Cinq années de prison pour Boualem Sansal pour avoir osé dire que l’ouest algérien est historiquement un territoire marocain

L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal.

Alors que la cour d’appel d’Alger a confirmé ce mardi le verdict de première instance en condamnant l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à cinq ans de prison ferme, l’historien Bernard Lugan rappelle à quel point les déclarations de l’écrivain, qui ont conduit le régime d’Alger à l’incarcérer, sont à la fois véridiques et historiquement documentées.

Le 01/07/2025 à 13h10

Le verdict est tombé. Après une parodie de procès, Boualem Sansal a été condamné à cinq années de prison pour avoir déclaré le 2 octobre 2024 à un hebdomadaire français: «Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc». Une évidence historique considérée à Alger comme une haute trahison passible de la prison à vie…

Boualem Sansal ne faisait pourtant que dire une vérité historique, à savoir que le Touat, le Tidikelt, le Gourara, Tindouf, Béchar et Tabelbala, étaient terres marocaines immémorialement dirigées par des caïds nommés par les sultans du Maroc.

Et que dire de Tlemcen qui, de 790 à 1554, soit durant près de huit siècles, avec un intermède à la fin du XIVème siècle et au début du XVème, fut une dépendance marocaine? Avant la conquête turque de 1553 (ou 1555), Tlemcen a ainsi connu quatre périodes de domination par le Maroc: sous les Idrissides entre 790 et 931; sous les Almoravides entre 1078 et 1143); sous les Almohades, entre 1143 et 1236, et enfin sous les Mérinides entre 1337 et 1358.

Et que dire également de l’ouest algérien sous Abd el-Kader? Né à Mascara en 1808, il pourrait en effet être considéré comme Marocain. Il appartenait à la tribu arabe des Hachem se rattachant à la lignée chérifienne des Idrissides qui furent les fondateurs du premier Etat marocain au IXème siècle. De plus, dans les années 1820, son père, Mahi ed Dine, était le khalifa (représentant) du sultan du Maroc à Tlemcen, ville qui, comme il vient d’être dit, fut du IXème siècle à la conquête turque du XVIème, quasiment la moitié du temps, rattachée au Maroc. Mahi ed Dine reconnaissait d’ailleurs l’autorité religieuse, donc politique, du sultan marocain. Et comme le remarqua en 1831 le futur général Louis de Lamoricière (1806-1865) en parlant des attaches spirituelles, donc politiques, des habitants de la région: «À Oran, ils font (la prière) pour le roi du Maroc». Enfin, Abd el-Kader avait épousé une des filles du sultan Moulay Abderrahmane (1822-1859).

En 1818, opposant au pouvoir turc, Mahi ed Dine avait une première fois été condamné à la prison. En 1824, en raison de leurs liens avec le Maroc, Mahi ed Dine et son fils Abd el-Kader furent arrêtés par le dey turc d’Oran pour sédition contre la Turquie.

Après le débarquement français du mois de juillet 1830, le pouvoir turc s’effondra dans la Régence d’Alger et au mois de septembre, la population de Tlemcen fit appel au sultan marocain Moulay Abderrahmane pour qu’il la protège. Écoutant cet appel, le souverain nomma deux hauts responsables à Tlemcen, à savoir son cousin Moulay Ali Ben Moulay Slimane en qualité de khalifa, et Si Bennouna comme pacha. Moulay Ali Ben Moulay Slimane occupa militairement une partie de l’ancien beylicat turc d’Oran, dont Tlemcen. Puis, Abd el-Kader fut, comme l’avait été son père avant lui, considéré comme le khalifa du sultan pour toute la région et le Maroc le soutint par l’envoi d’armes et de vivres.

Boualem Sansal a donc raison car, avant la période coloniale, le Maroc était le cœur politique, religieux, économique et commercial de tout l’ouest algérien et saharien.

Or, ce fut à la suite des partages coloniaux que furent tracées des frontières qui ne tinrent pas compte de ces réalités socio-historiques et ce furent ces limites artificielles qui donnèrent naissance aux frontières d’une Algérie née en 1962. Une Algérie algérienne héritière territorialement de l’Algérie française, et du dépeçage du Maroc, ce que ses dirigeants refusent d’admettre.

En rappelant ces vérités historiques, Boualem Sansal a porté un coup terrible au «Système» algérien. Il a en effet brisé le tabou sur lequel repose la fausse histoire fabriquée depuis 1962 et sur laquelle sont cramponnés les gérontes qui dirigent l’Algérie.

Par Bernard Lugan
Le 01/07/2025 à 13h10