En entamant son second mandat présidentiel, à la suite de son investiture officielle le mardi 17 septembre, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a donné à voir un homme peu enthousiaste, pour ne pas dire totalement penaud. Et pour cause: le rififi kafkaïen qu’a connu l’élection présidentielle, qu’il s’agisse du record d’abstention, oscillant entre 77 et 90%, ou des scores staliniens de 95% et 84% qui lui ont été successivement attribués par l’Autorité électorale et la Cour constitutionnelle.
Cette attitude de Tebboune, incapable de répéter correctement les termes du serment présidentiel dictés par le premier président de la Cour suprême algérienne, et les difficultés qu’il a éprouvées à lire des passages de son discours d’investiture ont laissé transparaître son sentiment d’échec et son incapacité à dépasser un manque flagrant de légitimité populaire.
Ceci explique qu’il dise tendre la main au Hirak, qui a manifesté sa vivacité à travers des milliers de bureaux de vote restés vides le jour de la présidentielle, marqué par l’absence de 9 Algériens sur 10, pour ne prendre en compte que les 24 millions inscrits sur les listes électorales. Citant des sources gouvernementales françaises, le quotidien français L’Opinion avait précisé que le taux de participation au scrutin n’a pas dépassé les 10%.
Il faut cependant rappeler qu’à la suite de son élection de décembre 2019, Tebboune avait promis d’instaurer un dialogue avec ce même Hirak et son implication dans la confection d’une nouvelle constitution. La suite, on la connaît: des centaines de militants de ce mouvement populaire emprisonnés depuis 2020 et des lois liberticides adoptées en cascade pour museler toute opposition au pouvoir militaro-politique.
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C’est donc pour exorciser son nouvel échec électoral, bien pire que celui de 2019, que «Tebboune2» s’est lancé dans ce qu’il sait le mieux faire: jongler avec des chiffres imaginaires et se noyer dans des promesses irréalisables.
Ainsi, et pour parer au plus pressé, Tebboune a annoncé que dès 2025, c’est-à-dire dans quelques petits mois, l’Algérie sera autosuffisante en blé dur. En 2026, toujours selon lui, plus un seul gramme d’orge ou de maïs ne sera importé par le pays. Il a fait même fi des aléas climatiques, en laissant entendre que, qu’il pleuve ou pas, ces chiffres seront réalisés grâce à l’augmentation des terres irriguées avec 1 million d’hectares supplémentaires.
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Mais Tebboune a été contraint de rétropédaler sur un chiffre qui avait fait scandale: celui de l’alimentation en eau potable issue du dessalement de l’eau de mer. Cinq stations de dessalement, qualifiées de «géantes», ne produiront que 300.000 mètres cubes (m3) par jour, au lieu du 1,3 milliard de m3 par jour décliné l’année dernière à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU.
Que les cours des hydrocarbures -qui constituent plus de 96% des revenus du pays- augmentent ou baissent, Tebboune s’est engagé à augmenter les salaires de 100%. Cette mesure, comme par le passé, risque de plomber les investissements publics et de creuser le déficit budgétaire, perpétuant le recours systémique à la planche à billets, qui n’a pas cessé de tourner à plein régime depuis 2017 et l’annonce par Ouyahia du recours «au financement non conventionnel». Résultat: l’Algérie est saturée par du papier-monnaie sans ancrage à l’économie réelle, augurant d’un effondrement inéluctable de la monnaie locale et d’une crise sans précédent en Afrique du Nord.
Pourtant, et alors que le produit intérieur brut algérien -quelle que soit la méthode de calcul- oscille entre 200 et 273 milliards de dollars, Tebboune a annoncé qu’il le ramènera à 400 milliards de dollars en 2026. Comment? En misant sur des exportations hors hydrocarbures qui atteindront les 15 milliards de dollars, prétend-il. Une sinécure quand on sait que l’objectif de 8 milliards de dollars, affiché durant son premier mandat, n’a jamais été approché.
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«Start-up» étant un mot magique dans la bouche de Tebboune, il promet d’en créer plus 20.000 avant la fin de son mandat -qu’il achèvera à l’âge de 85 ans, avec à la clé la création de 450.000 emplois au profit des jeunes et de plus de 2 millions de logements pour les familles, actuellement parquées dans les «zones d’ombre» (bidonvilles et autres habitats insalubres). Ces zones d’ombre disparaîtront définitivement du paysage urbain algérien en 2025, selon Tebboune… qui avait déjà promis de les effacer bien avant la fin de son premier mandat.
Le président algérien aura une nouvelle occasion de répéter ces chiffres farfelus devant le parlement, qu’il a promis de réunir en séance plénière en fin d’année. À quoi bon, se demanderait-on, puisque les dés sont pipés? Tebboune a été désigné par l’armée en dépit de son bilan désastreux et de l’abstention de 90% d’Algériens qui ont, de fait, voté contre le régime.