«Abdelmadjid Tebboune n’est pas président de la République», affirme le chef d’un parti politique algérien

Atmane Mazouz, chef du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), parti politique algérien.

Pour Atmane Mazouz, président du parti politique algérien le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), l’actuel chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, «n’est pas président de la République» et ne jouit d’aucune légitimité.

Le 10/05/2024 à 20h25

Dans un entretien sans langue de bois avec un média algérien, Atmane Mazouz, numéro 1 du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), a posé des mots qui décrivent sans détours la situation politique en Algérie. Il impute ainsi la responsabilité directe de la porosité socio-économique et de l’instabilité politique qui y règnent à la curatelle imposée par la caste des militaires au locataire du palais d’El Mouradia. «Pour nous, Tebboune est le chef de l’État. Il n’est pas président de la République, du moment qu’il a été désigné. Il ne jouit d’aucune légitimité», pointe Atmane Mazouz.

«Dans une République, c’est le peuple qui est souverain, c’est lui seul qui peut donner mandat, en particulier au plus haut sommet de l’État. L’actuel locataire du palais présidentiel est issu d’un coup de force conduit par l’ancien chef d’état-major de l’armée», fait remarquer le patron de ce parti né en 1989, et qui se définit comme laïc. «C’est un président de fait. Pour nous, il n’est pas président de la République, mais un simple chef de l’État».

Bilan de Tebboune: un échec

Interrogé sur le bilan du premier mandat de Tebboune, Mazouz est catégorique: «L’annonce de ne pas aller au bout de ce mandat signe l’échec. Pour le reste, de mémoire, je n’ai pas vu une gouvernance aussi problématique, incohérente et surtout qui a confisqué toutes les libertés».

Le président du RCD pointe également du doigt la chape de plomb qui s’abat sur la liberté d’opinion et d’expression dans le pays. «Le nombre de personnes qui ont eu des démêlés avec la justice pour avoir exprimé une opinion ou le nombre de ceux qui demeurent encore en prison pour le même délit se passe de tout commentaire», déplore-t-il.

«Au demeurant, comment peut-on qualifier un pays qui vit une instabilité rampante à tous les niveaux et en proie à des pénuries récurrentes, un chômage endémique, une détérioration des services sociaux, un pouvoir d’achat réduit comme peau de chagrin et une collection d’échecs sur le plan diplomatique», se demande-t-il dans la même lignée.

Côté corruption, le constat est également sans appel. Pour Mazouz, elle a été tout simplement élevée au rang de doxa politique. «Beaucoup d’Algériens aspirent à la stabilité socio-économique, à de meilleures opportunités d’emploi, à des services de santé et d’éducation de qualité. Tout ceci ne peut se réaliser avec un pouvoir qui a érigé la répression, la fraude et la corruption comme mode de gouvernance», tonne-t-il. «Les Algériens savent que seules des institutions démocratiques et légitimes peuvent rendre espoir», complète Mazouz.

Pour ce qui est de la présidentielle anticipée en Algérie, le chef du RCD dresse un tableau tout aussi sombre, mais pragmatique. Selon lui, «les conditions sont plutôt réunies pour la fraude en amont et en aval pour imposer le candidat qui aura les faveurs du collège décideur afin d’imposer le prochain suzerain. Une élection libre et ouverte suppose l’ouverture des espaces d’expression, des médias publics et la levée des entraves à l’organisation de la société».

«L’anticipation ou l’avancement de l’élection présidentielle ne peut être interprété que comme une situation de crise profonde au sommet du système qui signe l’échec du coup de force de décembre 2019», observe-t-il.

Par Saad Bouzrou
Le 10/05/2024 à 20h25