Ce jeudi 2 avril était la date du 2e anniversaire de la «démission», sous les huées du Hirak, du président Abdelaziz Bouteflika en 2019, une chute synonyme de la montée en puissance de l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne, feu le général Gaïd Salah. C’est cette date qu’a choisie le tribunal militaire de Blida pour condamner le bras droit ce dernier, le général Wassini Bouazza, ex-patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui a écopé, en plus des 8 ans de réclusion prononcés en juin dernier, de 16 autres années de prison ferme.
Malgré les nombreux chefs d’accusation et les dizaines de témoins qui ont défilé à la barre pour être entendus par le procureur militaire, il a fallu moins de trois jours au tribunal de Blida pour boucler ce procès, où de lourdes peines ont été également prononcées contre les proches collaborateurs de Bouazza à la DGSI.
Ainsi, l’ex-patron de la sécurité de l’armée, le général Nabil Benazzouza a écopé de 10 ans de prison, une peine moins lourde que celles des colonels Benaaza Sofiane, alias Skender, et Aït Amara, alias Yassine (15 ans de prison chacun), puis Mustapha Lesnami, alias Lotfi (14 ans de réclusion).
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Ce nouveau procès express contre des officiers supérieurs est symptomatique de la guerre des clans qui fait rage au sein l’armée algérienne. Aucune armée au monde n’a enregistré de telles purges et un tel turn-over en cinq ans.
Résultat: les officiers algériens sont tétanisés à l’idée de se retrouver derrière les barreaux et les hommes de troupe, profondément démoralisés comme en atteste le document estampillé «secret défense» qui décrit «d’inquiétantes défections» au sein de l’armée algérienne. Ce document avait été révélé par le journaliste d’investigation exilé en France, Amir Boukhors, alias Amir DZ.
Aujourd’hui, les généraux Mohamed Mediène, puissant patron de l’ex-Département du renseignement et de la sécurité (DRS) de 1990 à 2015, et Khaled Nezzar, ancien chef d’état-major et ministre de la Défense durant la décennie noire, sont en train de se venger du clan de Gaïd Salah, qui avait emprisonné le premier (15 ans de réclusion ferme), poussé à la fuite et condamné par contumace le second (20 ans de prison).
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Pour rappel, c’est Wassini Bouazza qui avait, lors de sa nomination, le 17 avril 2019, à la tête de la DGSI, conseillé à Gaid Salah d’emprisonner Toufik, Tartag et Said Bouteflika, au motif, preuves à l’appui, qu’ils étaient en train de comploter contre lui. Après le feu vert de Gaid Salah, Wassini Bouazza aurait utilisé la méthode forte pour embastiller le trio de comploteurs. C’est lui qui se chargea, en guise d’humiliation suprême, de diffuser à grande échelle les photos de Toufik au moment où il se présentait au tribunal militaire de Blida en mai 2019, et même dans la cour de la prison où était détenu celui qui se prenait pour le «dieu de l’Algérie». Cette humiliation n’a pas été digérée par Toufik qui met une énergie féroce à se venger des officiers qui ont été à l’œuvre ou témoins consentants de sa disgrâce.
Un trimestre seulement après la mort «mystérieuse» de Gaid Salah, la purge contre son clan a été déclenchée par Said Chengriha, actuel chef d’état-major de l’armée. Général sans réseau, qui s’est retrouvé par hasard chef d’état-major, Chengriha s’est appuyé sur le duo Toufik-Khaled Nezzar pour à la fois tisser sa toile et marginaliser un président, illégitime et faible, et qui a été de surcroît désigné par Gaid Salah, l’homme à l’origine de toutes les misères du duo Toufik-Khaled Nezzar.
Rapprochement qui a marqué une descente aux enfers pour le général Wassini Bouazza, à commencer par la nomination en deux temps du général Abdelghani Rachedi à sa place. Une première fois, le 7 avril 2020, comme son adjoint avec «de larges prérogatives», et une deuxième fois, le 13 avril, soit 6 jours plus tard, comme son remplaçant après l’arrestation musclée de Bouazza. Depuis lors, tous les officiers membres de l’ex-clan de Gaid Salah se sont retrouvés agglutinés dans des pénitenciers.
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Paradoxalement, le seul reproche qui a été retenu contre ces hauts gradés corrompus est celui d’avoir fait preuve de discipline militaire en exécutant les ordres de leur supérieur hiérarchique, le général Wassini Bouazza, lui-même exécutant aveugle des ordres de Gaid Salah.
Malgré sa nouvelle condamnation à 16 autres années de prison ferme, un troisième procès de Bouazza est prévu pour les prochains mois où il doit répondre des accusation de «manipulation des élections» et «d’entraves à l’opération électorale». Ce nouveau procès aura lieu probablement après les législatives décidées par Tebboune pour juin prochain, mais qui ne suscitent pas l’enthousiasme du tandem Toufik-Nezzar. Ce qui augure d’actions de torpillages en direction de l’échéance électorale voulu par Tebboune et ce, en dépit du rejet du peuple algérien qui crie «makaynch alintikhabate maa alissabates » (pas d’élections avec les gangs).
L’esprit de représailles et de vengeance qui règne aujourd’hui dans l’armée algérienne et dont le fer de lance est le général Toufik qui veut, à la fois, prouver qu’il est capable de sévir sévèrement contre les collaborateurs de Gaid Salah et réhabiliter ses hommes, comme il vient de le faire par l’acquittement spectaculaire du général Hassan, jette l’effroi au sein des officiers et mine le moral des troupes. Trop occupé à se délecter devant le spectacle de sa vengeance, Toufik n’en a cure.