À soixante-six ans, ce vieux Normand fatigué, ex-électricien, n’a jamais brillé dans les arènes de la politique française. Dépourvu d’éclat, il a déniché dans la question saharienne la seule rallonge lui permettant de s’éclairer. Sa carrière entière n’a été qu’un patient recyclage d’éléments de langage algériens, une litanie empruntée pour masquer son ombre. Dès 2007, sitôt élu député, son incursion initiale fut d’introduire le dossier du Polisario auprès du gouvernement. Quelques mois plus tard, il orchestrait à l’Assemblée nationale un débat solennel, conviant en hôte d’honneur Omar Mansour, le représentant officiel du Polisario en France. Dès lors, il transforma le Palais Bourbon en bastion pour imposer le séparatisme sahraoui au cœur de la vie politique hexagonale, exploitant ses couloirs comme un théâtre.
Deux ans plus tard, il ourdit une action clandestine à Laâyoune. À peine débarqué à Casablanca, ce mandataire fut arrêté et renvoyé à Paris sans ménagement. Une pantalonnade grotesque qui le relégua au rang de figurant d’opérette.
Il est l’architecte du «Réseau international des parlementaires pour l’autodétermination du Sahara occidental», un collectif biberonné aux fonds algériens, voué à synchroniser les manœuvres pro-Polisario sur la scène internationale. Venant d’un élu du peuple français, cette allégeance interroge: où palpite véritablement son cœur? En 2022, lors de sa première– et unique– tribune à l’ONU, il tonna au «monde qui [l]’écoute» que le Royaume du Maroc était une «puissance occupante et colonisatrice», que son plan d’autonomie n’était qu’une «manœuvre dilatoire pour piller les ressources» et soumettre les «Sahraouis sous le joug». Un lexique aux relents soviétiques, une pellicule de goulag projetée dans l’enceinte new-yorkaise. La riposte fut foudroyante: un député britannique, favorable au Maroc, rappela que plus de 90 pays (aujourd’hui 116, et 29 consulats ont déjà fleuri à Dakhla et Laâyoune) soutenaient ce plan. Le petit discours de Lecoq, saturé d’anathèmes, s’éteignait aussitôt qu’il fut prononcé.
En 2024 encore, ce député communiste pilota une séance parlementaire sur l’exploitation des ressources naturelles du Sahara, fustigeant les entreprises françaises qui investissaient dans le Sud marocain. Dans la foulée, il invita des représentants du séparatisme à l’Assemblée, s’en félicitant publiquement. Ce joyeux comité accusa la France d’avoir «offert le Sahara occidental au Maroc sans consulter personne». Et lorsque Paris annonça l’ouverture d’un bureau à Dakhla, Lecoq dépêcha un courrier de protestation à l’Élysée: un élu français mué en télégraphiste d’Alger, écho fidèle d’une voix étrangère.
Un maire au-dessus de tout soupçon: un jumelage factice et des appels aux dons à gogo
Le parcours politique ténébreux de Sieur Lecoq a toujours été électrifié par le Polisario. L’événement qui illumina son chemin vers la députation surgit en 1993, alors qu’il n’était qu’un simple conseiller à la mairie de Gonfreville-l’Orcher, commune normande nichée dans le Havre de quelques milliers d’habitants. Il milita ardemment pour jumeler cette bourgade ouvrière avec un trou perdu nommé J’Réfia, un fantôme géographique introuvable sur les cartes les plus précises. Deux ans plus tard, en 1995, il s’empara du fauteuil de maire, irriguant sa campagne de fonds douteux, comme si une manne invisible avait abreuvé ses ambitions.
