La rumeur a enflé et s’est propagée jusqu’à cette mise au point salutaire: aucun abattage massif de chiens des rues n’est programmé, au Maroc, en amont de la Coupe du monde 2030. Mieux, un projet de loi sur les animaux errants, prévoyant également des sanctions contre la maltraitance animale, serait à l’ordre du jour.
Dans l’intervalle, le sujet s’est glissé jusqu’au Parlement de Strasbourg, où un député napolitain du très influent groupe PPE a interpellé l’exécutif européen en ces termes: la Commission juge-t-elle ces pratiques (de gestion des chiens errants) compatibles avec les valeurs de l’Union européenne, notamment au regard du partenariat stratégique avec le Maroc? Envisage-t-elle de prendre des mesures pour garantir le respect des valeurs de l’UE en matière de bien-être animal lors d’évènements co-organisés avec des pays tiers? Quoi qu’on pense de ces questions – à l’heure où le Parlement européen révèle toute son impuissance à utiliser l’arme du partenariat pour faire pression sur des pays tiers, qu’il s’agisse de protéger des intellectuels en Algérie ou des enfants à Gaza– elles en disent long sur la place qu’occupe désormais la cause animale dans le champ politique européen.
La politisation de l’animal a gagné toute l’Europe – des institutions (où le commissaire à la santé a désormais un portefeuille élargi au bien-être animal) jusqu’aux Etats qui la composent. Si les préoccupations sur le bien-être animal furent d’abord l’apanage des pays du Nord, les opinions publiques européennes convergent désormais, quand bien même on constate de fortes disparités d’un État membre à l’autre sur le contact des habitants avec les animaux. Un récent sondage Eurostat nous enseigne qu’au moins la moitié des sondés possèdent leurs propres animaux de compagnie dans 11 pays sur les 27, le taux le plus élevé étant observé en Bulgarie (70%). Tandis que dans seulement cinq États membres de l’UE, au moins un sondé sur dix est en contact régulier avec des animaux d’élevage: c’est le cas en Bulgarie (16%), Croatie (15%), Pologne et Roumanie (11%), et en Hongrie (10%).
Il existe désormais des partis animalistes dans une dizaine d’Etats membres – coordonnés au niveau européen au sein d’une plateforme, Animal Politics EU. Dans la vie politique nationale, la cause animale progresse de façon transpartisane, menaçant les traditions (chasse, corrida…), questionnant le droit civil (statut juridique des animaux), produisant le meilleur, comme la protection des animaux d’élevage pendant le transport ou des poules pondeuses en cages, et parfois le pire: des thèses antispécistes, qui portent le projet radical d’abolir les frontières entre les espèces, dont les militants considèrent que l’homme est un animal comme les autres, et que les éleveurs ou les bouchers sont d’affreux génocidaires.
Sur les seuls animaux de compagnie, l’Europe vient pour la première fois, de proposer des règles communes aux 27 sur le bien-être des chiens et chats. Il existait déjà une législation communautaire sur les chiens et chats élevés et utilisés à des fins scientifiques, des exigences particulières en matière de transport de chiens et chats dans l’UE, et sur les mouvements de ceux-ci au regard des maladies animales– plus particulièrement la rage. Bénéficiant d’une large attente sociétale (dans le même sondage de 2023, 74% des Européens estimaient que le bien-être des animaux de compagnie devrait être mieux protégé dans leur pays), un texte de la Commission, réglementant la détention commerciale, la vente et la traçabilité des chiens et chats vient d’être voté par une large majorité d’eurodéputés.
Et parmi un catalogue de mesures destinées surtout à homogénéiser entre pays voisins la vente des chiens et chats, et éviter les trafics transfrontaliers, un amendement est venu interdire l’euthanasie en tant que mesure de contrôle des populations canines et félines. Une victoire pour les ONG… et une révolution pour la Roumanie? Cas singulier d’un pays européen où depuis les années 80, une population considérable de chiens des rues hante les habitants et où, près de 20 ans après l’adhésion de Bucarest à l’UE, sévissait encore une loi sur l’euthanasie des animaux errants.
Cave Canem! La fameuse locution ornant les villas de Pompéi a traversé les siècles pour, aujourd’hui, résonner par-delà les frontières comme une injonction aux oreilles des politiques.





