La visite de deux jours que vient d’effectuer à Rabat, les mercredi et jeudi derniers, José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération, était particulièrement scrutée à Alger. En effet, la junte au pouvoir espérait que le récent rétablissement de ses relations diplomatiques avec Madrid allait obliger Albares, sinon à ne pas aborder le dossier du Sahara, ou du moins en parler sous l’angle du soutien aux efforts de l’ONU et de l’Envoyé personnel d’Antonio Guterres au Sahara. Ce qui aurait servi à la propagande algérienne pour se déchaîner sur le Maroc, en arguant qu’il a été lâché par le nouveau gouvernement de Pedro Sánchez sur le dossier du Sahara.
Or, José Manuel Albares a affirmé que Madrid respecte scrupuleusement la déclaration conjointe publiée le 7 avril 2022, lors la visite officielle à Rabat du président du gouvernement espagnol Pedro Sánchez, en vertu de laquelle il avait apporté un soutien sans équivoque à l’initiative marocaine d’autonomie au Sahara, et que cette position n’a pas changé d’un seul iota.
Cette confirmation a fait très mal à Alger, qui n’a rien trouvé d’autre que d’accuser le Maroc de tenter de freiner «la dynamique du réchauffement actuel des relations entre Madrid et Alger», tout en reprochant à l’Espagne ce qu’elle appelle une «contradiction».
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En effet, selon l’Algérie, c’est l’Espagne qui aurait été contrainte de faire le premier pas vers le rétablissement de ses relations avec l’Algérie, car la suspension par cette dernière du Traité de coopération et de bon voisinage, signé en 2002 entre les deux pays, aurait «mis à genoux toute l’économie espagnole». Pire, «100.000 entreprises ibériques» auraient été à un doigt de mettre la clé sous le paillasson après l’arrêt de leurs exportations vers l’Algérie, et ce seraient les chefs de ces entreprises qui auraient mis la pression sur Pedro Sánchez en vue de renouer rapidement avec l’Algérie, alors qu’en réalité, c’est cette dernière qui a grandement pâti des suites de cette rupture qui a duré une vingtaine de mois.
En vue de sortir de cette impasse dans laquelle il s’est enlisé tout seul, le régime algérien a manigancé une manœuvre dans le but de cacher son rétropédalage. En septembre dernier, il a tout simplement dénaturé les propos de Pedro Sánchez lors de la dernière assemblée générale de l’ONU, lui prêtant faussement la décision de renoncer au soutien du plan marocain d’autonomie au Sahara, tout simplement parce qu’il ne l’avait pas mentionné dans son discours.
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L’Algérie s’est alors dite satisfaite de ce discours, et s’est empressée d’amorcer une reprise des relations diplomatiques et commerciales avec l’Espagne, où un nouvel ambassadeur algérien, Abdelfetah Daghmoum (ex-numéro 2 de cette même ambassade) a été nommé en novembre dernier, alors qu’Air Algérie s’apprête à reprendre ses vols vers Madrid.
Pourtant, en avril 2022, et dans la foulée du rappel de l’ambassadeur d’Algérie à Madrid, Tebboune avait déclaré aux médias de son pays qu’il exigeait «l’application du droit international», c’est-à-dire… la recolonisation du Sahara par Madrid, afin que ses «relations reviennent à la normale» avec l’Algérie.
Une année plus tard, le 21 mars 2023, il a affirmé à Al Jazeera qu’il considérait la «position de l’Espagne vis-à-vis du Sahara occidental comme une position individuelle du gouvernement Sánchez», laissant entendre qu’il misait sur les élections anticipées en Espagne, de juillet dernier, pour voir Sánchez chuter au profit d’un nouveau gouvernement de droite qui reviendrait sur le soutien du Maroc dans le dossier du Sahara. Ce vœu n’a pas été exaucé et Sánchez a rempilé pour un nouveau mandat.
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Finalement, le régime algérien a appris à ses dépens l’inefficacité de son usage intempestif de ce qu’il croit être des moyens de pression, à savoir le rappel des ambassadeurs et autres semblants de rétorsions économiques. En quatre ans de pouvoir, le président d’Abdelmadjid Tebboune a actionné à quatre reprises le rappel de ses ambassadeurs accrédités dans trois pays différents.
Quatre rappels d’ambassadeur, zéro résultat
Si deux rappels d’ambassadeurs ont concerné Paris, suite à des déclarations du président Emmanuel Macron critiquant le pouvoir politico-militaire qui dirige l’Algérie, sa «rente mémorielle» et l’inexistence d’une nation algérienne avant la colonisation française, puis l’exfiltration hors d’Algérie de la journaliste franco-algérienne Amira Bouraoui, aujourd’hui exilée en France, deux autres rappels d’ambassadeurs sont liés à des reconnaissances de la marocanité du Sahara. Une ingérence surprenante de la part d’un pays qui se dit simple «observateur» et nie son statut de partie prenante principale au différend créé autour du Sahara.
Ainsi, l’ambassadeur algérien à Abidjan a été rappelé au lendemain de l’ouverture du consulat de Côte d’Ivoire à Laâyoune, inauguré le 18 février 2020 par Ally Coulibaly, ministre de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur. En mars 2022, l’ambassadeur algérien à Madrid est rappelé après la reconnaissance par l’Espagne du plan marocain d’autonomie comme unique solution au règlement du conflit créé autour du Sahara marocain.
Dans ces quatre cas précités, les ambassadeurs algériens ont été rétablis à leurs postes dans l’humiliation la plus totale, le régime algérien n’ayant jamais obtenu la moindre concession.