Le régime algérien avait pourtant tout essayé. A l’argent, s’est ajouté un forcing où tous les coups étaient permis... Jusqu’à une tentative de corruption. Mais rien n’y fit: c’est le Rwanda qui a été choisi pour abriter le siège de l’Agence africaine du médicament (AMA). Le scrutin a eu lieu le vendredi 15 juillet dernier à Lusaka, en Zambie, à l’issue du vote des membres du Conseil exécutif de l’Union africaine (UA) qui ont préféré Kigali à Alger.
La junte au pouvoir en Algérie n’a pourtant pas lésiné sur les moyens, mobilisant toute sa diplomatie, dépêchant même à Lusaka son ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et celui de l’Industrie pharmaceutique, Lotfi Benbahmed. «Ils sont arrivés en force et étaient sûrs de pouvoir gagner, mettant quelque 200 millions de dollars sur la table en guise d’engagement pour la construction et l’équipement du bâtiment qui devait abriter cette institution panafricaine», explique une source informée.
Non satisfaite du consensus africain autour de la candidature du Rwanda, le pays le mieux noté par l'équipe des experts indépendants de l'UA lors de l'évaluation des candidats, suivi de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc, Alger a refusé la médiation proposée par le ministre togolais des Affaires étrangères pour être départagée avec Kigali. La délégation algérienne a même insisté pour aller au vote, au grand étonnement de nombreux observateurs qui ne se sont pas expliqués une telle confiance dans l’issue du suffrage exprimé par les membres de l’Union africaine.
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Cette certitude dans un vote qui lui serait favorable est emblématique du déni dans lequel vit le régime algérien, qui pense être une puissance continentale, alors que la réalité est amèrement différente. Le résultat du vote a en effet été une déroute totale pour l'Algérie, qui n’a obtenu que huit voix (dont la sienne et celle du Polisario), en plus de celle de la Tunisie –un pays de plus en plus vassalisé à la junte. Des pays de l’Afrique australe comme l’Afrique du Sud, la Namibie et le Botswana ont également voté en faveur de l’Algérie.
Tous les autres pays, soit 82% des voix, ont voté pour le Rwanda. Entre-temps, Alger a même tenté de soudoyer Kigali en proposant au ministre rwandais des Affaires étrangères de prendre la direction générale de l’AMA, en échange d'un désistement. Mais peine perdue. Tout comme l'a été la promesse de subvention financière d’environ 200 millions de dollars, ainsi que l’engagement de prise en charge de l’ensemble des frais pour l’opérationnalisation du siège durant les deux premières années.
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Mais où a bien donc pu passer la fameuse «force de frappe» du régime algérien? Qu'en est-il du retour en force de sa diplomatie, pourtant claironnée à tout bout de champ? A l’évidence, celle-ci aura surtout brillé par sa faiblesse et son peu d’impact en Afrique. «Certains se pensent toujours comme une grande puissance et ils y croient fermement. Or, c’est un déni de la réalité. En diplomatie, c’est la plus grave des maladies», conclut ce même interlocuteur, qui a voulu rester anonyme. On ne saurait mieux dire.
Rappelons que l’AMA, relevant de l’UA, calquée sur le modèle de l’Agence européenne du médicament (EMA), est une agence de réglementation des produits pharmaceutiques, à vocation scientifique et industrielle, à même de stimuler l’intégration africaine pour la production de médicaments répondant aux besoins du continent africain.
La bataille pour le siège de l’AMA a donc finalement eu le mérite de montrer le poids réel de l’Algérie dans l’UA: 8 voix sur 55, dont la sienne et celle de l’entité fantomatique qu’elle biberonne.