Algérie: quand le retour des importations de voitures neuves, prévu pour 2023, crée l’évènement

Complexe portuaire Tanger Med.

Complexe portuaire Tanger Med. . DR

Dans quel autre pays au monde, l’importation de la première voiture neuve est un acte qui nécessite d’interminables consultations entre experts et est salué comme un évènement rarissime? Les médias algériens retiennent leur souffle en attendant la reprise des importations de voitures dans «l’Algérie nouvelle».

Le 13/12/2021 à 15h52

Alors que le régime algérien s’évertue à retarder au maximum la reprise des importations de voitures neuves, interdites depuis mai 2020, dans le seul but d’économiser des devises, des experts et spécialistes du marché automobile local estiment qu’il va falloir attendre l’année 2023 pour voir des voitures directement sorties d’usines débarquer dans les ports algériens.

Dans son édition du 10 décembre 2021, le site algérien Ennaharonline, sous le titre «Dossier d’importation des véhicules: les experts dévoilent la date d’entrée de la première voiture neuve en Algérie», rapporte que les spécialistes du secteur automobile ont confirmé que l’entrée de la première voiture neuve importée en Algérie ne pourra se faire avant 2023. Cet «évènement», comme le qualifie le média, retarde le rêve de certains Algériens de s’offrir une voiture neuve, même s’ils ne sont guère nombreux à pouvoir se permettre ce «luxe».

Ce pessimisme, affiché par les experts, à voir le parc automobile algérien renouvelé rapidement, en vue de contribuer à la baisse des prix exorbitants pratiqués actuellement dans le marché des voitures d’occasion, s’explique par le fait que le président Abdelmadjid Tebboune a décidé, le 5 décembre dernier, la refonte totale du cahier des charges qui vient juste d’être adopté et qui allait donner le feu vert aux concessionnaires pour importer des véhicules neufs.

Or, qui dit énième refonte du cahier des charges, dit automatiquement nouveau retard dans la confection du nouveau texte qui, selon un haut responsable du ministère algérien de l’Industrie, ne pourra voir le jour que vers le mois de mars 2022, au plus tôt. D’ailleurs la finalisation du nouveau cahier des charges sera elle aussi suivie d’un autre long processus, allant de l’examen des dossiers des candidats-importateurs à agréer, à la construction des locaux, des showrooms et services après-vente dans les différentes wilayas du pays, ou encore la formation du personnel, la domiciliation bancaire, avant de passer aux commandes, à la douane, à la fixation des prix de vente…

Autant dire que la décision de Tebboune ne vise rien d’autre qu’à renvoyer aux calendes grecques les importations de véhicules neufs en vue de soulager les caisses de l’Etat, quasiment à court de devises, et économiser les quelque 3 à 4 milliards de dollars dépensés annuellement dans l’importation de véhicules. Ceux, très nombreux, à usage militaire et sécuritaire n'étant pas concernés par les restrictions actuelles.

Ce nouveau retard dans l’organisation du secteur automobile en Algérie, a eu pour effet immédiat la flambée des prix des voitures d’occasion. A titre d’exemple, une petite citadine, comme la Peugeot 208, coûte 5 millions de dinars (soit 339.950 DH), alors que ce même modèle neuf coûte au Maroc entre 123.000 et 185.000 DH TTC, selon les versions. Quant aux vieilles voitures, datant des années 80, elles sont proposées aux prix les plus élevés dans le monde.

Pour rappel l’Algérie, sous prétexte de réaliser d’importantes économies de devises, avait d’abord établi un système des quotas d’importation de voitures neuves en 2016 pour les concessionnaires, avant de suspendre carrément ces importations en 2018, pour encourager les prétendues usines de montage locales. Or, ces dernières n’étaient finalement rien d’autre qu’un régime préférentiel accordé aux oligarques corrompus du régime, qui importaient des kits dit SKD/CKD pour le montage local se résumant en de simples boulonnages et montage des roues. Ce système «industriel», avec zéro pièce produite localement et en l’absence de tout sous-traitant, a été annulé depuis mai 2020, sans pour autant permettre l’importation des voitures neuves, ce qui a désorganisé davantage encore le secteur automobile en Algérie, fait monter en flèche le prix de l’occasion et accéléré la vétusté du parc roulant.

Pourtant, le régime algérien a la solution à portée de main de ce déficit de voitures neuves, qui rend difficile le quotidien des Algériens. Le Maroc est aujourd’hui le premier producteur et premier exportateur de voitures en Afrique. Au lieu de laisser les Algériens acheter des voitures d’occasion à deux fois le prix d’une neuve, il suffit que la junte ait un peu d’empathie envers le peuple et autorise les camions et les navires transportant des voitures sorties des usines de Tanger et de Kénitra à faire le bonheur des Algériens.

Cela malheureusement a peu de chance d’arriver tant que la gérontocratie est la marque patente des dirigeants du régime. Chengriha et Tebboune préfèrent, en effet, voir les Algériens rouler dans des charrettes, tirées par des mules, plutôt que d’importer des voitures du Maroc.

Par Mohammed Ould Boah
Le 13/12/2021 à 15h52