Les officines d’Abdelmadjid Tebboune aux commandes d’une armée de trolls pour déstabiliser la France

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Alors que les relations entre la France et l’Algérie traversent de vives tensions depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Emmanuel Macron en juillet 2024, une campagne numérique de déstabilisation de la France par le régime algérien vient d’être dévoilée dans une note confidentielle de Viginum, le service français de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères.

Le 17/07/2025 à 15h12

Entre la France et l’Algérie, rien ne va plus. Depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Emmanuel Macron en juillet 2024, Alger a «riposté» avec une cascade d’actions témoignant de son hostilité à l’égard de son ancien colonisateur.

L’arrestation et l’emprisonnement de l’écrivain et essayiste franco-algérien, Boualem Sansal, en novembre 2024, le refus d’accepter sur son sol ses propres ressortissants frappés d’OQTF, la campagne antifrançaise appelant à des actes de violences en France contre les opposants au régime algérien menée par des influenceurs proches du pouvoir, l’expulsion d’agents de l’Ambassade de France de son sol et pour finir, des peines de 5 et 7 ans de prison ferme prononcées à l’encontre de Boualem Sansal et du journaliste sportif français Christophe Gleizes, ce dernier étant accusé d’«apologie du terrorisme».

Malgré la position de fermeté adoptée par la France, déterminée désormais à ne plus tendre l’autre joue mais à employer les différents leviers de pression dont elle dispose, la guerre que mène l’Algérie contre la France se poursuit aussi sur d’autres canaux de manière sournoise.

En effet, dans un article paru dans les colonnes du journal français Le Canard enchaîné, l’hebdomadaire français satirique et d’enquête révèle que les tentatives de nuisances algériennes à l’encontre de la France ne s’arrêtent pas là et confirment l’implication directe du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, dans des manœuvres antifrançaises.

A l’origine d’une campagne numérique complotiste

Cette nouvelle affaire qui risque fort de raviver les tensions entre les deux pays débute le 5 juillet, alors que les Parisiens inaugurent leur première baignade dans la Seine. La nouvelle fait la Une de la presse française et le buzz sur les réseaux sociaux… Plongera? Plongera pas? Telle est la question qu’on se pose ce jour-là en France en contemplant avec un mélange de méfiance et d’envie les eaux du fleuve qui traverse la capitale. Mais ce jour-là, une toute autre polémique que la qualité des eaux de la Seine va s’inviter sur les réseaux sociaux et inonder littéralement la Toile avant d’être relayée par les médias: l’inauguration de la baignade dans la Seine un 5 juillet par la Mairie de Paris serait en fait une atteinte à la mémoire des manifestants algériens jetés dans le même fleuve lors de la sanglante répression policière d’une manifestation pro-FLN le 17 octobre 1961, en pleine guerre d’Algérie.

Quel rapport avec la date du 5 juillet? Aucun, si ce n’est que ce jour-là, l’Algérie célèbre la fête de son indépendance depuis 1962.

Sur les réseaux sociaux, les réactions fusent et font effet boule de neige: «Les gens se baignent dans la scène (sic !) sans savoir qu’on y a noyé des algériens et en plus ils l’inaugurent le 5 juillet», écrit l’une tandis qu’une autre, surenchérit: «C’est juste de la provocation envers les Algériens, gloire à nos martyrs». Ou encore: «en ce jour d’indépendance pour l’Algérie, les parisiens n’ont pas trouvé meilleure idée que de se baigner dans l’eau dans laquelle nos martyrs ont été tués». Et plus explicitement encore: «Honte à la mairie de Paris d’avoir choisi cette date où l’on fête la mémoire de nos martyrs pour ouvrir la baignade dans la seine c’est juste un symbole de provocation et de haine». Et d’ajouter : «Hier ils noyaient les algériens dans la seine aujourd’hui ils veulent nous apprendre à nager dedans comme si leur eau était saine».

Des commentaires très orientés, établissant ce même parallèle très tiré par les cheveux aux relents complotistes… de quoi attirer l’attention des services de renseignement français, révèle Le Canard enchaîné.

La France, au cœur d’une cabale numérique

Hasard du calendrier, rapporte Le Canard enchaîné, Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, aurait justement remis à Matignon, le 25 juin, une note confidentielle longue d’une quarantaine de pages concernant «une activité numérique malveillante perpétrée par des trolls proalgériens». L’organisme de surveillance y détaille une série de «manœuvres informationnelles» opérées depuis six mois contre la France, toutes perpétrées par «un réseau de trolls localisés en Algérie», alias les mouches électroniques.