J’Réfia, en vérité, n’est qu’un quartier évanescent ou une zone floue lovée dans les camps sahraouis, en pleine Algérie. Sur le site internet de Gonfreville-l’Orcher, cette ville qui n’existe pas est dépeinte, avec oxymore, comme une «cité des camps de réfugiés», autrement dit une ville dans les camps, ce qui est absurde, et Lecoq la localise «au sud de Tindouf», à savoir en territoire algérien. Lecoq, ici, se révèle soit l’idiot utile d’une cause manipulée, soit l’escroc habile d’un mirage lucratif. Ses multiples voyages dans ces camps arides n’ont jamais enfanté de photos concrètes de J’Réfia; au contraire, les images qui émergent attestent d’une mise en scène: quelques maisons en brique ocre émergeant du désert, un foisonnement de tentes éphémères, et aucune empreinte distinctive, comme si l’endroit n’était qu’un décor de plus des camps dans les camps de la famine.
Lire aussi : Karim Zéribi, de Marseille à Tindouf: itinéraire d’un cleptomane
Pourtant, le site de la mairie regorge d’appels aux dons pour ce leurre, avec une rubrique dédiée qui pulse comme un bip artificiel. Trois ou quatre fois par an, on y lève des fonds pour des inondations spectrales, une école imaginaire ou un puits fantasmagorique, sans aucun suivi, sans l’esquisse d’une reddition de comptes. Il suffit du moindre prétexte– une image d’inondation dans l’un des camps, une urgence feinte– pour que Lecoq, en bon webmaster zélé, affiche des appels de solidarité pour l’étonnante J’Réfia, troquant le virtuel en quête insatiable. On vit même la commune du Havre tisser des alliances improbables avec les militaires algériens, orchestrant l’acheminement de dons alimentaires depuis l’inénarrable Gonfreville-l’Orcher, comme si les routes du ciel menaient directement aux sables du Sahara.
Au fil des ans, cette dernière se mua en un blockhaus algérien, un avant-poste de propagande où les tracts prosahraouis pullulaient plus abondamment que les dépliants d’un supermarché du coin. Lecoq, en proxy appliqué et fidèle, relayait ponctuellement dans sa ville ouvrière les actualités du Polisario, distillant un venin narratif dans la vie locale. Il se faisait un honneur d’accueillir à la mairie les assemblées et réunions des associations de soutien au Polisario, convertissant les salles municipales en sanctuaires de la cause séparatiste. Et chaque année, avec les moyens des contribuables, il ouvrait les portes à une dizaine d’enfants issus de la nomenklatura du Polisario. Derrière la façade humanitaire, polie et lisse comme un masque vénitien, ces séjours servaient à infuser dans les familles françaises d’accueil une story anti-marocaine calibrée avec précision, une potion idéologique distillée goutte à goutte. Les «colonies de vacances» se métamorphosaient ainsi en caisses de résonance pour la propagande algérienne, où l’innocence enfantine devenait vectrice d’une guerre des mots.
Lire aussi : Salim Djellab, faux élu français et vrai propagandiste du Polisario: itinéraire d’un agent d’influence ordinaire
En mai 2021, son successeur Alban Bruneau déroula le tapis rouge pour Mohamed Sidati, représentant du Polisario en France, et souligna avec emphase que «les différentes municipalités gonfrevillaises n’ont jamais cessé de soutenir cette cause», perpétuant ainsi, dans une lignée ininterrompue, l’action de Jean-Paul Lecoq, comme un héritage gravé dans des armoiries à double visage.
Pour qui roule Lecoq?
Le tableau n’est pas complet sans l’écheveau de ses connexions domestiques, ces fils sibyllins qui tissent sa loyauté au-delà des frontières. Depuis toujours, Lecoq collabore étroitement avec l’Association des amis de la RASD (AARASD), ce petit lobby sahraoui qui bourdonne dans les coulisses françaises comme une ruche discrète. On le voit hanter les colloques feutrés, arpenter les manifestations fiévreuses, et même caresser le rêve d’une marche en 2025 reliant Paris à Rabat– un périple chimérique, symbole de pancarte plutôt que d’action. La question taraude, lancinante: pour qui roule au fait cet homme, dont les rouages semblent graissés par des mains étrangères?
