Depuis la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine se pose la question des droits des femmes, car avec l’arrivée du candidat républicain à la Maison Blanche, l’espoir des pro choice de restaurer le droit à l’avortement de façon homogène à travers le pays fond comme neige au soleil. Au-delà de cette question cruciale qui touche à la liberté individuelle –celle de disposer de son corps–, le duel pour les présidentielles a aussi viré à la guerre des sexes, entre masculinistes et féministes, avec pour enjeu, côté républicain, de faire barrage à une femme à la tête du pays.
Pour les partisanes de Kamala Harris, cette défaite a un goût particulièrement amer, au point qu’elles sont de plus en plus nombreuses à avoir pris une décision radicale: vivre dans un monde sans hommes, en rejoignant le mouvement des 4B. Né en Corée du Sud, où les inégalités entre hommes et femmes plombent la société, et où le sexisme fait rage, ce mouvement féministe radical –dont le nom est l’abréviation de quatre mots qui commencent par «bi» en coréen-, prône quatre grands principes fédérateurs d’une nouvelle vie pour les femmes: pas de couple hétéro, pas de mariage, pas de grossesse, pas de sexe.
Pour être une femme heureuse, il faudrait donc bannir les hommes de nos vies. C’est ce que pensent désormais de plus en plus de femmes américaines qui illustrent sur les réseaux sociaux leur nouvelle conception de la vie, quitte à verser un peu plus dans la misandrie. Parmi les conseils donnés aux femmes qui veulent rejoindre le 4B Movement, prendre des cours de self défense, supprimer leurs profils sur les applications de rencontre, arrêter de parler aux hommes, et surtout, investir dans un sex toy. Sur X, un tweet devenu viral et vu plus de 17 millions de fois encourage ainsi les femmes à «fermer leurs utérus aux hommes», car «cette élection prouve plus que jamais qu’ils nous détestent et nous détestent fièrement». L’idée est donc de ne pas les «récompenser» en leur barrant l’accès à notre intimité et en faisant barrage à la procréation.
Pour être sûres de rompre tout contact avec la gente masculine, l’un des mots d’ordre est aussi de se raser la tête pour ne plus plaire. Une consigne qui n’a pas été du goût de toutes et a suscité la colère des… femmes chauves. En effet, celles qui souffrent d’un cancer ou d’une alopécie ont exprimé leur mécontentement sur les réseaux sociaux, n’acceptant pas que l’on associe la perte de cheveux à la fin de la féminité et de la séduction.
Avec ou sans cheveux, il n’en demeure pas moins que sur Google les recherches associées à ce mouvement ont explosé depuis la victoire de Donald Trump, notamment dans les États les plus conservateurs qui ont aboli le droit à l’avortement des femmes. C’est le cas de la Géorgie qui caracole en tête des recherches associées au 4B Movement.
Ce monde rêvé, où l’homme n’aurait plus ses entrées et où les femmes couleraient des jours heureux loin de cette espèce ennemie, existe aussi sur les réseaux sociaux sous la forme d’un pays imaginaire, baptisé le Tanaland. Une utopie féministe en ligne, accessible uniquement aux femmes, qui ressemble trait pour trait à l’univers rose bonbon de Barbie, possède un drapeau, un hymne, une capitale –Tana City–, une présidente, un passeport, un festival et une devise: «Liberté, Égalité, Tenacité».
Ca peut prêter à sourire, mais le succès de ce pays fantasmé est bien là avec plus de 20 millions de citoyennes! Que des femmes et toutes des Tana, (contraction du mot italien «puttana», p.u.t.e. en français), insulte qui envahi les commentaires sous les posts des femmes sur les réseaux sociaux. Pour dénoncer le phénomène, les créatrices de contenu ont donc décidé de s’approprier cette insulte en la tournant en leur faveur. Pour accéder à Tanaland, il faut donc avoir été traitée de Tana par un homme, ce qui arrive à peu près plusieurs fois par jour pour les femmes, mais surtout, se sentir profondément Tana, autrement dit être une bad bitch, soit en version polie, une dure à cuire, une femme à la féminité hyperaugmentée, confiante, qui sait ce qu’elle vaut. Un modèle féminin représenté de plus en plus dans le monde de la musique avec en guise d’icônes des bad bitches telles que les chanteuses Kali Uchis, Shay, Bad Gyal, Aya Nakamura, Rosalia, Cardi B, Megan Thee Stallion, Doja Cat ou encore Nicki Minaj.
Une nouvelle version du féminisme, bien plus radicale, qui déclare ouverte la guerre des sexes.