Analyste britannique: pourquoi le Royaume-Uni doit également classer le Polisario comme organisation terroriste

Capture d'image réalisée à partir d'un reportage vidéo de la télévision espagnole publique à Rabouni (Algérie), diffusé en Espagne en novembre 2020 au lendemain de l'annonce unilatérale par le Polisario de la rupture du cessez-le-feu, montrant les nouvelles recrues du Polisario devant le bâtiment du ministère de la Défense à Rabouni se pressant pour s'engager. (Source: TVE)

Tandis que les regards restent rivés sur les fronts brûlants du Moyen-Orient, une menace terroriste, plus insidieuse et sous-estimée, monte en puissance, alerte Robert Clark, chercheur à l’Institut Yorktown basé à Washington: le Polisario. Longtemps présenté comme un simple mouvement armé marginal, le front opère désormais en acteur clé d’une stratégie terroriste transnationale, instrumentalisée par l’Iran et soutenue par l’Algérie. Décryptage.

Le 02/07/2025 à 11h23

Alors que les tensions entre Israël et l’Iran redessinent les équilibres de sécurité au Moyen-Orient, une autre menace, moins médiatisée mais tout aussi préoccupante, se précise aux portes de l’Europe: le Front Polisario. Dans une analyse incisive publiée mardi 1er juillet dans le quotidien britannique The Telegraph, Robert Clark, chercheur à l’Institut Yorktown basé à Washington et ancien officier de l’armée britannique, tire la sonnette d’alarme sur l’alliance croissante entre ce mouvement séparatiste actif au Sahara et les réseaux terroristes orchestrés par Téhéran.

Pour lui, «le moment est venu pour l’Occident d’agir enfin. À Washington, la semaine dernière, des parlementaires des deux partis ont décidé d’inscrire le groupe sur la liste des organisations terroristes. Le Royaume-Uni doit maintenant faire de même. Ayant soutenu le Plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental, le Royaume-Uni doit appuyer à la fois son allié, le Maroc, notre partenaire américain, ainsi que ses propres intérêts en matière de sécurité nationale, en inscrivant le Front Polisario sur la liste des organisations terroristes».

Et pour cause, «le Front Polisario n’est plus simplement un mouvement indépendantiste marginal. C’est désormais une extension opérationnelle de l’axe Iran-Hezbollah au Maghreb, avec tous les risques que cela implique pour la stabilité régionale et les intérêts occidentaux», affirme Robert Clark.

Selon l’expert britannique, l’Iran, fragilisé militairement par les récentes frappes israéliennes, pourrait intensifier sa stratégie asymétrique en misant sur ses proxies, notamment en Afrique du Nord. Le Polisario, longtemps soutenu par Alger, bénéficie désormais d’un appui logistique et militaire plus inquiétant: celui du régime des ayatollahs.

«Téhéran a déjà fourni au Polisario des missiles, des roquettes et du matériel de guerre sophistiqué», révèle Clark. «Ces armes ont été utilisées récemment contre des civils marocains à proximité de camps de l’ONU.»

Le chercheur évoque également les connexions idéologiques entre le Polisario et le Hamas, en rappelant que le chef du mouvement sahraoui avait salué l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 contre Israël. Une posture qui l’inscrit, selon lui, dans la logique de «l’axe de la résistance», ce front informel piloté par l’Iran et rassemblant des groupes comme le Hezbollah, les Houthis et certaines milices chiites irakiennes.

«L’ambition affichée par cette nébuleuse est claire: créer une ceinture d’instabilité s’étendant de Gaza au Sahara en passant par le Golan. Dans ce schéma, le Polisario joue un rôle de pivot africain», lit-on.

Le danger ne serait pas seulement localisé. Clark met en garde contre de potentielles attaques contre des intérêts britanniques dans la région, voire au-delà. «L’Iran ne fait plus mystère de ses cibles. Le Royaume-Uni figure dans sa ligne de mire. Il est temps de ne plus fermer les yeux sur les relais qu’il active», alerte encore le chercheur. Face à la résurgence d’une menace terroriste sous parrainage iranien, l’heure est à la lucidité et à l’action. Le Front Polisario ne peut plus être considéré comme un simple mouvement marginal. Il s’inscrit dans une architecture globale de déstabilisation, dont les répercussions pourraient se faire sentir bien au-delà du Maghreb.

Robert Clark est loin d’être la seule voix au Royaume-Uni à appeler à classer le Polisario comme organisation terroriste. Le 19 avril dernier, Liam Fox, député britannique et membre de la Chambre des communes, tenait le même discours. Plusieurs fois ministre et candidat à la tête du Parti conservateur, principale formation d’opposition en Grande-Bretagne, il tiendra son congrès en septembre prochain.

Sur son compte officiel X, celui qui a notamment occupé le poste de ministre d’État à la Défense, a plaidé pour que les gouvernements occidentaux considèrent le groupe séparatiste comme une «organisation terroriste». «Au même titre que le Hamas et le Hezbollah, le Front Polisario est un proxy de l’Iran. Pour nos alliés marocains, les gouvernements occidentaux doivent agir rapidement pour considérer ce groupe comme une organisation terroriste», a écrit Liam Fox.

Sir Liam Fox est l’une des plus ferventes voix au Parlement britannique à défendre l’intégrité territoriale du Royaume. Pas plus loin que le 9 avril dernier, il indiquait que la réaffirmation par les États-Unis de leur reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara «est une décision éclairée qui sert le développement et la stabilité» dans la région. À l’époque, il avait également appelé le Royaume-Uni et les autres pays européens à emboîter le pas aux États-Unis, saluant, dans la foulée, le rôle clé que joue le Maroc dans les questions de développement, de sécurité et de paix en Afrique de l’Ouest.

