Après son interview problématique à la télévision algérienne, le député Sébastien Delogu désavoué par son parti LFI

Sébastien Delogu, député français LFI des Bouches-du-Rhône.

Sébastien Delogu, député français LFI des Bouches-du-Rhône.

Ce n’est pas la première fois que des députés de la France Insoumise tiennent des propos problématiques dans les médias, mais en revanche, c’est bien la première fois que le parti de Jean-Luc Mélenchon désavoue l’un de ses élus. En cause, une interview accordée à Canal Algérie relayant avec beaucoup de complaisance la propagande algérienne, sans un mot sur les deux Français incarcérés en Algérie, l’essayiste et écrivain franco-algérien Boualem Sansal et le journaliste sportif Christophe Gleizes.

Le 02/07/2025 à 17h33

Le 30 juin, Sébastien Delogu, député LFI des Bouches-du-Rhône qui brigue la mairie de Marseille, se disait ému de l’accueil que lui avait réservé Canal Algérie. Un accueil qui tranchait avec celui des médias français «bolloréens». L’Algérie, il s’y trouvait avec sa mère d’origine algérienne, afin, expliquait-il de partir en quête de ses origines et se recueillir sur la tombe de ses ancêtres. «Quand vous arrivez ici, vous apprenez à avoir un peuple qui vous accueille d’une manière dont, honnêtement je n’ai jamais été accueilli (...) Tout le monde est gentil, tout le monde sourit, tout le monde prend soin de moi», déclarait-il ainsi, souhaitant par ailleurs prôner un dialogue «d’égal à égal» avec le régime de Abdelmadjid Tebboune, et défendant une «autre voie» que celle du gouvernement français, fondée sur le «respect», «la souveraineté» et le «respect du droit international».

Au cours de cet échange «intimiste», le député français LFI a fait preuve d’une complaisance étonnante avec ce média étatique qui a fait de la haine du Maroc sa ligne éditoriale, abondant sans broncher dans le sens des questions et «réflexions» de son intervieweuse. De la droite française dont les membres ont été taxés de descendants de l’OAS, à Bruno Retailleau, accusé de mener «un bras de fer» entre la France et l’Algérie et qui a essuyé les critiques de l’élu, jusqu’au gouvernement français accusé par le député de «mépriser le peuple algérien»… Sébastien Delogu, vraisemblablement en quête des voix de l’électorat algérien de Marseille et désireux d’être adoubé par un régime dont il embrassait le drapeau en juin 2024, lors d’une manifestation pro-palestinienne, n’a pas hésité à relayer les thèses complotistes visant à conforter la position victimaire du régime algérien et a également étalé sa non-science en réponse à une question sur le Sahara marocain.

Critiquant la venue de Gérard Larcher, président du Sénat français, dans le sud du Maroc, se disant même «déçu», Sébastien Delogu a cru bien faire en arguant: «concernant ce dossier très épineux du Sahara occidental, je me place derrière la plus grosse entité politique, qui est donc l’ONU et l’ONU est en train de faire un processus de demande de référendum pour que l’autodétermination des peuples sur place puisse s’exprimer». Mauvaise foi, mensonges ou inculture, ou peut-être les trois à la fois, Sebastien Delogu a manqué l’occasion de se taire car ne maîtrisant pas son dossier. Et pour cause, comme l’expliquait Le360 dans un article, l’affirmation selon laquelle l’ONU chercherait à relancer le référendum au Sahara est fausse. En effet, toutes les résolutions du Conseil de sécurité depuis 2007 plaident en faveur d’une solution politique pragmatique, et donc, consubstantielle à l’autonomie.

Cette prise de position relayant la propagande algérienne a créé une vive polémique en France au sein de la diaspora marocaine. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les internautes d’origine marocaine à avoir annoncé retirer leur vote à LFI en raison de cette position portant atteinte à l’intégrité territoriale marocaine. Pour toute réponse, Sébastien Delogu s’est isolé dans sa tour d’ivoire en bloquant sur ses réseaux sociaux plusieurs comptes marocains, notamment celui de notre média.

