Afrique du Sud, des élections à risque pour l’ANC (2/2). La crise économique

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueL’Afrique du Sud voit tous ses secteurs économiques traverser une crise profonde. Le taux de chômage officiel atteignait 32,9% en 2023, et 62,1% chez les jeunes. Le taux de pauvreté était quant à lui de 20,5%.

Le 16/04/2024 à 11h01

Dans ma précédente chronique, j’ai évoqué les problèmes politiques qui affaiblissent la position du président Cyril Ramaphosa à la veille d’élections cruciales pour l’avenir du pays. À ces derniers s’ajoutent les multiples chocs subis par l’Afrique du Sud en 2022 et en 2023, comme l’intensification des délestages électriques. À ce propos, la SARB (South African Reserve Bank, la Banque centrale sud-africaine) estime à 2 points de PIB l’impact sur la croissance de ces délestages électriques qui ont enregistré des niveaux inédits en 2023, après une année 2022 déjà record.

Quant aux importants mouvements sociaux, ils ont eu un impact important sur la croissance, qui devrait osciller autour de 0,2% pour 2023. Or, afin de simplement fixer la pauvreté, un taux de 5% serait nécessaire.

L’Afrique du Sud, qui est la seconde économie en Afrique sud-saharienne derrière le Nigéria, voit tous ses secteurs traverser une crise profonde:

L’industrie minière (or, platine, diamant, ferrochrome, charbon, etc.), représentait il y a encore quelques années 10% du PIB sud-africain, contre 5% aujourd’hui. Elle emploie 8% de la population active et forme le premier employeur du pays avec 500.000 emplois directs, après avoir perdu près de 300.000 emplois au cours des dix dernières années. Les pertes de production et de revenus, qui se conjuguent avec des coûts d’exploitation en hausse constante et de dramatiques coupures d’électricité, ont eu pour conséquence la fermeture des puits secondaires et la mise à pied de milliers de mineurs. Or, dans les zones d’extraction, toute l’économie dépend des mines.

Dans la décennie 2000, afin de relancer la production, il était urgent d’investir des sommes colossales. Or, cela n’a pas été fait. De plus, le climat social a découragé les investisseurs qui ont choisi de faire «glisser» leurs activités vers les pays émergents dans lesquels, à la différence de l’Afrique du Sud, le monde syndical est inexistant.

L’agriculture commerciale (3% du PIB en moyenne entre 2020 et 2023) a elle aussi perdu plusieurs centaines de milliers d’emplois, car les interventions et les contraintes de l’État-ANC au sujet de la main-d’œuvre ont eu pour résultat d’inciter les fermiers blancs à mécaniser, ce qui a encore amplifié le mouvement de migration des zones rurales vers les villes, essentiellement vers les régions de Johannesburg et du Cap. Puis, le mardi 27 février 2018, le Parlement sud-africain a voté le commencement d’un processus de nationalisation-expropriation sans compensation des 35.000 fermiers blancs. Un vote qui aura pour conséquence de ruiner les magasins d’outillage, les garages, les coopératives, les sociétés de vente ou de location de matériel agricole et, plus généralement, tout ce qui, de près ou de loin, dépend directement ou indirectement de l’agriculture. C’est toute une filière adossée à une chaîne de PME qui sera ainsi précipitée dans la faillite, avec des centaines de milliers de chômeurs noirs supplémentaires. Or, le taux de chômage officiel atteignait 32,9% en 2023 (62,1% chez les jeunes). Le taux de pauvreté était quant à lui de 20,5%.

Pour 2024, les prévisions de croissance sont peu encourageantes: le FMI et la SARB tablent respectivement sur une progression du PIB de 0,1% et 0,3%, en raison de difficultés structurelles, somme des problèmes d’approvisionnement en électricité, et plus généralement de coût et de qualité des services clés (transport, logistique, télécommunications). Le tout avec un service de la dette qui constitue le troisième poste de dépenses.

Par Bernard Lugan
Le 16/04/2024 à 11h01