Les indices convergent, inexorables: toute sa carrière, adossée au Polisario comme un lierre à un mur craquelé, ne saurait être désintéressée. On pourrait, naïvement, y voir l’obsession intellectuelle d’un militant sincère, un feu pur allumé par la conviction. Mais le profil vénal affleure: voyages financés par des donateurs généreux, activités lobbyistes sponsorisées par Alger, un agenda exclusif pro-Polisario qui imbibe jusqu’à ses mandats de députation, reléguant chaque intervention en écho servile. Lecoq a su exploiter cette rente politique avec une habileté feinte, passant d’un fugace député provincial, englué dans l’anonymat, à l’agent publicitaire zélé d’un régime étranger. Autant de slogans qu’il martèle sans conviction, comme un disque rayé dans une machine usée, répétant des refrains vides pour cacher le vide de son engagement.
Ses camarades de gauche le scrutent avec circonspection, un voile de suspicion flottant sur leurs regards: PS, LFI, PCF, EELV savent qu’il traîne derrière lui le soufre âcre du propagandiste monomaniaque, un relent qui imprègne les couloirs de l’Assemblée. Il n’a rien à dire sur la France, rien à penser du monde au-delà de ses illusions sahariennes: son horizon se borne à Tindouf, ce désert de tentes où se déploie son allégeance; son vocabulaire, emprunté à Alger, sonne comme un dialecte importé, étranger à l’Hexagone. Il ne sort des bois que pour prêter serment à son maître invisible, ou pour lancer des attaques assumées contre le Maroc, des flèches empoisonnées qui trahissent une fidélité mercenaire.
Lire aussi : Figure d’une idéologie fossilisée, Gérard Filoche incarne le naufrage du Polisario et de la gauche radicale française
On murmure aussi, dans les alcôves, sur l’emploi de sa femme, qu’il a embauchée comme soi-disant assistante parlementaire– un poste financé par les deniers publics, une laconique rapine familiale qui s’est étirée sur de nombreuses années, jusqu’à ce que la pratique soit interdite en France après l’affaire Fillon. Dans ce clair-obscur de motivations troubles, Lecoq apparaît non comme un idéaliste, mais comme un opportuniste, voguant sur les vents du Sahara pour gonfler ses voiles personnelles.
Le déserteur du patriotisme
Derrière lui, aucun projet national ne se profile, aucune pensée politique authentiquement française ne germe dans les replis de son esprit. Juste une frénésie sahraouie, tenace et dévorante, un exil volontaire dans les sables mouvants de Tindouf, où les mirages algériens ont remplacé les horizons hexagonaux. Jean-Paul Lecoq incarne le déserteur du patriotisme français, un renégat qui a tourné le dos aux devoirs sacrés de l’élu, préférant les dunes étrangères aux terres natales.
Aucun autre parlementaire n’a consacré vingt-cinq ans de son destin politique– et de sa vie tout court– avec une ferveur si ardente, si exclusive, à l’onction des thèses importées d’Algérie. Vingt-cinq années à polir des discours empruntés, à amplifier des échos venus d’ailleurs, comme si son mandat n’était qu’un prête-nom pour une cause exogène. Une cervelle creuse, autrefois main-d’œuvre anonyme dans les circuits électriques, recyclée en mégaphone algérien strident, diffusant un vacarme idéologique qui noie toute réflexion personnelle. Loin de la figure auguste du député patriote, défenseur des intérêts nationaux et gardien des valeurs républicaines, il s’est changé en serviteur zélé d’intérêts lointains, un écho rampant dans les couloirs du pouvoir français.
Il restera dans les annales non comme un bâtisseur, mais comme un palefrenier d’Alger, astiquant les chevaux vieillissants d’une cause étrangère, les laissant piétiner les fondations mêmes de la souveraineté. Dans ce crépuscule de carrière, Lecoq n’est plus qu’une image errante, un vestige d’une trahison feutrée, rappelant que la fidélité à sa patrie n’est pas une option, mais le socle inaltérable de tout engagement public.