Son message a été reçu 5 sur 5. Le 1er juin dernier, le Royaume-Uni apportait officiellement son soutien au plan marocain d’autonomie du Sahara sous souveraineté du Maroc. Le Royaume-Uni «considère la proposition d’autonomie, présentée [par le Maroc] en 2007, comme la base la plus crédible, viable et pragmatique pour un règlement durable du différend» régional autour du Sahara marocain. Il «continuera d’agir sur le plan bilatéral, notamment en matière économique, ainsi que sur les plans régional et international, conformément à cette position, afin de soutenir le règlement du différend», avait, à ce titre, affirmé, depuis Rabat, le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, au Commonwealth et au Développement, David Lammy.

Pendant ce temps, et de l’autre côté de l’Atlantique, une loi classant le Polisario comme organisation terroriste fait son chemin. Le député républicain Joe Wilson, fidèle soutien de Donald Trump, a en effet mis en application sa promesse en dégainant une proposition de loi bipartisane, co-signée par le démocrate Jimmy Panetta, visant à inscrire le Polisario sur la liste noire des organisations terroristes étrangères. L’annonce en a été faite par Joe Wilson lui-même sur X, jeudi 26 juin 2025.

«Le Polisario est une milice marxiste soutenue par l’Iran, le Hezbollah et la Russie. Elle fournit à l’Iran un avant-poste stratégique en Afrique et déstabilise le Royaume du Maroc, allié des États-Unis depuis 248 ans», tonne Wilson. Avant d’ajouter: «Je suis heureux d’avoir présenté une législation bipartite avec le représentant Jimmy Panetta pour désigner le Polisario comme organisation terroriste étrangère!»

Atterré, et mal conseillé par son sponsor algérien, le Polisario n’a pas trouvé meilleure réaction…que de mener une attaque terroriste contre des objectifs civils au sud du Maroc. Vendredi 27 juin, Es-Smara a été, une fois encore, la cible d’au moins cinq projectiles. Les obus sont tombés à proximité d’une école et d’une base de la Minurso, sans faire de victime et entraînant quelques dégâts matériels. Le front terroriste a revendiqué ce nouvel acte et s’est même réjoui d’avoir fait des victimes. Ce qui est faux. Il s’agit de la deuxième attaque contre Es-Smara après celle des 28 et 29 octobre 2024, qui avait fait un mort et plusieurs blessés, et de la troisième de ce type en quelques mois, après celle perpétrée à Mahbès le 10 novembre 2024, visant des civils sahraouis célébrant le 49ème anniversaire de la Marche verte.

Tout le long, la nature fondamentalement terroriste du Polisario n’a cessé d’éclater au grand jour. De nombreux think tanks, et non des moindres, aux États-Unis, se sont approprié le dossier, arrivant à la même conclusion. Le Polisario est une organisation terroriste et doit être considéré comme tel. On citera notamment une récente analyse d’une des éminences grises du prestigieux think tank Heritage Foundation, Robert Greenway, directeur du Centre Allison pour la sécurité nationale, et Amine Ghoulidi, chercheur invité à l’Institut Shelby Cullom Davis pour la sécurité nationale et la politique étrangère de la même fondation.

On y lit, sous le titre explicite «Pourquoi les États-Unis doivent affronter le front Polisario, un proxy terroriste», comment un cocktail explosif mijote alors que drones iraniens, réseaux russes, trafics sahéliens et menaces terroristes convergent sous la bannière du Polisario, soutenu par Alger. Le front séparatiste se mue en proxy hostile, aux portes de l’Europe. Le front a intensifié ses actions armées contre le Maroc, allant jusqu’à déclarer la région du Sahara “occidental” zone de guerre. «Aujourd’hui, les combattants du Polisario utilisent des drones de type iranien, partagent les couloirs désertiques avec les convois logistiques de proxys russes et imposent des taxes sur les routes de contrebande qui alimentent les jihadistes du Sahel. Tout cela se déroule à portée de missile du détroit de Gibraltar, l’un des points de passage maritime les plus stratégiques du monde», résume-t-on.

Tout aussi récent, un policy paper du think tank Hudson Institute ne disait rien d’autre, mettant en lumière un fait désormais établi, étayé par de récentes révélations du Washington Post. Le journal américain a fait état de centaines de prisonniers du Polisario envoyés par l’Iran pour combattre en Syrie. Dans son édition du samedi 12 avril, le quotidien publiait un long reportage sur les milices terroristes ayant combattu aux côtés du régime syrien déchu. Parmi ces mercenaires, on trouve plusieurs centaines de combattants du Polisario.

«Au fil des ans, l’Iran a soutenu un large éventail de groupes mandataires pour promouvoir ses intérêts. Il a formé des combattants du Front Polisario, un groupe rebelle basé en Algérie qui lutte pour l’indépendance du Sahara occidental vis-à-vis du Maroc. Des centaines de ces combattants sont actuellement détenus par les nouvelles forces de sécurité syriennes», écrit WaPo, citant ces forces et des diplomates occidentaux dans la région. Ces révélations viennent confirmer ce que le Maroc a toujours affirmé concernant les liens entre l’Iran, le Hezbollah et le Polisario par l’entremise d’Alger.

Par Tarik Qattab
Le 02/07/2025 à 11h23