, ce n’est pas sûr, elle l’a peut-être oublié, tellement il est insignifiant- a donné une interview qui est passée totalement inaperçue, mais que j’ai exhumée parce qu’elle montre à quel point la clique au pouvoir à Alger vit dans un monde parallèle.

Tout d’abord, qui est cet individu? Eh bien, c’est ce que les Algériens nomment, avec un humour amer, un ‘lièvre’, c’est-à-dire que les généraux l’ont sorti de leur képi et l’ont bombardé candidat à l’élection présidentielle du 7 septembre. Bien entendu, il n’a aucune chance de l’emporter même si, par extraordinaire, les Algériens votaient à 100% pour lui, vu que les ganaches ont déjà décidé que leur Tebboune serait réélu. Il joue donc le rôle du lièvre dans une course de fond -il fait deux ou trois tours de piste puis disparaît, laissant la victoire à d’autres. Il est payé pour ça.

Abdelaali Hassani Cherif fait donc semblant de participer à la course à la présidence. Il fait comme s’il y avait vraiment une élection et comme s’il était vraiment candidat. L’une des figures obligées de cet état consiste à accorder des interviews à la presse. Donc ce type -comment s’appelle-t-il? J’ai déjà oublié… ah oui, Abdelaali Trucmuche… donne des interviews.

La semaine dernière, il a déblatéré sur Al Jazeera. À la question «Si vous êtes élu (on est prié de ne pas éclater de rire), quelles conditions mettriez-vous à une reprise des relations diplomatiques avec le Maroc?»

Et voici la réponse du minus habens:

- C’est simple: le Maroc doit combattre les nouvelles ambitions des anciens colonisateurs de la région (c’est-à-dire de la France), il doit rompre avec Israël et reconnaître le droit des peuples à l’autodétermination.

Reprenons ces trois points.

Combattre les nouvelles ambitions de la France? OK, mais de quoi s’agit-il exactement? Re-coloniser la région? Le problème est que cette absurdité n’existe que dans la tête des dirigeants algériens. Faut-il participer à leur délire, entrer dans leur théorie du complot?

Rompre avec Israël? Mais l’Organisation de libération de la Palestine (qui est le seul représentant légitime des Palestiniens) entretient elle-même des relations officielles avec Israël. Faut-il être plus ‘palestinien’ que les Palestiniens? Et à quoi ça servirait? Si les Arabes avaient accepté les idées de compromis de Bourguiba et de Hassan II dans les années 70, il y aurait aujourd’hui une Palestine prospère, comprenant toute la Cisjordanie et la bande de Gaza, avec son aéroport international et ses ports, avec sa Silicon Valley autour de Jénine, avec Jérusalem-Est comme capitale, avec une population éduquée et ambitieuse qui aurait commencé à collectionner les prix Nobel. Au lieu de quoi, et à coups de slogans creux et de ‘solidarité’ toute théorique (voir les tebbouneries du genre «j’enverrais mon armée à Gaza, si seulement l’Égypte la laissait passer»), on a le désastre actuel.

Reconnaître le droit des peuples à l’autodétermination? Mais le Maroc le reconnaît. La j’ma’a sahraouie a approuvé les accords de Madrid de 1975, donc les Sahraouis marocains ont déjà exercé leur droit à l’autodétermination. Qu’en est-il des Sahraouis algériens? Qu’en est-il des Kabyles?

Que conclure de cette interview de… comment se nomme-t-il? Hassan Abdel Machin? Peu importe. La seule conclusion possible est celle-ci: les lièvres algériens sont encore pires que Tebboune.

Ce n’est pas demain qu’on en aura fini avec cette crise créée par des caporaux de papier mâché et entretenue par des hommes de paille.

Par Sanaa Berrada
Le 06/09/2024 à 09h32