Appui de la France à la marocanité du Sahara: et après?

Florence Kuntz.

ChroniqueIl est des vœux d’anniversaire qui peuvent bouleverser la géopolitique d’une région. En choisissant le jubilé d’argent du roi Mohammed VI pour reconnaître, dans une missive historique, que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», le président français Emmanuel Macron a ouvert une séquence prometteuse, non seulement dans le partenariat entre les deux nations, mais aussi à Bruxelles.

Le 07/09/2024 à 10h01

Vu de France, ce fut la bonne nouvelle d’un été au cours duquel le pays brillât davantage par ses médaillés olympiques que pour le niveau de sa classe politique, et assurément l’acte le plus inspiré d’un septennat de diplomatie macronienne. Cela n’avait que trop duré et, comme l’a rappelé le parlementaire Cambon, président du groupe d’amitié sénatorial, «il était temps que la France ajoute son nom à la longue liste de pays ayant déjà appuyé la proposition d’autonomie pour le Sahara sous souveraineté marocaine». Compte qui peut ce temps perdu, inexplicable au regard du niveau exceptionnel de la relation historique entre les deux capitales, qui ne pouvait guère se rattraper que par un acte fort. Ce fut le cas, tant sur la forme -la date de célébration des 25 ans de règne du Souverain- que sur le fond, avec des mots à la hauteur de l’attente et de la nécessité d’aller plus loin que les voisins européens: le plan d’autonomie marocain n’est pas seulement la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du dossier du Sahara, c’est la seule solution.

Regagner le temps passé, c’est aussi prolonger, sans attendre, la position française. D’abord par l’écriture d’une «feuille de route bilatérale ambitieuse», selon l’annonce partagée des deux exécutifs en août. Mais aussi? Bien sûr, on espère de la France l’ouverture du premier consulat au Sahara d’un pays membre de l’UE, à Dakhla ou Laâyoune… ou, pourquoi pas, en priorité, un Institut français -tant, décidément, fidèle aux mots de Paul Claudel, «ce que la France peut offrir de meilleur au monde, c’est elle-même», à savoir sa langue et sa culture.

Qu’en sera-t-il à Bruxelles? Au soir de la Fête du Trône, le ministre français des Affaires étrangères relayait les mots du président Macron, et tenait à préciser que «c’est la conviction de la France». Or, c’est bien d’abord au sein des institutions européennes que va être testée la force de conviction de cet État membre singulier dans le concert des 27, seul membre permanent du Conseil de Sécurité. D’emblée, dans sa capacité à faire évoluer quelques voisins pour tendre vers un consensus européen autour du plan d’autonomie. La dynamique des dernières années -amenant aux deux tiers le nombre de pays de l’UE ayant marqué leur intérêt ou engagement en faveur de la solution marocaine- pourrait être renforcée par l’engagement de Paris à «œuvrer pour porter la voie française sur la question du Sahara».

Mais c’est aussi dans le quotidien des affaires européennes, et surtout parlementaires, que le Maroc doit pouvoir compter sur la France. Notamment grâce aux représentants au Parlement européen des groupes issus des partis soutenant à Paris la marocanité du Sahara. Les réactions politiques à l’initiative présidentielle de juillet ont dégagé une majorité transpartisane, agrégeant le bloc présidentiel, les Républicains et le Rassemblement national -révélant des dissensions parmi les Socialistes, et ralliant rarement au-delà, sur la gauche, hors le député écologiste des Français du Maghreb. Ramenée à l’hémicycle européen, cette arithmétique assure à Rabat a minima le soutien des délégations françaises du PPE (premier groupe du Parlement), de Renew (où les députés français sont coordinateurs de leur groupe dans les commissions essentielles «Sécurité-Défense», «Droits de l’Homme» et «Commerce international»), et du groupe Patriotes pour l’Europe (la délégation RN y est la plus nombreuse). À tous ces élus d’être vigilants pour déjouer les manœuvres des adversaires du Maroc. Aux présidents français des groupes Renew et Patriotes pour l’Europe de porter en conférence des présidents une demande de non-reconduction de l’intergroupe Sahara occidental -dont la composition et les travaux démontrent, à chaque mandature, la violation systématique de l’article 3 de la réglementation sur la constitution des intergroupes, en ce que ces organes ne peuvent mener des activités susceptibles d’affecter les relations avec les pays tiers.

Finalement, aux eurodéputés français de défendre à Bruxelles une politique étrangère à la fois fidèle aux intérêts de leur pays et aux promesses de Paris: «soutenir les efforts des Nations unies, qui doivent constituer l’amorce d’un processus d’intégration régionale renouvelé, favorisant la coopération, la stabilité et la prospérité au Maghreb», selon les mots du chef de la diplomatie française, qui estime par ailleurs que ces efforts doivent «s’appuyer sur le développement économique et social du Sahara» et, assurant que la France utilisera «tous les leviers dont elle dispose pour appuyer le Maroc dans cette politique de développement», sait d’expérience la puissance des leviers européens.

Par Florence Kuntz
Le 07/09/2024 à 10h01