France: la Nouvelle-Calédonie toujours en proie aux blocages avant un Conseil de défense à Paris

Des barrages routiers érigés par les émeutiers pour couper l'accès à la capitale sont visibles à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, territoire français dans le Pacifique, le 20 mai 2024. AFP or licensors

Les blocages de routes persistent en Nouvelle-Calédonie, malgré les moyens engagés par l’État français pour rétablir la circulation dans son territoire du Pacifique Sud, avant un nouveau Conseil de défense convoqué ce lundi à Paris par le président Emmanuel Macron.

Le 20/05/2024 à 07h56

Après une semaine d’émeutes et un bilan de six morts, aucune issue proche à la crise sécuritaire et politique ne semble se dessiner en Nouvelle-Calédonie ce lundi 20 mai. Malgré une vaste opération des forces de l’ordre lancée dimanche, les voies de communication restent bloquées là où les émeutiers ont installé leurs barrages, notamment dans l’agglomération de Nouméa et sur la route d’une cinquantaine de kilomètres qui mène à l’aéroport international.

À la sortie de Nouméa, la chaussée du début de la voie express est impraticable, le bitume ayant fondu après l’incendie de nombreux véhicules, a constaté une journaliste de l’AFP. Ailleurs, la route reste encombrée à de nombreux endroits de carcasses de voitures brûlées, ferraille et bois entassés.

Le représentant de l’État français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, s’est pourtant félicité lundi du «succès» du début d’une vaste opération de la gendarmerie contre les barrages sur cette route, lancée à l’aube dimanche, faisant état de «76 barrages neutralisés».

D’autres actions des unités d’élite de la police et de la gendarmerie ont été annoncées dans des zones considérées par les autorités comme des «points durs», dans les villes de Nouméa, Dumbéa et Païta notamment.

Dans la nuit de dimanche à lundi, des bruits de grenades de désencerclement, utilisées par les forces de l’ordre pour disperser les émeutiers, ainsi que des cris évoquant des affrontements ont été entendus dans le quartier d’Auteuil à Dumbéa, dans l’agglomération de Nouméa, selon un correspondant de l’AFP. Et dans la «capitale» calédonienne, des détonations importantes ont résonné dans les quartiers de Magenta et Tuband, selon une autre journaliste de l’AFP.

Lundi matin, la zone industrielle où se trouve la Société du nickel, dans le quartier de Montagne coupée à Nouméa, a vu l’incendie d’un entrepôt dont se dégageait une épaisse fumée noire.

«On a remis le barrage»

Les gendarmes «sont passés, ils ont déblayé, et nous, on est restés sur le côté», a confié dimanche à l’AFP Jean-Charles, la cinquantaine, tête enturbannée d’un foulard et drapeau kanak à la main à La Tamoa, à quelques kilomètres de l’aéroport. «Une fois qu’ils sont passés, on a remis le barrage».

Les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi, un Caldoche (Calédonien d’origine européenne), dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois Kanak (autochtones), dans l’agglomération de Nouméa.

Les forces de l’ordre estiment le nombre d’émeutiers entre 3.000 et 5.000. «Nous restons dans une démarche pacifique», a indiqué dans un communiqué lundi la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par les autorités d’attiser les violences.

La CCAT se défend en indiquant qu’elle a seulement appelé à des barrages «filtrants», qui laissent le passage à certains véhicules, y compris les pompiers ou ambulances à toute heure, et en arrêtent d’autres.

Risque d’«escalade»

La maire de Nouméa, Sonia Lagarde, a appelé lundi à la retenue. «Moi j’ai peur qu’on ne franchisse une escalade supplémentaire, parce que s’il commence à y avoir des tirs ça veut dire que les gens bien sûr, on le sait, sont armés», a-t-elle déclaré sur la chaîne BFMTV.

Pour le Haut-commissaire de la République, les dégâts contre les infrastructures (écoles, pharmacies, commerces...) pénalisent lourdement la population. «On commence à manquer de nourriture», a-t-il prévenu dimanche.

Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00, l’interdiction des rassemblements, du transport d’armes et de la vente d’alcool… et le bannissement de l’application TikTok.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux scrutins provinciaux de Nouvelle-Calédonie, au risque de marginaliser «encore plus le peuple autochtone kanak», selon les indépendantistes. Elle a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès avant la fin juin, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d’ici là. Signe d’une situation qui pourrait durer, le passage de la flamme olympique des JO de Paris, prévu le 11 juin sur l’île, a été annulé.

Le territoire du Pacifique Sud est stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie-Pacifique et de par ses riches ressources en nickel, minerai indispensable à la fabrication des véhicules électriques notamment.

Par Le360 (avec AFP)
Le 20/05/2024 à 07h56