Mais la polémique a aussi pris des proportions vertigineuses au sein des médias et de la sphère politique française eu égard au silence total observé par Sébastien Delogu quant à la condamnation par ce pays dont il se revendique de deux de ses compatriotes français: Boualem Sansal, condamné en appel à 5 ans de prison ferme le 1er juillet pour «atteinte à l’unité nationale», et Christophe Gleizes, journaliste sportif condamné à 7 ans de prison ferme pour «apologie du terrorisme».

LFI prend ses distances, une première

Face à la tempête de contestation suscitée par cette interview, LFI a dérogé à la règle qui était la sienne en prenant ses distances avec ce très proche collaborateur de Jean-Luc Mélenchon qui a choisi de se rendre en Algérie alors que la crise diplomatique franco-algérienne atteint des sommets.

C’est donc sur les réseaux sociaux que La France Insoumise a fait savoir qu’elle se désolidarisait de son élu. «Le député Sébastien Delogu s’est exprimé de façon personnelle en Algérie. Il n’engage ni les groupes parlementaires de la France insoumise, ni le mouvement», peut-on lire sur le compte X officiel du parti. Et de profiter de l’occasion pour «protester» contre l’arrestation du journaliste Christophe Gleizes et demander sa «libération immédiate», tout en «renouvelant» son «exigence de voir libérer Boualem Sansal».

Dans les rangs de LFI, le sujet a plongé dans l’embarras certains élus qui n’ont pas attendu le communiqué officiel de leur parti pour réagir, à l’instar du député Eric Coquerel, qui a déclaré mardi en début d’après-midi, réclamer «la libération du journaliste français Christophe Gleizes», tout en précisant «ne pas faire partie de ceux qui cultivent des relations tendues avec l’Algérie. Au contraire». Et de juger que «rien ne justifie le maintien en détention de ce journaliste qui n’a été sur place que pour un reportage consacré à sa passion, le foot».

On notera l’absence de mention à Boualem Sansal qui est loin de faire l’unanimité au sein de l’extrême gauche française. À l’heure où toute la classe politique française, de la droite, au centre en passant par le PS, a dénoncé la condamnation de Boualem Sansal, le silence qui règne au sein de LFI, ou tout du moins un soutien émis du bout des lèvres, n’étonne plus personne. On ne se souvient que trop bien du 6 mai dernier, lorsque les députés européens Insoumis ont refusé de voter une résolution demandant la libération de l’écrivain, que Manon Aubry s’est abstenue, expliquant que le texte soumis au vote était trop dur contre le gouvernement algérien, tandis que sa collègue Rima Hassan, elle, votait contre, envoyant au diable tous ses beaux discours humanistes afin de ne pas écorcher au passage «la Mecque des révolutionnaires» qui lui est si chère.

Ce mercredi 2 juillet, Jean-Luc Mélenchon est donc monté au créneau pour faire entendre sa propre voix au sein de la cacophonie régnant parmi les élus de son parti. «Mais savez-vous que le journaliste sportif Christophe Gleizes est en prison depuis un an en Algérie? Le silence français à géométrie variable l’a invisibilisé. Il est temps de se réveiller!», a-t-il ainsi lancé. «Nous, les insoumis, qui avons toujours recherché une solution mutuellement respectueuse aux problèmes des relations avec le gouvernement algérien, ne comprenons pas cette condamnation à sept ans de prison! Nous demandons au président Tebboune d’user de ses pouvoirs constitutionnels pour nous renvoyer notre compatriote», a-t-il poursuivi. À la fin de son message sur X, Jean-Luc Mélenchon nomme Boualem Sansal. «Christophe Gleizes et Boualem Sansal ont été jugés et ils ont déjà été détenus. Ils ne représentent quelque danger que ce soit pour l’Algérie. Leur maintien en détention est une crispation inutile entre nos pays et une sévérité cruelle. L’Algérie et la France doivent pouvoir vivre sans heurts. C’est le souhait de la majorité des Français. Je crois que sans doute les Algériens le veulent aussi. Il faut tourner la page. C’est le plus mutuellement profitable pour nos peuples», conclut-il. C’est ce qui s’appelle un rappel à l’ordre.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 02/07/2025 à 17h33