Des agents du régime algérien envoyés à Tunis pour renforcer une manifestation de soutien à Kaïs Saied

Les présidents algérien Abdelmadjid Tebboune et tunisien Kaïs Saied.

À l’occasion du 15ème anniversaire du déclenchement de la révolution tunisienne, ce mercredi 17 décembre, des milliers d’Algériens ont convergé vers Tunis pour renforcer les rangs d’une manifestation de soutien au président Kaïs Saïed. Une ingérence vivement contestée par l’opposition tunisienne, qui y voit la preuve d’une vassalisation de la Tunisie au régime d’Alger.

Le 18/12/2025 à 15h38

Le week-end dernier, l’opposition tunisienne a organisé des manifestations massives à travers tout le pays, et particulièrement à Tunis, en vue de dénoncer l’«escalade autoritaire» du président Kaïs Saïed, qui a jeté tous ses opposants politiques en prison, tout en exerçant un pouvoir sans partage.

Pour desserrer la pression de la rue et éviter une nouvelle bronca, le président tunisien a pris de vitesse, mercredi 17 décembre, ses nombreux opposants qui préparaient de nouvelles manifestations. En ce jour de commémoration du 15ème anniversaire de l’immolation par le feu du jeune marchand ambulant Mohamed Bouazizi, dont le décès, le 4 janvier 2011, va marquer un tournant dans la révolution tunisienne, Kaïs Saïed a initié, dès les premières heures du 17 décembre, un rassemblement de ses partisans au cœur de la capitale tunisienne.

Ne laissant rien au hasard face à la raréfaction de ses partisans, le président tunisien a sollicité l’aide directe du régime algérien. Une noria d’au moins cinquante autocars a ainsi débarqué des milliers d’agents algériens, présentés comme des civils, sur l’avenue Bourguiba. Cette mobilisation ne visait pas à commémorer la révolution, mais à soutenir un Kaïs Saïed au pouvoir chancelant.

De nombreuses vidéos circulant sur les réseaux sociaux attestent de cette présence massive. Dans ces séquences, plusieurs ressortissants algériens affirment ouvertement avoir fait le déplacement pour prendre part à cette manifestation de soutien à Kaïs Saïed.

Pire, ils auraient brandi, au cours de cette manifestation, des banderoles fustigeant les opposants tunisiens, qualifiés de «traitres à la nation».

Bien évidemment, l’opposition tunisienne a immédiatement dénoncé cette ingérence flagrante de la junte algérienne dans les affaires intérieures de la Tunisie.

Mais, comme à leur habitude, les médias algériens ont rejeté ces critiques, criant à un complot contre l’Algérie, dont «les citoyens seraient actuellement nombreux à passer des vacances en Tunisie, avec leur dotation touristique annuelle de 750 euros».

Grâce à ce renfort de prétendus «touristes», mais vrais manifestants algériens, Kaïs Saied a momentanément réussi un coup médiatique et s’est offert une bouffée d’oxygène en empêchant les manifestants de l’opposition de se rassembler sur l’avenue Bourguiba, cœur battant des manifestations populaires de 2011 qui ont chassé Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir.

Il a ainsi recouru à une «expertise» algérienne bien éprouvée depuis le parachutage d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir. Lors de ses rares visites dans certaines wilayas, Tebboune a utilisé le même stratagème. Celui de mobiliser des milliers de militaires habillés en civil, ainsi que leurs familles, pour faire croire à un accueil populaire massif, avec un semblant de bain de foule.

Le plus risible, c’est que des Algériens sont envoyés manifester en Tunisie alors que les rassemblements sont strictement interdits en Algérie, considérés comme des actes terroristes et des atteintes à l’unité nationale.

Comble de l’ironie, Alger préfère mobiliser ses troupes pour le calendrier tunisien au détriment du sien. Alors que l’Algérie célébrait la semaine dernière le 65ème anniversaire des manifestations de 1960, aucune célébration populaire n’a été organisée sur le sol national. Ce vide en dit long sur la déconnexion de dirigeants qui évitent soigneusement la confrontation avec une population les tenant en horreur.

Entre Tunis et Alger, la similitude est frappante: deux pouvoirs honnis par leurs populations. Le désaveu est total, comme l’illustrent les taux de participation dérisoires aux dernières présidentielles: 8% en Tunisie et 10% en Algérie. Kaïs Saïed, dont le pays est aux prises avec une grave crise socio-politico-économique, est maintenu au pouvoir par Tebboune qui le tient en laisse avec une poignée de dollars et quelques mètres cubes de gaz naturel.

La Tunisie n’est donc plus seulement l’unique pays de la région avec lequel le régime algérien entretient encore des relations, elle s’est muée en vassal à tout faire d’Alger.

Par Mohammed Ould Boah
Le 18/12/2025 à 15h38