Parmi les manipulations analysées, Viginum cite dans sa note le récit d’un supposé complot de la DGSE contre l’Algérie, sujet qui entre le 3 et le 23 décembre 2024 «a généré 4652 publications sur X et 55 vidéos sur YouTube, visionnées 1 million de fois», précise Le Canard enchaîné.

Autre exemple, cette fois-ci entre le 17 et le 20 janvier, la campagne de boycott déployée par les réseaux sociaux algériens pour boycotter une cinquantaine de marques françaises, qui a fait suite à l’expulsion de France d’influenceurs algériens pro Tebboune.

Puis, en février, c’est au tour d’Emmanuel Macron de devenir la cible des mouches algériennes, qui le représentent, dans plusieurs photomontages, ridiculisé, agenouillé devant Tebboune, la marque rouge d’une gifle imprimée sur sa joue. «Le même traitement pour le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ou pour l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, brocardé par des trolls pour avoir plaidé l’extrême fermeté à l’encontre du régime Tebboune», poursuit l’article.

Tebboune, Sa Majesté des mouches

Mais les révélations de la note confidentielle de Viginum ne s’arrêtent pas là. Car au cœur de ces manipulations informationnelles ont été identifiés une série de comptes Facebook baptisés «Boulitique», en référence «au terme utilisé en Algérie pour railler la politique politicienne», explique l’hebdomadaire. Mieux encore, ce réseau a été «créé en 2014 pour dénigrer le roi du Maroc puis utilisé en 2019 afin de briser le Hirak (…) et a été réactivé pour diffuser des contenus antifrançais», annonce-t-on.

Ce réseau électronique est ainsi identifié par Viginum comme un «écosystème de trolls qui publie exactement le même contenu à la même heure ou à quelques minutes d’intervalle» et qui «ne semble avoir été mis en place que pour relayer des contenus d’actualité et parfois participer à des manœuvres informationnelles». Et le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères de souligner le haut niveau de technicité requis pour dissimuler l’identité réelle des propriétaires de ces faux comptes.

Or, poursuit Le Canard enchaîné en se basant sur des informations sourcées, les services de renseignement français soupçonnent l’Organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication en Algérie, l’ONPLOTIC, d’être à la manœuvre. De fait, le ministre de la Défense algérienne, sous la coupe duquel se place cette entité, serait aux commandes de ces attaques électroniques contre la France. Un soupçon qui se mue en certitude dès lors que les investigations de Viginum ont remonté le cours de cette campagne pour aboutir à un serveur électronique appartenant à l’ONPLITIC.

Si Le Canard enchaîné ne cite pas le nom dudit ministre de la Défense dans son article, celui-ci n’est autre que le président algérien lui-même, Abdelmadjid Tebboune, sacré Chef suprême des Forces armées et ministre de la Défense nationale en 2019. Le chef d’état-major, Saïd Chengriha, occupe, quant à lui, depuis novembre 2024 le poste de ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale. C’est donc le tandem Tebboune-Chengriha, à la tête de l’Algérie, qui est le responsable direct de l’organisme qui orchestre les campagnes numériques, visant à déstabiliser la France.

La question d’une nouvelle campagne numérique antifrançaise commanditée par le régime d’Alger se pose donc avec plus d’acuité aux services secrets français depuis le 5 juillet. Après tout, cette ingérence algérienne ne serait pas nouvelle. On se souvient encore de la campagne numérique relayée par des Algériens ou binationaux appelant à commettre des actes de violence sur le sol français à l’encontre des opposants au régime qu’ils soutiennent.

Mais on se souvient encore plus particulièrement de l’enlèvement et la séquestration de l’opposant algérien Amir DZ lors d’une opération qui a capoté et qui a abouti au placement en garde à vue par les autorités françaises d’un agent diplomatique algérien qui y était impliqué. Une affaire qui a ravivé les tensions entre les deux pays, car l’implication des services secrets algériens a été prouvée par l’enquête des autorités françaises, et qui dans le cadre d’une enquête explosive menée par Le Journal du Dimanche (Le JDD) a abouti à une révélation de taille: l’implication directe d’Abdelmadjid Tebboune dans l’enlèvement de l’influenceur et de manière plus générale, dans les actes de barbouzeries perpétrés en France, en Espagne et sur le sol algérien à l’encontre des opposants au régime en place. Car, en guise de président, «la nouvelle Algérie» a en réalité hérité d’un homme aux pratiques mafieuses dont un sinistre portrait est dressé dans l’enquête journalistique du JDD.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 17/07/2025 à 15h12